Noël s’assit et se cogna immédiatement la tête. Son lit !! Bon ben voilà, encore un tour de passe-passe ! pensa-t-il immédiatement. En tout cas, il n’y voyait goutte. Il marmonna quelque chose comme :

« Pfff ! C’est pénible, on ne nous prévient même pas et on nous enferme comme des bêtes dans un truc. » Il tâtait les contours de l’espace dans lequel il se sentait pris au piège. « Même s’il y a un message, on n’a même pas la lumière ! »

Immédiatement, un murmure lui répondit :

« Tais-toi donc, ils vont savoir qu’on se cache-là ! ».

Noël, de surprise, sursauta et se cogna une nouvelle fois au plafond.

« Qui êtes-vous ? Où suis-je ? Pourquoi ? Où sont mes amis ? » les questions succédaient aux questions sans jamais trouver de réponse. Et pour cause ! Son hôte n’arrivait pas à en placer une.

Il sentit une petite menotte glisser sur son épaule, doucement, lentement pour le rassurer. Il respira un bon coup, puis se détendit. Alors, l’étranger s’expliqua.

« Tu es ici en Suède ». A nouveau, Noël heurta le plafond ce qui ressemblait bien à un cachot. La main apaisante, reprit sa balade sur son bras.

« Toi et moi sommes sous le plancher d’une maison, je suis un tomten… » Noël réprima un soubresaut. La voix reprit son discours, comme un ruban qui le maintenait dans la réalité.

« Votre chef a décidé que vous deviez vivre la tradition d’autres pays que le vôtre.

- Mais, répliqua Noël, on nous a déjà tout raconté l'autre jour, et j'ai tout bien pigé... J'ai pas besoin d'être là ! Et mes amis sont ici aussi ? Pourquoi je ne les entends pas ?

- Non, les autres sont éparpillés en Suède pour la Sainte Lucie.

- Oh mince alors ? Mais si je me souviens bien, ici, les festivités durent du 13 décembre au 13 janvier ! C’est bien ça ? Jamais nous ne serons de retour pour la nuit du 24 ! se lamentait-il en pleurnichant.

- Arrête, prends les événements comme ils se produisent et tu verras bien ! » : le coupa son interlocuteur.

Noël, piqué au vif, cessa sa litanie, se moucha un bon coup et décida qu’il était temps de comprendre ce qu’il fichait là ! Après tout, il en avait déjà vu de toutes les couleurs et il était encore de ce monde ! Posant les deux mains au plafond de la cachette, il fit remarquer que pour apprendre, il fallait y voir un minimum.

« Pas du tout, lui répondit-on, écoute. Tu verras très bien avec tes oreilles si tu t’en donnes la peine !"

En effet, il entendait des petits pieds juste au-dessus de sa tête.

« Des souris ? » s’enquit-il auprès de son hôte.

- C’est Soren" : rectifia celui-ci.

Et maintenant, une petite danse faisait vibrer le plancher.

- Je te présente Maja, elle est en train de se vêtir pour la Sainte Lucie. Le 13 décembre est un jour important en Suède, c’est la fête des lumières. Le tomten continuait : « A la Sainte Lucie, le jour avance d’un saut de puce ! » c’est le proverbe qui le dit !»

Noël était déconcerté, à l’école on lui avait pourtant appris que les jours commençaient à rallonger à partir du solstice d’hiver, le 21 décembre. Et voilà qu’en Suède on fêtait les lumières le 13 du même mois !

Son compagnon, petit futé, perçut son trouble :

« En réalité, les jours continuent à diminuer jusqu’au 21 décembre. Simplement la nuit se décale : il fait jour plus tard le matin, il fait nuit moins tôt le soir. Mais tu as raison, jusqu'au solstice d'hiver, les jours racourcissent toujours mais surtout le matin. Comprends-tu ? C’est bien ça qui te chiffonnait, n’est-ce pas ?

Noël hoche la tête.

« Sortons à présent, la voie est libre » : susurra la voix. Et, disant cela, il souleva une latte de parquet qui céda sans manière sous la poussée.

A l’air libre, Noël se sentit immédiatement soulagé, la lumière d’hiver, pâle et blanche, baignait la pièce et diffusait dans l’air une sensation bienheureuse. L’enfant aspira une bonne goulée d’air frais.

Malgré tout, quelque chose clochait… Les chaises, le bureau, le canapé lui semblait bien immense… Les Suédois sont-ils plus grands que les autres ? Il s’interrogeais lorsqu’il vit débouler le chien de la maison : un monstre, un seul de ses poils aurait pu les étouffer tous les deux !

Son compagnon lui cria : « Tous aux abris ! Danger imminent ! » Il grimpa avec une aisance déconcertante sur l’étagère la plus haute. L’ascension de Noël fut beaucoup plus laborieuse. Un fois à l’abri des crocs de l’énorme bête qui circulait au sol, il se tourna vers le Tomten, barbe blanche, chapeau pointu qui lui descendait jusqu’au nez, que pouvait-il bien y voir ? Néanmoins, il ne montrait pas la moindre gêne pour se déplacer… Incroyable !

« Vous m’avez rétréci, non ? »

« Pas le choix, pour les besoins de ta nouvelle mission on a dû considérablement réduire ta taille. Comment veux-tu vivre sous le plancher d’une maison avec ton mètre trente ? » Ironisa la petite créature.

Dans la grande pièce, tout se précipita, ils virent passer la jeune Maja, toute de blanc vétue, parée d’une coiffe de bougies, chargée d’un plateau de petit déjeuner. « Elle porte le petit déjeuner à ses parents, c’est la tradition ! » Noël songea qu’il n’avait jamais fait ce plaisir à ses parents….

« Ensuite, tout le monde rejoint le grand cortège dans la ville et nous on aura la voie libre ! Youpi !" s'exclama-t-il en exécutant une petite danse de son invention. "Tu sais, autrefois, les esprits malins, les êtres maléfiques, les troll malfaisants se déchainaient pendant la longue nuit de la Sainte Lucie, alors, les humains ont inventé cette fête des lumières pour les obliger à fuir et à rejoindre leurs domaines ! »

- Mais quel rapport avec Noël ? questionna Noël

- Nous, les Tomten nous sommes les aides du JulTomten et nous sommes présents pour vérifier la conduite des enfants jusqu’au 24 décembre. Autrefois, nous restions cachés sous les planchers ou dans les granges toute l’année." Il eut un soupir : "C'était éreintant et plus de notre âge, mon pauv'Monsieur ! De nos jours, nos rhumatismes nous empêchent de rester plier en quatre dans des positions inconfortables et douloureuses. Alors, nous avons négocié avec JulTomten : 13 jours, il a dit… » soupira-t-il, « c’est mieux que rien ! Toujours est-il que notre travail reste le même : aux enfants sages les cadeaux mais gare à ceux qui s’attaquent les animaux ou aux êtres humains plus faibles qu’eux : nous refusons la méchanceté. Nous punissons, donc, TRES sévèrement les mauvais comportements. Tu vois, Soren et Maja ? je vais les surveiller étroitement pendant douze jours. Chacun de leurs faits et gestes sera scruté, rien ne m'échappe ! Ensuite, j’établirai un compte rendu que je remettrai à JulTomte notre mini mini Père Noël avant le 24 décembre. Si tout se passe bien, ils recevront leurs cadeaux, sinon… je ne réponds de rien !

Toute la journée, les deux compagnons, jouèrent à cache-cache avec le chien de la maison, s’amusèrent à lacer les chaussures des habitants deux par deux, grignotèrent des lussekatters, petits gâteaux au safran typiques de cette fête, déplacèrent les décorations de Noël, glissèrent des bonbons dans les chaussures laissés à cet effet dans l’entrée de la maison. Puis, retournèrent sous le plancher épuisés de leur journée.

«Tu sais, d’habitude, je vis la nuit… Aujourd’hui j’ai fait une exception pour toi. Demain, je reprendrais mes habitudes. C’est plus simple… Tout le monde dort et même le chien Olaf ! Mais cette journée avec toi, c’était quand même rudement bien, on a bien rigolé !»

Il se retourna vers Noël, celui-ci dormait à poings fermés. Il en avait même oublié sa phrase préférée, celle qu’il se répétait depuis son arrivée :

Demain on saurait…