Chapitre 2: Voyage en mer et nouvelle vie.

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Dans un petit port au sud-ouest du royaume scandinave, une fine silhouette, vêtue de noire, sortit d'une auberge à la nuit tombée. Rasant les murs, restant loin des lumières des rues et des habitations, elle cherchait quelque chose de bien précis. Après avoir exploré un long moment le quai, la forme...


Sérieusement ? Vous allez continuer comme ça longtemps ?


Mais, et le suspense, cher ami ?


Quel suspense ? On s'en fout un peu là, tout le monde sait très bien que c'est Lirinah votre fameuse «silhouette en noire» !


Bon, très bien... Donc, Lirinah s'arrêta devant une galère aux étendards bretons. Des hommes s'apprêtaient à y charger de la marchandise, et la princesse comprit que ce bateau quittait le port. Observant le groupe de marin, elle chercha du regard et trouva celui parmi eux qui semblait donner les ordres. Elle s'approcha de lui, pendant que les autres faisaient rouler des tonneaux à la chaîne sur la passerelle.


Lirinah se planta devant le capitaine, puis elle retira sa capuche pour laisser voir un visage féminin, ainsi que des cheveux blonds, lisses et attachés en arrière en queue de cheval avec une natte à l'avant. Il afficha un air surpris de cette visite près de son navire. Dans un latin parfait, lui permettant de se faire passer pour une étrangère voulant rentrer chez elle, elle s'expliqua sur la raison de sa présence :



  • Bonsoir, j'aimerais partir sur ce bateau au plus vite, dès ce soir. Je suis prête à y travailler pour y gagner le voyage.

Le capitaine se mit à hurler de rire. Lorsqu’il retrouva enfin son calme, il répondit froidement à la jeune femme :



  • J'espère que tu plaisantes fillette ? Une pisseuse sur un bateau ? Mais tu vis dans quel monde, toi ? Allez, fiche-moi le camp d'ici !

  • Ho mais je suis plus que sérieuse ! J'ai besoin de partir sur ce navire, alors ne comptez pas me chasser aussi facilement !

  • Et tu crois pouvoir faire quoi avec ton corps de morveuse ? Tu vas servir de décoration ? Quoique, à ton âge, mes hommes arriveraient à te trouver une utilité qui risque de ne pas te plaire du tout.

  • Ce serait une mauvaise idée de leur part ! Répondit Lirinah en dévoilant sa dague et son épée. Peut-être me verrez-vous autrement si je vous montre de quoi est capable la «fillette" !


Lirinah se retourna face au navire, et sauta d'un bond sur la passerelle, sous les yeux médusés du capitaine et de ses hommes. Elle se saisit alors d'un des matelots et le souleva pour le jeter à l'eau et de prendre sa place. Elle remonta l'un des tonneaux sur le pont. Les marins étaient prêts à l'expulser sans ménagement, mais à leur grande surprise, leur chef leur fit signe de ne rien faire. La jeune femme avait tenté de le convaincre de sa force, mais le regretta assez vite.


En même temps, si elle voulait embarquer, elle aurait dû éviter de se mettre le capitaine à dos en perturbant le travail de ses marins.


Certes, mais une fois passée la surprise, tous se montrèrent moins arrogants. Après tout, la jeune femme était armée et pouvait donc se battre gratuitement en cas d'attaque pirate. Le capitaine rejoignit Lirinah sur le pont du navire, tandis que le reprenait le travail dans sans dire un mot. Avec un large sourire, il s'adressa à elle avec un ton bien plus chaleureux :



  • Tu m'as convaincu de te laisser une chance mais pour la confiance, il te faudra faire tes preuves. Sinon je t'abandonnerais en mer sans hésiter, et il vaudrait mieux pour toi que tu saches nager. Si je dois nourrir une bouche de plus, que j'en ai pour mon argent.

  • Entendu, quant à vous, j'espère que vous cesserez de me considérer comme une «enfant" incapable.

  • On en reparlera après avoir fait le voyage jusqu'en Bretagne. Déjà que je fais l'effort de je tolérer le fait que t'as envoyé un de mes matelots à l'eau. Une fois en mer, aucun incident, comprit ?


Lirinah acquiesça d'un signe de tête et se mit au travail avec le reste de l'équipage. Une fois le navire chargé, elle eut enfin l'occasion de prendre le large. Le soleil commençait à se lever, et que ses poursuivants arrivèrent trop tard pour l'empêcher pour partir. Elle les regarda s'époumoner inutilement avec un sentiment de fierté sur le visage, mais le cœur lourd. Elle quittait quand même son pays, et tous ses souvenirs, amis, et familles.


Alors oui, mais il faut recadrer le contexte. Sa seule amie était Eldah, sa famille était la cause de son départ, et ses souvenirs ? Bah, elle les emmener avec elle.


D'accord, mais c'était un grand changement dans sa vie, une page qui se tournait. Elle ne pouvait pas ne rien ressentir non plus.


Elle ressentait surtout de la fierté, comme vous le disiez, et c'était sans doute son sentiment principal à cet instant. Fierté d'avoir réussi à s'évader loin de ses soucis, d'avoir fui avec succès la garde de l'Ouest.


En effet, je voulais juste ajouter du «poids» à ce grand départ ! Mais il était vrai que l'heure était à la réjouissance pour Lirinah, mais pas trop non plus. Elle prit au sérieux les commentaires du capitaine concernant sa féminité, et se trouva un endroit isolé du navire pour y dormir en toute sécurité et tranquillité : en haut du mât de la vigie. Le matin, elle se levait puis mangeait avec le reste de l'équipage puis se mettait au travail tout comme eux, bien que le capitaine s'amusait de lui faire faire toutes les tâches ménagères du bateau. Ce scénario se répéta durant toute la traversé, mais Lirinah ne plaignit jamais.


Après une semaine de voyage sans le moindre incident, le navire accosta Nord de l'île de Bretagne. Une fois l'ancre jetée et la passerelle abaissées, Lirinah aida au déchargement d'une cargaison d'hydromel qui était vendue dans toute la région, autour du port. Lirinah fut chargée d'une dernière tâche, la livraison dans une auberge que lui avait recommandée le capitaine. La fille des aubergistes parlant bien le latin , elle pourrait aisément lui demander une chambre. Une fois la livraison faîte, le capitaine fît ses adieux à la jeune femme.



  • Pas mal pour une fillette.

  • Merci, mais je suis loin d'être une "fillette" !

  • C'est pas faux. Mais ne compte pas sur moi pour t'embaucher à nouveau sur ce navire. J'ai fait une exception, mais normalement on n’engage pas les femmes à bord.

  • Et pourquoi on ne pourrait pas travailler sur un bateau ? Demanda Lirinah irritée par les propos du capitaine.

  • Parce que ça porte malheur pardis ! Tout le monde sait ça! Enfin surtout les marins, les miens étaient sceptiques à ton sujet.


Non, les femmes à bord d'un navire ça ne porte pas malheur ! Ce genre de clichés n'existeraient pas, si certains dieux, en charge des océans, ne laissaient systématiquement les marins seuls face à tous les dangers présents !


Quoi ? Mais sans danger, sans difficulté, sans défi, où est l'aventure ? Comment conterait-on les histoires de grands héros bravant les affronts de la mer en furie, les sirènes, et les monstres marins ?


D'accord, faudrait pas que ça soit trop facile non plus, mais pas question que les femmes en paient les conséquences. En plus, des équipages féminins, y'en avaient aussi, ils ont jamais coulés pour ce simple fait.


De toute façon, c'est un débat sans fin et stérile. La stupidité n'a pas de remède. Alors laissons plutôt Lirinah se défendre seule comme une grande, surtout qu'elle avait plus de répartie qu'on pouvait le croire...



  • Vraiment ? Pourtant je suis certaine que le voyage fut très calme, et j'étais une femme sur ce navire !

  • Ha ha, peut-être que tu portes chance ! En tout cas, je te souhaite le meilleur pour la suite, gamine.

  • Je vous en remercie, je vous souhaite un bon retour chez vous, répondit Lirinah tout en regardant le capitaine repartir sur son navire.

  • Il a un sens de l'humour assez gras et vulgaire, mais en vérité il est très gentil, déclara une voix derrière Lirinah.


Lirinah fit volte-face pour apercevoir une jeune femme d'une vingtaine d'années, aux cheveux roux et aux yeux verts. Elle était vêtue d'une modeste robe noire et blanche. La princesse devina aisément en voyant ses habits qu'elle devait être la fille d'un commerçant. Constatant que Lirinah était perdue dans ses pensées, la jeune femme l'interpella :


  • Tu comptes rester silencieuse et immobile encore longtemps ?

  • Toutes mes excuses, j'ai juste été prise au dépourvu.

  • C'est ma faute, te surprendre comme ça dans le dos.


En l'entendant s'exprimer aisément en latin, Lirinah comprit qu'elle était sûrement la fille des aubergistes dont on lui avait parlé. Lirinah était grandement fatiguée par le voyage, et rêvait un bain pour se reposer. Elle expliqua donc la situation à son interlocutrice, pensant que le capitaine avait tout arrangé pour elle, cependant la jeune femme se mit à lui rire au nez avant de lui répondre :



  • Tu aimerais que je te fasse la chambre et le repas à l’œil ? Tu rêves, là. Si tu veux manger et dormir, tu vas devoir travailler, un point c'est tout. J'ai dit au capitaine qu'il nous fallait une nouvelle serveuse avec l'augmentation du nombre de voyageurs au port, et il t'a amené ici.

  • Mais... je croyais que... c'était une récompense pour mon travail...

  • Pas du tout. Et pour information je me nomme Télia, et toi ?

  • Liry, moi c'est Liry.


Attendez, c'était ça, son plan pour passer inaperçu ? Elle a juste raccourci son nom.


Je suis sûr que ça va marcher.


Ce diminutif n'aurait jamais interpellé quelqu'un ne connaissant ni son vrai nom ni son visage. Les seuls étant ceux la recherchant, mais de là à ce qu'ils viennent la chercher dans une modeste auberge de Bretagne. Puis, Télia n'eut aucune réaction en l'entendant, preuve qu'elle ne représentait aucun danger.



  • Soit, et bien maintenant décide-toi, et vite, lui demanda Télia. Ne me fais pas perdre mon temps pour rien j'ai du travail ici.

  • Très bien, je vais le faire

N'ayant pas vraiment le choix, Lirinah accepta l'offre et se prépara à l'idée de travailler dans une auberge. Télia lui fit visiter les lieux, les cuisines les pièces où on stockait boisson et nourriture, et les chambres. Lirinah fut surprise de voir une salle à manger trop modeste pour accueillir plusieurs dizaines de clients en même temps. Elle était séparée par un comptoir en bois pour faire un bar, les murs étaient en pierres grossièrement mal taillés, et le un planché délabré. Elle lui montra le puits à l'extérieur, puis la conduisit dans sa chambre. Là, elle lui donna une robe identique à la sienne, ce qui gênait un peu Lirinah.



  • Pourquoi veux-tu que je prenne l'une de tes robes ?

  • C'est une tenue de service. Tu ne peux pas- travailler avec cette tunique dans une auberge.

  • Mais si, elle est très bien cette tunique ! S'emporta Lirinah.

  • Je n'ai pas dit le contraire, j'ai juste que ce n'était pas approprié pour servir dans une auberge. Si cela ne te convient pas tu peux aller ailleurs, mais ça ne sera pas différent voire pire car dans certaines. Les taverniers n'hésitent pas à y faire travailler les jeunes femmes comme toi avec beaucoup moins de vêtements si vois ce que je veux dire.


Lirinah n'insista pas davantage, comprenant vite que sa situation aurait pu être pire. Elle se changea avec résignation, mal à l'aise car elle n'avait jamais aimé porter des robes, encore moins celles avec des décolletés. Elle avait aussi du mal à s'habituer à marcher avec, celle-ci étant serrée au niveau des hanches et de la poitrine. Lirinah aurait sûrement mieux accepté sa nouvelle tenue si Télia lui lancer un grand sourire qui trahissait de la moquerie face au le résultat.


  • Je préfère quand même ma tunique...

  • Les clients ne vont pas venir dans une auberge pour être servis par une femme habiller quasiment comme un homme. C'est une tenue de travail tout à fait normal. Quand elle te fera gagner quelques pièces de plus en bonus, tu l'aimeras sûrement mieux.

Lirinah n'insista pas plus longtemps, l'argument financier de Télia l'ayant convaincu. Si elle voulait poursuivre son voyage et retrouver Kendraff au plus vite, elle aurait besoin d'argent et des renseignements. Ce soir-là, Lirinah passa des heures mouvementées car l'auberge était bondée de voyageurs, et de marins faisant escale au port. Slalomant entre les tables, elle en oubliait même la notion du temps. Si certains clients connaissaient le latin, d'autres ne parlaient que le Celte, et leurs fortes consommations d'alcools n'aidaient pas à les comprendre.


Voilà, comme ça, Lirinah va rester des années avant de réussir à glaner la moindre information. L'alcool et la communication n'ont jamais fait bon ménage.


Parfois si, ça aide pour briser la glace. Il ne faut juste pas en abuser.


Sauf que là, c'est plutôt la barrière des langues qui posait problème. Ce fut donc Télia qui se chargea des commandes et de l'encaissement. Lirinah comprit ce soir-là qu'il n'était pas si facile de changer de place. Après quatre heures de services, et deux coups de poing envoyés par Lirinah à deux clients ivres, qui eurent la mauvaise idée d'essayer d'avoir les mains baladeuses, l'auberge commença lentement à se vider. Complètement épuisée, Lirinah s’assit à une table et fut rejointe par Télia, qui apportait boisson et nourriture pour elles. Profitant de ce moment de détente, les deux femmes reprirent leur discussion de l'après-midi.



  • Ta tunique, qu'a-t-elle de si spécial pour que tu y tiennes tant ?

  • Tu sais c'est une longue histoire, je risque surtout de t'ennuyer avec ça.

  • N'essaye pas de te défiler, tu avais promis de m'expliquer.

  • D'accord mais laisse-moi juste un peu de temps, je ne sais pas par où commencer.


Afin de ne pas révéler son identité et ses origines sociales, Lirinah donna donc une version trafiquée de son histoire, mais aussi pour occulter certains passages intimes. Télia eut un large sourire en écoutant Lirinah.



  • Je vois, un cadeau d'un garçon que tu aimes beaucoup. C'est normal que tu refuse de t'en séparé, mais tu devrais quand même le faire de temps en temps, question d'odeur et d'hygiène, dit la jeune femme bretonne en se pinçant le nez d'un air moqueur.

  • Mais je le fais, c'est juste que je préfère la porter plutôt qu'une robe.

  • En tout cas, beaucoup chose s'explique, comme ton côté bagarreur.

  • J'y suis pour rien ! C'est ces deux types saouls qui m'ont cherché.

  • Je disais ça pour t'embêter. J'en aurais fait autant à ta place, tu n'es pas la seule à savoir te battre.

  • J'aimerais bien voir ça.

  • Une autre fois si tu le veux bien. Je suis trop fatigué pour ça ce soir.

  • En parlant de ça, tu ne m'avais pas proposé un endroit pour dormir ?

  • C'est vrai, mais en ce moment toutes nos chambres sont louées. J'espère que ça ne te dérange pas si on partage la même chambre ?

  • Pas du tout, ça me conviendra très bien.


Elle n'avait surtout pas le choix. Ça se voyait clairement sur son visage qu'elle ne disait pas la vérité, et qu'elle était dégoûtée de ne pas avoir une chambre à elle.


Au moins, elle avait réussi à se faire une copine, la première depuis Eldah.


Alors «copine», il faudrait déjà qu'elles passent plus de temps ensemble et qu'elles apprennent à se connaître. Cependant, toutes les deux étaient si épuisées qu'elles sombrèrent rapidement dans un profond sommeil. Tandis qu'elle s’endormit, Lirinah rêva de Kendraff imaginant où il était, et ce qu'il pouvait bien faire. Bien que le retrouver soit sa priorité, la jeune femme cherchait aussi du frisson et de l'aventure car certes, son amant lui manquait, mais pour cela il lui fallait des moyens financiers. Le salaire de Lirinah n'incluait que l'hébergement et la nourriture, elle espérait vite trouver une quête ou une mission payante pour une jeune femme maniant les armes. À ce rythme-là elle ne quitterait pas l'auberge avant des années.

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