J-19

3 minutes de lecture

Le dortoir, plongé dans l’obscurité, bruissait encore des sons de la nuit lorsque Noël s’éveilla au tout petit matin. Il se remémora les événements de ces derniers jours, les yeux fixés au plafond qu’il devinait plus qu’il ne le voyait. Comment était-il possible que tous ses congénères se nomment Noël ? Et comment se faisait-il que le Père Noël soit capable de les appeler un par un sans que personne ne réponde à la place d’un autre ou que tout le monde ne parle en même temps. Noël étouffa un rire sous sa couverture à l’idée de la cacophonie qu’aurait pu déclencher un pareil incident. Mais comment était-ce possible ? Il se rappelait que, lorsqu’il était un écolier comme les autres, la maîtresse accolait l’initiale du nom lorsque deux élèves portaient le même prénom. Mais là, ils étaient plusieurs dizaines et pas la moindre erreur ! C’était véritablement magique !

Alors, qu’il en était là de ses pensées, son regard fut attiré par la forme qui dormait encore dans le lit voisin. Le bonnet de l’enfant avait glissé et une longue tignasse blonde barraient le front de l’enfant, s’écoulait ensuite le long de sa joue pour achever sa course liquide sous le drap, contre le cœur du petit. Intrigué, Noël enfila ses chaussons et sans un bruit, s’approcha de son voisin. Couché sur un côté, celui-ci rêvait sans doute car un sourire éclairait son visage dans la pénombre. Sa peau fine, délicate, ses longs cils blonds frémissaient un peu. Noël, eut un sursaut. « Cet enfant-là… c’est une fille ! » pensa-t-il stupéfait. Enfin, il croyait qu’il l’avait seulement pensé car à ce moment-là, l’endormi s’éveilla, s’étira et plongea son regard dans celui de Noël ! Sans un mot, il, elle mit sa main sur sa tête et constatant que son bonnet avait disparu, se mit à le chercher avec frénésie. En un tournemain elle enfouit ses cheveux blonds dans le couvre-chef, posa un doigt sur la bouche pour lui intimer l’ordre de se taire, fermant les yeux fit mine de se rendormir. Noël, toujours aussi déconcerté, n’osa pas insister et rejoignit prestement sa couche en proie à mille questions : Comment une fille pouvait-elle envisager d’être un Père Noël ? Comment le vieux bonhomme pouvait-il accepter cela ? lui qui savait tout, il ne pouvait ignorer que sa voisine de lit était une fille. Aurait-elle la force, l’adresse, l’endurance nécessaire ? D’un côté, c’était plutôt une bonne chose car jamais, jamais elle ne pourrait guider un traîneau !

Puis, il repensa à ses copines d’école. Il ne voyait pas Léopoldine et Léana faire une nuit blanche pour aller distribuer des cadeaux dans tous les coins de la terre, pleurnicheuses et égoïstes comme elles l’étaient, elles auraient bien trop peur de se casser un ongle ! Il rit encore dans son plastron. Pourtant, Joséphine… ou même Fatima… Des images surgirent de sa mémoire. Elles étaient fortes en sport, elles avaient toujours un regard et une attention pour les plus fragiles, elles étaient redoutables en mathématiques et même en lecture : bref, elles avaient le profil ! Mais, et ça, pour lui, c’était rédhibitoire, elles n’auraient JAMAIS, JAMAIS une grande barbe blanche !

La cloche retentit, c’était l’heure. Il ne fallait pas traîner. Il allait s’arranger pour surveiller l’intruse. Il savait qu’il ne pouvait pas la dénoncer, il serait devenu un vilain rapporteur et ses chances de faire le voyage du 25 aurait fondue comme neige au soleil. Non, juste garder un œil sur elle.

La journée se déroula comme celle de la veille, il fallait répondre aux messages toujours plus nombreux. Le découragement aurait pu anéantir l’énergie des jeunes Noël, mais non, ils continuaient tous leur devoir avec une application à faire pâlir d’envie tous les maîtres et maîtresses de la terre !

Noël, malgré tout se fit rappeler à l’ordre plusieurs fois à cause de son manque de concentration. Il répondait en cyrillique à une lettre écrite en espagnol ou en signes chinois à un courrier en provenance de Hollande ou en danois à une missive grecque. Pas facile de rester attentif à son travail tout en épiant quelqu’un !

Enfin le soir vint et Noël se faufila pour s’installer à table à côté de Noël fille. Celle-ci n’en prit pas ombrage et poussa son assiette, son verre et ses couverts. Elle ne semblait ni troublée, ni fanfaronne, ni même grognon. Non, elle était juste à l’aise sans excès.

Noël songea un instant qu’en fait, elle était maline, très futée même. Elle ne pouvait ignorer qu’il était coincé : s’il dévoilait ce qu’il venait d’apprendre, il devrait quitter le pensionnat car un père Noël doit être irréprochable ! Ils devisèrent donc gentiment jusqu’à la fin du repas sans évoquer l’épisode inattendu.

Rejoignant ensuite le dortoir, perturbé par les événements, Noël oublia même de penser :

Demain on saurait, c’était sûr !

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 3 versions.

Vous aimez lire Adalie33 ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0