J-22

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Ce matin-là Noël, Noël, Noël et les autres se levèrent et sans barguigner (le Père Noël adore ce mot…) se jetèrent sous la douche. Et frotte que je frotte, et savonne que je savonne et shampouine que je shampouine : des effluves de lavande, de mandarine ou de pomme sauvage (c’était écrit sur l’emballage…) emplissaient les moindres recoins de la salle de bain. Bientôt, les petits pieds cavalèrent dans le grand escalier toujours précédés et poursuivis des senteurs aux noms évocateurs indiqués sur les fioles de produits d’hygiène. Ils déboulèrent comme d’habitude dans le vaste réfectoire. Le Père Noël était, comme la veille déjà en place…

Derrière lui, légèrement caché par son grand corps, une petite « chose » hurlante et vociférante saturait l’espace de ses cris perçants.

Les enfants, s’immobilisèrent immédiatement, attendant des explications.

Le vieil homme fit une tentative :

«… vous… dé… en… ooo !... pour… di…. pleurs.. cal…. »

Puis une autre en élevant encore la voix :

« Cet…. pos… n’importe… es… plus ! »

A bout de souffle, il engagea d’un geste l’équipe de lutins qui tels des essaims de fourmis grimpèrent sur les Noëls interloqués pour leur donner les consignes inaudibles jusque-là.

« Aujourd’hui, vous allez avoir droit à un nouveau test : cet enfant est extrêmement capricieux et colérique, vous avez jusqu’à ce soir pour en faire un agneau tout doux. Celui qui y parviendra, sera l’élu du Père Noël.

Noël fut le premier à se lancer à l’assaut de la boule de nerf pour lui chanter une comptine : « Le père Noël est enrhumé, préparons-lui du thé sucré… » Le petit garçon cessa un instant, regarda Noël, lui mit le doigt dans l’œil et recommença sa sérénade. Sans se démonter, Noël reprit : « L’as-tu vu, l’as-tu vu le petit bonhomme, le petit bonhomme, l’as-tu vu, l’as-tu vu le petit bonhomme au chapeau pointu, il apporte des joujoux… ». De nouveaux glapissements vinrent lui vriller le cerveau.

Un lutin, entraîna Noël par la main : son temps était dépassé….

Toute la journée, Noël, puis Noël, puis Noël se succédèrent auprès du champion toutes catégories confondues du beuglement, du sanglot, du piaillement voire du rugissement.

On essaya la bataille de boules de neiges. Elle eut pour effet de redoubler les braillements.

On tenta la gourmandise en l’encourageant à confectionner des truffes aux chocolats. Un instant, on crut que l’on avait réussi puisque l’enfant cessa momentanément ses cris. Cependant, à force de rouler dans ses mains chaudes les petites friandises de beurre et de cacao, elles fondaient irrémédiablement et les hurlements reprenaient de plus belles.

Noël amena le petit, transpirant et morveux auprès d’un renne pour que l’animal l’apaise. Celui-ci effrayé détala à toute vitesse précipitant l’enfant dans une colère noire. Un autre chercha sans succès à le calmer en lui proposant une douche parfumée. Un autre voulut comprendre l’origine de ses cris : « Tu as mal quelque part ? ta maman te manque ?Quelqu’un t’a fait de la peine ? ». L’enfant hochait la tête sans jamais cesser son vacarme vocal.

Le yoga, la méditation et la relaxation, la philosophie, l’engueulade, la lecture de conte de Noël, les sucreries diverses et variées. Rien n’y fit ! On était dans l’impasse. Le soir venu, assis dans le réfectoire, les enfants exténués et désappointés observaient fixement le fond de leur assiette comme s’il en allait de leur vie. Le petit vaurien, lui, continuait son attaque consciencieuse des pauvres tympans déjà fortement sollicités tout au long de la journée.

Le Vieux Noël pénétra dans la salle à manger, se dirigea l’œil amusé vers le petit monstre, le prit dans ses bras. L’enfant, interloqué, le regarda fixement, puis d’une main malhabile caressa la longue barbe blanche, enfin d’un geste vif le petit y enfouit son visage entier instantanément apaisé.

Sans un mot, portant toujours son trophée qui soupirait d’aise dans son giron, Le Père Noël fit le tour de l’assemblée à la fois soulagée et déçue puis quitta la pièce emportant le pire cauchemar des apprentis Père Noël.

Noël, Noël, Noël et les autres résignés rejoignirent leurs couches sans traîner.

Demain on saurait, c’était sûr !

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