Chapitre 5: Rumeurs et reprise du voyage de Lirinah.

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Cela faisait un long moment que Lirinah s'était habituée à travailler dans l'auberge de Télia, tellement qu'elle avait l'impression de faire ce boulot depuis des années. Bien qu'elle fût pressée de retrouver Kendraff, elle savait bien que voyager ne se faisait pas si facilement. Puis, elle n'avait aucun indice concernant son aimé.

Pourtant, vu le temps qu'il a passé dans les tavernes avec ses nouveaux amis, cela aurait pu marcher d'en glaner sur son lieu de travail.

Sauf qu'il n'avait jamais foutu les pieds dans celle-ci ni aucune de Bretagne.

Peut-être, mais avec un peu de chance, un voyageur parcourant le monde aurait pu le croiser en Gaule.

Ça suffit les propos diffamatoires ? Il n'y a pas passé autant de temps que ça. C'était pour des raisons... Importante...

Si vous le dîtes... Je vois pas en quoi picoler était important...

Stop, on est sur l'histoire de Lirinah, là. Et aucun de ses clients n'a rencontré Kendraff donc revenons-en à elle, et uniquement à elle... Et Télia. Au bout d'un mois, elle estimait avoir enfin réuni la somme lui permettant de poursuivre ses recherches dans une autre région, celle-ci s'étant révélée peu... fructueuse en termes de renseignement. Tandis qu'elle s’apprêtait à annoncer sa décision à Télia, elle n'eut pas le temps de franchir le seuil de la porte que celle-ci s'ouvrit devant elle. La tavernière entra dans la chambre avec une tenue clairement pas faite pour mettre la table. L'odeur du gibier crevé empestait la pièce, tandis que le pantalon et le gilet de cuir de l'aubergiste étaient entièrement maculés de sang.

Tiens, une nouvelle guerrière dans l'histoire ?


Mais chute ! C'est pas le moment d'en parler !

Mais c'est tellement évident que je ne vois pas l'intérêt de garder le suspense.


Puisque c'est comme ça, il ne sert à rien que j'attende pour faire mon entrée, cher confrère. Après tout, c'est moi qui étais en charge de notre nouvelle «aventurière». Cependant, j'aimerais, si vous le voulez bien, qu'on évite d'en dire plus que nécessaire sur son rôle et ses activités à l'avenir...

J'y comptais bien, mais notre consœur n'a pas pu s'empêcher de révéler ce détail. Mais ce qui importait dans cette scène n'était pas la tenue de Télia, mais bien l'impression qu'elle laissa à Lirinah. La princesse, malgré ses capacités, était intimidée par l'aura que dégageait celle qui lui faisait face.

  • Liry! Tu comptais aller quelque part ?

  • Oui, j'ai beaucoup apprécié travailler avec toi, mais il est temps pour moi de quitter ce pays.

Malgré cette annonce, Télia ne bougea pas d'un pouce, continuant de barrer le passage à une Lirinah surprise, et méfiante, du comportement de la tavernière à son égard. Cette dernière ne se priva pas d'expliquer son geste, puisque de toute façon il le fallait bien.

  • Je ne pense pas que tu vas partir comme cela ! Au cas où tu l'aurais oublié, tu as un arrangement avec moi, et je n'ai pas donné mon accord.

  • Depuis quand il me faut ta permission ? Laisse-moi passer !

  • Si tu avais pris la peine de lire notre contrat, tu aurais su que tu n'étais pas employé à l'auberge, mais à mon service. Et cela, tant que je ne t'aurais pas libéré de tes obligations envers moi.

Moralité, ne jamais signer un contrat sans l'avoir lu.

Heu, Lirinah étant une princesse, elle n'aurait pas du savoir ce genre de chose ?

Certes, mais malheureusement, il semble qu'à vouloir fuir son royaume et son statut social, elle en ai négligé ce qu'elle en avait retiré de bénéfique, ce qui la plaçait dans une situation défavorable. Pourtant, malgré qu'elle ait tourné cette page de sa vie, elle en garda certains réflexes, dont celui de n'en faire qu’à sa tête et de croire que tout lui était dû...

  • Comme si tu pouvais me forcer à rester ! Je partirais si je le veux !

  • À ta place, je n'en serais pas si sûr. Tu parles un peu trop facilement.

Puis, Télia se pencha soudain à l'oreille droite de Lirinah, afin de lui murmurer une phrase bien précise :

  • Mais peut-être que tu préfères que tout le monde sache qui tu es, princesse Lirinah ?

Lirinah afficha un air surpris et inquiet, suite à la déclaration de Télia, se sentant alors comme un animal piégé. Elle se pensait en sécurité puisqu'elle croyait avoir pris soin, de bien cacher sa véritable identité.

Sérieusement ? Juste raccourcir son nom, je n'appelle pas ça «cacher». Par contre, la vraie question, c'est comment Télia a découvert aussi vite la vérité, et pourquoi elle n'a pas usé de cette information.

Ça, c'est bien ma protégée, chasseresse rusée et calculatrice jusqu'au bout.

Et c'est censé être votre héroïne ?

Je ne vois pas où est le mal. C'est votre princesse qui a merdé. Ma «protégée» n'a fait qu'exploiter cette erreur à son avantage.

Oui, mais il est temps de répondre à la question de notre consœur, ou plutôt, de laisser Télia le faire car Lirinah se demandait également comme la tavernière avait réussi à savoir la vérité.

  • Comment as-tu découvert cela ?

  • C'est très simple, il y a quelques jours, j'ai trouvé cela en ville, lui expliqua Télia en lui montrant un avis de recherche. Tu as été bien stupide de te contenter de raccourcir ton nom. Et puis, je te remercie grandement de m’avoir raconté ta vie, à moi, une inconnue. Ça m’a beaucoup aidé à faire le rapprochement avec la légende en bas de l’avis de recherche.

  • Et tu comptes me dénoncer, ou me faire prisonnière pour avoir une récompense ?

  • Pourquoi j'irais faire cela ? Tu m'es bien plus profitable en étant à mon service.

  • Qu’entends-tu par-là ?

  • Disons que j'ai un gros boulot pour toi. Si tu acceptes bien gentiment, je te libérerais de ce contrat. Tu seras alors libre de partir où tu veux

  • Pourquoi devrais-je te faire confiance ? Après tout, rien ne me garantit que tu tiennes ta parole, et que tu sois la seule à connaître ma véritable identité.

  • Ne m'as-tu pas écouté ? Tu m'es plus utile à mes côtés que chez toi, car la mission que je vise est plus rentable que la récompense sur ta tête. Personne ne sait pour toi sauf moi. J'ai pris soin de récupérer tous les avis de recherche de la ville. Pour ce qui est du travail que je propose, je t'expliquerais cela une fois que tu te seras préparé à partir.

Lirinah entra dans la chambre et se changea rapidement. Malgré un odieux chantage de la part de Télia...

Une stratégie audacieuse et payante !

Mais bien sûr... Donc, elle était soulagée de pouvoir enfin laisser les robes derrières elle, de pouvoir remettre sa tunique noire. Cependant, elle s'équipa sans réelle motivation, ne sachant pas comment se sortir de cette situation. Elle ne put s'empêcher de penser à la «proposition» que lui avait faite Télia, et Lirinah finit par y trouver une chance plutôt qu'un problème. S'il s'agissait d'une quête à accomplir, elle pourrait marcher sur les traces de Kendraff, et faire ses preuves en tant que guerrière. Si cela serait dangereux ? Bien sûr ! Mais après tout, Lirinah n'avait-elle pas choisi de prendre ce genre de risque en souhaitant suivre la même voie que Kendraff ? Et même si elle n'avait aucune idée de ce que lui réservait Télia, au moins elles étaient dans le même camp sur ce coup-là. Alors c'est avec un tout nouvel état d'esprit qu'elle finit de s'équiper en vitesse, pressée de partir à l'aventure. Une fois prête, elle rejoignit la tavernière qui s'impatientait:

  • Tu en as mis du temps, tu étais perdu dans tes pensées ? Ou peut-être cherchais-tu à une solution pour me fausser compagnie ? Si c'est le cas, oublie ça, car contrairement à toi je suis moins négligente.

  • Désolé. Puis je n'ai pas l'intention de m'enfuir. Pour être franche, cette idée d'aventure me plaît bien alors dis-moi ce que tu veux de moi.

  • Ho ! En voilà un retournement de situation «inattendu».

Inattendu ? Sérieusement ? À quoi bon la faire chanter et l'embarquer, elle, une guerrière, dans son plan si elle ignorait qu'elle serait une alliée utile ?

Merci de gâcher tout l'effet de cette scène. En vrai, elle s'attendait à ce que Lirinah aime l'idée. Le chantage n'était là que pour l'aider à la suivre. Lirinah avait juste apprécié cette proposition de quête bien plus vite que prévu. Puis, merci aussi d'avoir interrompu Télia, dans son grand moment de révélation, alors reprenons à cet instant...

  • Tu as devant toi l'une des meilleures archères et chasseuses de la région, bien que je sois en théorie une simple tavernière. C'est comme ça que l'on peut servir ici une viande de qualité à un coût des plus réduit.

  • Mais je ne vois pas le rapport avec moi ? Si tu es si doué que ça, pourquoi aurais-tu besoin de moi ?

  • Ce coup-ci, je compte chasser un gibier bien plus rentable. Des voyageurs ont raconté des nouvelles venant du Sud, concernant des attaques d'homme-lézards.

  • Et donc, on va traquer ce genre de créatures ?

  • Bien sûr, mais je suis comme une chasseuse et non une aventurière, ton renfort est le bienvenu, même si j'ai aussi une épée. C'est juste une chance supplémentaire de survie, au cas où je serais à court de flèches. C'est là que tu interviens, tu seras mon bouclier, ma protection.

  • Bonne nouvelle, donc moi je prends tous les coups, et toi tu t'en sors saine et sauve ?

  • Sauf que je suis ta meilleure option pour quitter le pays en toute liberté. Je peux te conduire jusqu'à un port par des chemins loin les grandes villes. Maintenant, si on a enfin fini de tergiverser pour ne rien dire de plus utile, j'aimerais partir au plus vite d'ici.

Les deux équipières partirent pour un village sur la côte au sud-ouest de la Bretagne. Pour y parvenir, elles avaient un long chemin à faire pour s'y rendre, devant marcher à un rythme soutenu. Télia avait donc tout préparé pour camper plusieurs nuits d'affiler. Lors du premier jour, elles furent chanceuses, car la zone qu'elles avaient parcourue était une vaste plaine, riche en arbres fruitiers, donc elles purent aisément manger à leur faim. Après une longue journée de marche, elles s’installèrent dans un sous-bois épais pour y rester à l’abri des regards. Le campement monté, Lirinah fut tombée la première à s'endormir. Ledemain, ce fut pourtant Télia qui se réveilla la première, secouant la guerrière scandinave pour qu'elle en fasse autant.

La chasseresse savait qu'elles avaient encore un long chemin à parcourir, et ordonna à sa subordonnée de plier rapidement le camp, ne lui laissant qu'un court instant pour manger un morceau de pain. Puis elles repartirent immédiatement pour une nouvelle journée de marche et malgré les protestations de Lirinah, elles ne firent aucune pause. À la tombée de la nuit, elles avaient parcouru plus de distance que le jour précédent, car le lendemain, leur cadence serait fortement ralentie. Le chemin qu'elles devaient prendre par la suite étant des plus difficiles en termes de relief. Avant d'attaquer leur prochaine journée de marche le lendemain, Lirinah décida d'interroger Télia un peu plus sur leur destination et leur futur travail :

  • Dis-moi, tu sais où nous allons n'est-ce pas ? Tu m'avais parlé de me conduire vers un port après cette mission.

  • Oui, puisqu'on se rend dans une ville portuaire.

  • Et c'est tout ce que tu peux me dire ? Nous sommes partis seulement à deux avec juste un lieu et des rumeurs ?

  • Tu plaisantes ? Tu crois vraiment que j'aurais quitté la taverne comme ça ? Je suis pas une cruche comme toi ! Je sais exactement ce que nous devons faire là-bas, et ce que je pourrais y gagner.

  • Comment ça ? Tu m'as forcé à t'accompagner, la moindre des choses serait de me donner plus de renseignements.

  • Forcé ? Je pensais que tu avais changé d'avis et que tu avais envie de faire ce voyage, cette quête !

  • Parce que je croyais que tu me dirais tout, et me ferais un peu plus confiance !

  • D'accord ! On va chasser pour une prime d'environ trois mille sesterces que je compte partager, simplement ta part correspond exactement au montant que j'estime pour l'annulation pour notre contrat.

  • Quoi, tu ne m'en laisses même pas une petite part ? Pourquoi as-tu autant besoin d'argent ?

  • Cela ne te regarde pas. Soit juste contente que je partage mes bons plans avec toi. Puis, pour «ta part», à la base tu semblais avoir assez d'argents pour quitter le pays. Maintenant, fous-moi la paix, je voudrais dormir.

Sympa, cette nouvelle camarade de voyage...

Ses arguments sont valables.

Après avoir passé une seconde nuit de repos, elles repartirent aussi vite que le matin précédent pour entamer un long chemin zigzagant à travers des plateaux aux reliefs aiguisés, et dont le niveau ne cessait de varier. Lirinah manqua plusieurs fois de tomber dans une crevasse, et se coupa à de nombreuses reprises sur des roches cachées par de hautes herbes. De son côté, Télia avançait sans soucis et se décida à passer devant, connaissant mieux la zone.

Enfin ! Elle aurait pu commencer par là. Pauvre Lirinah...

Lirinah étant une aventurière,Télia n'avait aucune raison de douter de ses compétences et passer devant.

C'est fini, oui ? Qui que ce soit qui serait passée devant, Lirinah se serait quand même fait mal. Les cailloux et rochers étant à la hauteur de ses tibias, qu'elles n'avaient pas protégés. Arrivée à mi-chemin, ce fut la première fois qu'elles faisaient une longue pause en pleine journée, le terrain difficile les forçant à être prudentes dans leur progression. Pourtant, le chemin qu'il leur restait à parcourir fut plus court que Lirinah ne l'avait imaginé, l'odeur des embruns marins commençant à s'infiltrer dans ses narines. Elles atteignirent enfin leur destination en fin de journée : une ville portuaire formant un croissant autour de la baie. Leur première décision fut de trouver une auberge...

Pour y picoler ? Vu que ça semble être la mode chez les jeunes aventuriers...

Pour y manger et prendre un bain bien chaud, après ces longs jours de marches. Puis, en revenant à leur chambre, Lirinah commença à foudroyer Télia du regard, frustré de rester à ne rien faire.

  • Bon, et maintenant qu'on est ici, on fait quoi ?

  • On attend.

  • Pourquoi ça ?

  • Parce que les dernières attaques qui m'ont été relatées ont toutes eu lieu la nuit. Pister du gibier est bien plus facile avec des traces fraîches. Il sera donc plus simple de trouver leur cachette.

  • Ensuite, on rapporte cette info aux troupes qui protègent la ville, et ils n'auront plus qu'à faire le reste c'est bien ça ?

  • Tu rêves ! Pas question de rentrer et de laisser toute la gloire aux hommes !

Ha ! Bien parler ma petite demoiselle. La déesse que je suis ne peut que vous approuver !

Homme ou femme, les aventuriers restent des aventuriers. Alors laisser donc cette histoire se dérouler sans la couper de ce genre de commentaires gratuits et inutiles. Surtout pour interrompre Télia dans ses explications.

  • Une fois qu'on a repéré le nid, on massacre tout à intérieur et on revient pour toucher une prime plus importante. Les trois mille sesterces sont uniquement pour la mission complète, les renseignements c’est rien à côté. Plus on casse de monstres, plus on y gagne. On va leur montrer qu'on sait se battre efficacement !

  • Et sinon, tu ne crains pas que l'on me recherche ici ? Cette ville est plutôt grande quand même.

  • Pas d'inquiétude pour ça. Avec une offre aussi alléchante, la plupart des aventuriers et des chasseurs de prime sur place viennent surtout pour le même gibier que nous. À côté tu ne vaux rien ici, sauf si tu te balades à poil dans la ville.

Sympa ce commentaire, surtout que c'est pas le genre de Lirinah de faire ça.

Sauf quand elle est seule avec Kendraff.

C'est arrivée qu'une fois !

Quoi donc ? J'étais pas là depuis le début, moi.

Vous connaissez l'histoire aussi bien que nous, alors n'en parlons plus. Revenons-en à Lirinah et Télia qui patientèrent toute la nuit à l'auberge, même si c'est moins amusant, afin d'être bien reposées. Elles n'étaient pas les seules à y avoir élu domicile cette nuit, car beaucoup de combattants occupaient également les lieux de sommeil de la cité. Ce soir-là, elles prirent le temps de s'organiser pour devancer une concurrence qui s'annonçait très rude. Après avoir établi une zone de recherche autour de la ville, elles finirent par aller se coucher et s'endormir. C'est au beau milieu de la nuit que le tocsin de la cité fût sonné tandis que se produisit l'événement que Télia attendait tant : la ville fût de nouveau attaquée de nuit.

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