Fantômes du passé

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-Alors dis-moi beauté… Parle-moi des tréfonds de ta tristesse.

Lorsqu’il me dit cela, je reviens à moi, à ma tristesse. Comment elle a commencé encore ?

Léticia a apporté ce fichu téléphone.

-Tiens ! m’avait-elle dit. Chargé comme il faut pour appeler !

-Minceeeee mais où est-ce que t’as eu ça ? C’est interdit ! m’étais-je écriée.

-Chut !!! Parle plus bas !!! Parce que tu crois que je le sais pas ? chuchota-t-elle. C’est Marie qui l’a eu par je sais pas quelle prof qui est copine avec la sœur de sa mère.

-Cette école c’est une vraie mafia ! Mais ça me dit pas en quoi ça nous regarde.

-C’est simple ! Tu vas appeler ta mère !

-T’as perdu un boulon c’est ça ? Tu peux me le dire hein ! Je te soutiendrais en tant qu’a…

-Mili… Sept ans sans même saluer ta mère tu trouves pas ça lourd ? Ca fait deux ans que j’y pense.

-Mais ce n’est pas moi qui l’éloigne, du moins pas exprès.

-Mais tu ne fais rien pour te rapprocher d’elle…

C’était triste mais je savais bien que Léticia avait raison. Elle ne m’avait pas fuit parce qu’elle me déteste et je le savais. Elle aussi elle souffrait.

-Tu comptes laisser ma main pendouiller jusqu’à quand ? demanda-t-elle.

Je la regardai alors et finit par lui arracher le téléphone. Elle sourit alors fièrement et se jetta sur mon lit près de moi. J’avais peur. J’avais la frousse ! Et je restai figée une éternité à regarder le téléphone. Léticia s’impatienta alors.

-Bah alors ! Ca vient cet appel ou t’as oublié son numéro ?

Je voulais dire non mais aucun son ne parvint à sortir. Je secouai juste la tête.

-Mili, Mme Nague peut ouvrir cette porte on ne sait quand alors si tu m’aimes un peu, appelle s’il te plait !

Je me fis alors violence, composai le numéro, le lançai et portai le téléphone à l’oreille. Je n’arrivais pas à tenir ce pauvre téléphone d’une seule main, me raccrochant à lui comme à mon dernier espoir. Il se mit alors à sonner à mon oreille, relançant les battements de mon cœur.

-Allô…

C’était elle. Ma voix était toujours aux abonnés absents aux moments où j’en avais le plus besoin.

-Allô ?

Ca faisait longtemps que je n’avais plus entendu maman parler aussi simplement à mon endroit, très longtemps… Je fus alors émue mais aussi apaisée.

-Allô, répondis-je.

-C’est qui ?

-Salut… maman.

-Mili… ? Euh Mileva.

-C’est moi maman, dis-je la voix brisée, émue aux larmes.

Ca faisait longtemps que je ne l’avais plus entendu m’appeler « Mili » et pour cela, je n’arrivais pas à être troublée par son ton de nouveau froid.

-Les téléphones sont interdits ! Si tu ne raccroches pas immédiatement, je dirais à…

-Maman je suis désolée…

-Euh… Comment ?

Je sentais bien qu’elle était troublée. C’était mon moment. C’était le moment de me libérer.

-Maman je suis désolée de t’avoir fait souffrir, désolée d’être née, désolée pour tout ! dis-je sans pouvoir contenir mes larmes.

-Mili… Tu n’as pas à être désolée... On… dit-elle tendrement avant le retour brutal de sa froideur. On ne s’excuse pas de ce qui n’est pas réparable. Ca ne guérit pas les blessures. Ne m’appelle plus jamais sans autorisation. D’ailleurs évite de le faire même si tu le peux officiellement.

Et me voilà à écouter le répondeur. Mes larmes ont cessé mais pas parce que je vais mieux non. Je suis en état de choc.

Me rappeler de tout ça me fait encore mal comme si je venais de le vivre. De toute mon introspection, mon consolateur ne parle pas le moins du monde, comme se remémorant avec moi ce moment douloureux qui lui est pourtant inconnu. Et alors que je me demande comment l’aborder, il me devance, encore.

-Tu te sens prête à me le dire ?

Et sans réfléchir…

-Je suis une personne odieuse, dis-je.

Je m’apprête à dévoiler seize ans de triste vie sur cette terre, et si naturellement, à cet homme dont je ne connais ni le nom, ni le visage mais qui me procure un réconfort nouveau pour moi. J’ouvre la bouche comme guidée par mon âme lorsque je suis interrompue par une personne me sautant dessus.

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