J-21

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Ce matin-là, tous descendirent l’escalier aux marches grinçantes, comme à l’habitude, douchés et odorants comme une parfumerie en plein été. En bas, le Père Noël les attendait comme ces derniers jours avec sa garde rapprochée de petits lutins. Avant même que les bols ne soient devant les museaux, le vieux bonhomme les apostropha :

- Enfants, aujourd’hui on lit !

Noël, le rouge au front, se dit que ce ne serait sans doute pas sa journée… Il était nul en lecture ! Encore, quand c’était des sons simples ça pouvait encore aller : « salade », « tomate » ou « patate » pas d’problème… mais il y avait peu de chance que le Père Noël ait préparé un manuel de lecture ou une recette de cuisine !

- Nous allons nous intéresser ce jour aux lettres des enfants.

Noël soupira. S’il tombait sur une lettre réclamant « une moto » ou « cabane » … Il ne serait pas totalement ridicule mais pour le reste… Les yeux humides, il retenait des reniflements qui l’auraient immédiatement fait repérer.

- Vous allez voir, ce n’est pas si difficile : compléta le Père Noël. Il faudra répondre bien sûr, mettez-y tout votre cœur, soyez sincère et chaleureux, tout ira bien !

Notre Noël, n’en menait pas large… Il se rassura un peu quand il comprit que le Père Noël comptait les mettre deux par deux. Peut-être que son comparse serait plus habile ?

On déjeuna en silence : était-ce la concentration ? l’angoisse de ne pas être à la hauteur et de décevoir le grand chef ? la fatigue accumulée de ces quelques jours harassants ? Un silence de plomb planait dans la salle.

Enfin, le petit déjeuner prit fin. Noël tenta de gagner un peu de temps en empilant les bols par couleur, les cuillères par forme, les verres par taille, il essuya les tables avec une application inédite… Quelques autres Noël ne semblaient pas plus pressés que lui de rejoindre le salon de lecture. Le lutin de ménage, s’approcha de lui et sans rien dire, le guida hors du réfectoire jusqu’au lieu de son supplice.

La salle était immense, de hautes bibliothèques sombres occupaient tous les murs. A y regarder de plus près, les étagères n’étaient pas chargées de livres, non, des panières en osier de toutes tailles occupaient le moindre espace disponible. On aurait dit un puzzle en trois dimensions, érigé du sol au plafond. Au milieu de la salle, un colossal empilement de panières complétait cet incroyable agencement. Quelques tables, quelques chaises, des coussins aussi, disposés partout où il restait un peu de place attendaient les lecteurs.

Déjà, les lutins agiles escaladaient le monticule ahurissant pour descendre des piles de lettres et les distribuer à chaque binôme. Bientôt on entendit une sorte de bourdonnement de ruche. Chacun s’essayait à la lecture avec plus ou moins de réussite.

Noël et Noël prirent la première lettre :

Cher Père Noël

J’ai été très sage, et je t’attends avec impatience.

Mon Papa et ma Maman sont contents de moi.

Je voudrais bien une voiture télécommandée et des outils pour bricoler avec mon papa. J’aimerais bien qu’il m’apprenne à fabriquer une maison pour mes poupées.

Je t’embrasse bien fort

Anaëlle

PS : je te préparerai des truffes pour te donner des forces.

Noël se surprit à lire tout d’une traite. « Ben en fait c’est facile lança-t-il à son comparse » qui le regarda étrangement. « Ben oui, tu croyais quoi ? quand on lit avec son cœur, c’est toujours simple » répondit son ami.

Toute la journée, ils décryptèrent, décodèrent et, parfois, devinèrent les contenus de message qui disaient à peu près tous « qu’ils avaient été très sages ».

« Cherpernol

jevoudrében cetumedon décado. je suisupersaj. pair son é commoi

jevoudéuncamondepomper 1tiranosor1jedepeticheval 1golbtereste parseque jeveconètre lépai.

plindebisousdou

Mica"

Certaines lettres comportaient des dessins ou parfois des photos. Les jeunes Noël était parfois extrêmement touché par des courriers qui demandaient juste un repas ou le retour d’un papa…

"Père Noël, tu es génial

Parfois j’ai un peu mal

Et je pense à toi qui vas venir bientôt un soir

Alors je vais mieux et voudrais bien te voir

Porte moi s’il te plaît

Un monstre bien laid :

Il chassera ma tristesse

A toute vitesse

Père Noel, je t’aime

Plus haut que mon poème.

Bisous

Lou"

Consciencieusement, Noël, Noël et Noël répondaient par des petits mots plein d’amour, de réconfort… C’était facile d'écrire et d’aimer.

Tour à tour le soir, puis la nuit vinrent les surprendre le stylo à la main, des piles de courriers lus à côté et d’autres près à être envoyés. Le Père Noël s’avança dans le majestueux salon de lecture et gronda gentiment :

-« Allons les enfants, il est l’heure d’aller se sustenter ! Sans manger et sans dormir, vous ne serez bon à rien !

- Mais nous n’avons pas terminé : osa Noël

- Il fera jour demain ! Les lutins vont envoyer vos lettres, reprit le vieux bonhomme en faisant un geste large de la main. C'est bien, vous avez fait du bon boulot!"

Tout le monde comprit bien qu’on ne saurait pas encore aujourd’hui ! Avant de quitter la salle, les jeunes apprentis tentèrent d’évaluer le temps qu’il leur faudrait pour arriver au bout de cette mission de première importance. Les plus optimistes se risquèrent à dire :

Demain on saurait, c’était sûr !

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