Voyage

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- Ilah -

Quelques semaines après, je reçois une missive provenant d'Hurl, par la Déesse. Pourvu que je ne doive pas y retourner dès à présent ! En lisant la lettre, je comprends que c'est uniquement une sorte de convocation à une expédition, où mes nouveaux « talents » pourraient s'avérer utiles. Eyhiliss est une grande forêt occupée par les Elfes en son centre. Il peut y avoir certains dangers effectivement, mais sûrement pas de quoi apeurer une équipe d'expédition de plusieurs dizaines de membres.

Trois semaines pour préparer ma deuxième grande aventure, si mourir étouffé par des centaines de livres poussiéreux dans des galeries creusées à même une falaise est une première grande aventure.

 Largh, le chef d'expédition est un grand homme, originaire de Snoha, il ne lâche pas sa hache d'arme une seule seconde. Avec son mètre quatre-vingt-dix il domine quasiment d'une tête tous les autres hommes, c'est mon tuteur et je dois me plier à ses caprices. Il peut paraître bourru au premier abord, mais il est bien plus loyal et honorable que le commun des mortels. J'aime voyager à ses côtés, il joue souvent d'un instrument peu commun, le luth, beaucoup se plaignent que le son produit est trop strident, mais Largh joue assez bien pour que personne ne lui témoigne de mécontentement, à moins que ce ne soit sa carrure qui les tient en respect.

 Le voyage est long, nous avançons peu rapidement à vingt-sept, la caravane fait près de quinze mètres de long. Ce n'est peut-être pas très gênant pour le moment sur nos belles routes pavées, ou au moins un chemin de terre. Ce sera plus complexe une fois dans la nature sauvage d'Eyhiliss.

 Cela nous a pris bien trop longtemps pour rejoindre la frontière. Et les vrais problèmes ne font que commencer… D'ailleurs je ne sais toujours pas la raison de notre voyage, je vais devoir demander à mon nordique préféré. Nous allons au Lac Hildan, il paraît que l'eau de ce Lac aurait des vertus de guérison. Même si je peux soigner un bras cassé assez facilement par des forces qui me dépassent, je ne suis pas certaine de croire que l'eau pourrait avoir ce genre d'utilité.

 Comme prévu la caravane ne peut pas poursuivre, alors nous partons tous à pied. Le voyage va être long. Je vous passe les détails, étant donné que les arbres se ressemblent, et par la Déesse il y en a des dizaines de milliers dans cette forêt ! Nous arrivons enfin au Lac Hildan, même s'il n'avait pas ces prétendus pouvoir de guérison je le trouverais magnifique, il fait sombre, mais le reflet des deux lunes sur l'eau calme est assurément reposant. Surtout après quarante-sept jours loin de chez soi, même si c'est peu comparé à cinq ans je l'admets.

 Ce lac est vraiment gigantesque, il doit être aussi grand que la Marchande. Le bleu azuré me maintient éveillé des nuits entières, je n'ai pas sommeil quand je le regarde. Largh m'a dit de me méfier des illusions que ce lac pourrait avoir sur les gens, mais cette eau ne peut rien faire à personne ainsi inanimée. Il se fourvoie.

 Les jours passent, je n'ai finalement pas eu à utiliser ma magie, en tout cas pas vraiment, hormis quelques égratignures sur des scientifiques un peu trop précieuses. Je décide de longer le lac, cela fait trop longtemps que je reste dans le camp à ne rien faire d'autre que de le regarder, j'ai envie d'en ressentir la grandeur. Largh voulait m'accompagner, mais il doit s'occuper de la gestion de l'expédition, c'est étonnant à quel point il fait attention à moi, et en y réfléchissant, il l'a toujours été à mon égard. Je vais sûrement partir pour deux ou trois jours, c'est dire la quantité d'eau que contient ce lac.

 Avant que je parte, le grand blond m'a étreint, pas de la manière que j'aurais cru venant d'une montagne de muscle, beaucoup plus doux, comme s'il ne voulait pas briser un flocon. Dans son regard j'ai cru voir une inquiétude sincère. Je ne pars pas longtemps, et je ne m'éloigne pas non plus du lac, inutile de s'inquiéter.

 Premier jour de promenade, flâner sur les rives du plus grand lac du monde est aussi éreintant que le nom le laisse paraître. Je pense que mon périple sera plus long que prévu, je mange l'un des fruits récoltés par les botanistes plus tôt cette semaine. Heureusement que j'ai pu prendre un sac, et la nourriture qu'il contient.

Les racines des arbres plongent dans l'eau comme des ancres. Ce qui ne m'aide pas vraiment pour mon trajet, parfois enjamber ne pose pas de problème, mais certaines racines proviennent d'arbres millénaires, et passer au-dessus de la racine d'un arbre qui fait au moins une fois et demie ma taille n'est pas pour me plaire. Loin de là. Le Soleh se couche et déjà je regrette d'avoir eu cette idée, mais pourquoi faire demi-tour ? Ce serait inutile de revenir pour regarder l'eau stagner pendant des jours tendit que des chercheurs chercheront.

Première nuit de sommeil, de prétendu sommeil, je regarde encore et toujours la surface de l'eau, j'ai envie de m'y plonger, je crois que je m'accorderai un bain de minuit en rentrant, en attendant je me sers de l'eau de mon sac pour me laver, tel que demandé par le plus mignon des nordiques.

 Le Soleh se lève, je ne le vois pas à l'horizon, mais sa lumière donne une teinte dorée aux arbres, je dois me remettre en route. Toujours des racines, toujours de l'eau, c’est moins intéressant que je ne l'imaginais. La rive opposée semble ne pas changer. C'est sûrement mon imagination.

Deuxième jour de marche, je dois être à la moitié, selon toute vraisemblance. Encore une nuit sans sommeil. Marcher, encore et encore.

Troisième nuit. Toujours marcher. La fin doit être proche.

Je finis le quatrième jour, j'ai dû prendre du retard.

Cinquième jour, toujours pas de trace de l'équipe d’expédition; ils ne m'auraient pas laissée seule ? Leurs recherches auraient dû prendre encore quinze jours. Et Largh ne serait pas parti sans moi. Je vais essayer de presser le pas.

Sixième jours. Je n'y comprends plus rien, j'ai pourtant l'impression de ne pas tourner en rond au vu de la position des étoiles et de là où Soleh se couche.

Neuvième jour… c'est à y perdre la tête, je n'ai presque plus de provisions, et déjà plus d'eau depuis hier. La tentation est trop grande de me baigner. L'eau est si belle et calme.

 Le froid m'élance et agresse ma peau, mais ça me fait un bien incroyable, je ne me souviens pas avoir été autant relaxée, je peux réfléchir calmement. Où les autres ont-ils pu partir ? Ils étaient pourtant au bord du lac. Et même en s'éloignant un peu j'aurais pu voir la lumière de leur feu, ou au moins la fumée… J'ai cette sensation d'étreinte, celle de Largh. Elle était chaude, douce malgré sa musculature, et hasardeuse.

Celle que je ressens maintenant est froide, pesante et implacable. Je ne me rends pas bien compte que déjà l'obscurité entrave ma vision.

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