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— Alors, le Spectre?

— De quoi tu parles, Patrick? demanda Sten, interloqué.

— Le créature dont on parle partout sur le caillou. C’est son nom officiel!

Il comptait et rangeait la recette du jour sur une petite table. Des tas de pièces étaient rangées par valeur et par dizaine. Assis sur son lit de camp, il avait souri en voyant entrer, dans l’étroite demeure aux quatres murs, son ami.

— Tiens, ignora Sten en jetant une bourse grasse qui éparpilla les petites colonnes dans un bruit métallique.

— Bordel! Mes pièces! rugit Patrick. Si tu es là c’est que ça va, non? - le tabouret est là.

Pendant un moment, on entendait que le quincaillement des pièces. Puis, Sten se décida à conter les événements survenus la veille: sa journée de travail prolifique, sa tentative à grappiller du poids en plus, son cahier saisi par Lamski, son collègue au poste de garde trop sûr de lui, la créature (il en frissonna)… et cette scène finale surréaliste.

— Lamski l’a tuée? demanda Patrick.

— Oui. Il a surgit de derrière moi, m’a poussé et a bondi, l’arme en avant. Un rondin de bois, bien taillé, ici (il pointa un de ses yeux), le crâne de la bête transpercé de part en part. Elle mesurait au moins deux mètres.

— Et la dépouille?

— Brûlée, simplement.

Son ami se gratta les quelques poils de barbe sur le menton, songeur.

— Bordel… Comment va-t-on faire pour péter la gueule à un type pareil… s’interrogea Patrick, à peine audible.

— Lui péter la gueule? Attends, une créature complètement inconnue des Anciens est venue frapper à notre porte et tout ce à quoi tu penses, c’est péter la gueule à ce fumier?

Son ami arqua un sourcil broussailleux:

— Le spectre est bien mort, n’est-ce pas? Alors, pourquoi devrais-je m’en soucier?

Sten fut pris de court par la répartie de son ami.

— Si tu voyais ta tronche! reprit Patrick avec un sourire. Allez, vieux, tu as perdu la tête? C’était probablement un animal qui a voyagé trop loin et s’est égaré dans nos contrées! Depuis que nous sommes reclus sur des terrils ceinturés par des murs, la nature a repris le contrôle au dehors. Pour en revenir à Lamski, (il se leva hors du lit de camp), j’ai quelque chose qui pourra nous aider.

Il renversa le lit sur lui-même. Dessus, rien ne pouvait trahir la présence de quoique ce fusse de suspect. Pourtant, il balaya de son pied le sol dans un nuage de poussière et une trappe en bois apparut. Il inséra ses doigts dans l’encoche pour la hisser vers le haut, découvrant une petite cavité. Dedans, se trouvaient des bourses, un pied de biche, une hache et plusieurs bouteilles en verre. Il fouilla à l’intérieur afin de brandir une scie à métaux triomphalement.

— Une scie? pouffa nerveusement Sten. Cet homme a buté un monstre, ou un animal, avec un rondin de bois et toi, ton plan, c’est l’attaquer avec une scie? Je vois une hach...

— Bordel, Sten, coupa Patrick. Il est où, ton esprit vif? On va aller dehors pour chercher de quoi revendre ou de quoi s’équiper. Un pied de biche, une scie à métaux et on peut enfin accéder à la pièce sécurisée, là où on s’était arrêté la dernière fois.

— La surveillance va être renforcée, ça va être compliqué de poser un pied hors du mur.

— On va se mettre dans le chariot d’un commerçant itinérant, répliqua Patrick, étonné.

— Les animaux des contrées lointaines, tu les oublies?

— On les zigouille! Bordel de bordel, tu cherches des excuses pour laisser ton chef se goinfrer sur ton dos?

— Certainement pas! objecta Sten, comme réveillé par une secousse. Il paiera quoiqu’il arrive. T’as songé une seconde aux répercussions si on lui casser la figure ? Tout le monde sur le terril connaît son mode opératoire. La Justice va donc s’orienter sur cette seule piste, pour remonter jusqu’à moi.

Par dépit, Patrick se pinça le sommet du nez.

— Ce n’est pas grave. Après tout, je n’y gagne rien, je voulais t’aider. Mais ne compte pas sur moi pour m’en charger et tant pis si tu laisses ta sangsue. Sacré abruti.

La symphonie des pièces recommença de plus belle avec un chef d'orchestre contrarié par son unique spectateur.

— J’irai seul.

— C’est trop risqué. Tu es trop impatient! Pourquoi ne pas attendre qu’on en apprenne plus sur ces… trucs pour revenir en force après? Là, c’est vraiment chercher les problèmes. Rien que… le bruit qu’elle faisait t’aurait cloué les pieds à terre.

— Je me fiche des problèmes. J’irai et je prendrai le butin. D’ailleurs, peut-être qu’il n’y en a pas, mais j’irai. Mais je n’aurai pas la visite des regrets. Je n’ai qu’une vie, je ne veux pas la gâcher. Alors je n’attendrai pas pour y aller et je vais me préparer.

Il saisit une bourse vide et la remplit de l’ensemble des bouts de métal comptés au préalable, il la jeta par-dessus les autres dans l’étroite cavité, s’empara du pied de biche et de la hache fraîchement aiguisée. La cachette et le sempiternel lit restitués, il se tourna vers Sten, encore sur le tabouret, en rangeant ses outils: glissé dans un mince sac à dos. Son arme: dans la housse attenante à sa ceinture, le manche parallèle à la jambe.

— Si on veut la révolution, le combat commence en soi.

Un léger sourire courba un coin de ses lèvres avant d’entamer le pas pour quitter sa petite demeure.

— Où t’as mis ma pelle à main? Je te l’ai laissée pour l’aiguiser et j’en aurais besoin si on croise un Spectre.

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