Soulèvement Acharné

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Le premier jour de l'année fut mouvementé. Comme les journaux, on ne parlait que des événements de la nuit du Nouvel An. Même les Tuteurs, qui étaient censés diriger les opérations de nettoyage du Pavillon, ne regardaient que d'un œil les élèves qu'ils devaient surveiller. Ils formaient de petits groupes, ayant toujours une ou plusieurs publications dans les mains. Les Seconde-Années, eux, ne comprenaient pas totalement ce qu'il se passait. Même si c'était important, il n'y avait aucun doute là dessus.

- Pauvre Marcos, c'est pas juste du tout ! s'était écriée Kassandra.

Ce n'était pas la seule à s'indigner. La star de Quidditch avait acquise de nombreuses personnes à sa cause grâce à l'argument affectif. On commençait à insulter le Ministère de tous les noms, et beaucoup entreprirent d'écrire des Beuglantes, des lettres qui explosaient de colère si l'on ne les ouvrait pas rapidement. Alice ne savait pas trop quoi en penser. D'un côté, cela montrait que le Ministère ne reculait devant rien pour arrêter les criminels, morts ou vifs, et cela la terrifiait. D'un autre coté, tant que cela n'affectait pas ses recherches si précieuses à ses yeux, tout ce qui pouvait se passer en dehors de l'école lui était complètement égal. Elle se savait en sécurité ici. Même si elle sentait l'étau se resserrer...

Alors que la journée avait déjà été bien agitée, la nouvelle fournée sortie fraîchement des imprimeries envahit de nouveau les conversations au moment où la Seconde Quatre se retrouvait le soir pour manger. Cette fois-ci il fut encore plus facile de découvrir les avancements de l'affaire, le nombre d'abonnés aux journaux ayant explosé depuis le déjeuner. Kassandra et Julie se précipitèrent sur l'exemplaire le plus proche, que tenait dans les mains Jules Maes. Ravi de voir autant de jolies filles autour de lui, ce dernier entreprit de le lire à haute voix, la petite troupe rassemblée suspendue à ses lèvres :

MARCOS MENACE D'ARRÊTER SA CARRIÈRE

Aujourd'hui, une foule impressionnante s'est réunie devant la succursale du Ministère à Paris et partout en Europe. La population montre son mécontentement devant l'opération coup-de-poing opérée par le Ministère la nuit dernière et qui a conduit à la mort de l'un des terroristes, qui se révéla être le frère du joueur de Quidditch très populaire Saúl Marcos. Ce dernier s'est d'ailleurs une nouvelle fois exprimé publiquement, dans l'enceinte du Umayyadoro, le stade de Quidditch du Córdoba QC :

« (...) et si le Ministère menteur persiste à faire la sourde oreille, je n'aurais plus qu'à partir outre-Atlantique, quêter la bienveillance du MACCUSA Américain, laissant derrière moi une nation perfide qui court à sa perte. »

Il est certain que la prise de position du joueur du Córdoba QC et sa décision de renoncer à sa carrière européenne, si le Ministère ne donnait pas suite à ses revendications, ont contribué à soulever les foules. Les manifestants critiquent la brutalité des Aurors et le manque de sang-froid des commandants de l'opération. L'un d'eux nous harangue : « Comment peut-on laisser faire ce genre de choses dans le pays des Droits de l'Homme ? On ne tue pas les criminels, on les juge ! ». Alors simple bavure protocolaire, ou atteinte à la liberté d'opinion ? Certains vont plus loin : « Des terroristes ? Je ne pense pas qu'exprimer son opinion est un crime contre la nation en soi, même si cela implique des moyens plus démonstratifs que de simples prospectus ». Le Ministère appelle au calme dans toute l'Europe et prévient que tout débordement sera réprimé. Le Gouvernement se dit prêt à comprendre et écouter calmement les requêtes des manifestants.

Kassandra poussa un cri perçant.

- Quooi ? Marcos veut arrêter sa carrière ? Mais c'est la fin du mooonde ! explosa t-elle, complètement paniquée.

Tout le monde semblait penser la même chose qu'elle. Des conversations enflammées éclatèrent aux quatre coins de la Salle à Manger. On imaginait avec horreur la carrière du poursuiveur espagnol au pays des Hamburgers. Alice poussa un soupir exaspéré.

- C'est juste un joueur non ? Quelqu'un d'autre va le remplacer...

- T'es malade ? C'est le joueur, le triple Souafle de Rubis ! s'écria Julie.

- Souafle de Rubis ?

- Rooh...oui, le meilleur poursuiveur du monde si tu préfères !

- Ah...ouais quand même, comprit Alice.

Elles eurent quelques difficultés à extraire une Kassandra déchaînée du débat qu'elle avait engagé avec Lucie Leroy, Hugo Hoffmann et d'autres fanatiques de Quidditch, et qui visait à savoir si oui ou non le Córdoba QC serait relégué en deuxième ligue après le départ de Marcos. Tout le long du chemin enneigé, jusque sous la douche brûlante, la jolie rousse était inconsolable.

- Arrête de pleurnicher Kass enfin, c'est pas la fin du monde... grogna Margot en fermant le robinet, avant d'enfiler un peignoir rouge et blanc, l'un de ses nombreux cadeaux de Noël.

- Pfff...mais t'y connais rien toi, tu sais même pas de quoi tu parles ! cracha Kassandra, les bulles de savon dévalant ses mèches écarlates.

- Ah oui ? Eh bien je vais arrêter de parler alors, bonne nuit ! s'emporta Margot en sortant en trombe de la salle d'eau.

Cela jeta ce soir là un froid entre les quatre filles. Julie s'isola sur son lit, un carnet de dessin sur ses genoux repliés. Elle commença à crayonner sans bruit, la seule activité qui la rendait sage comme une image. Enfin comme une nature morte bien entendu. Car entre les mousquetaires qui se poursuivaient de cadre en cadre, et les parties de colin-maillard mouvementées des courtisanes, les tableaux du château étaient loin d'être sages. Alice prit l'un des volumes poussiéreux empilés sur sa table de nuit et commença à lire, concentrée. Kassandra s'allongea sur son lit en soupirant, sa chemise de nuit enfilée à l'envers. Margot leur tournait le dos, sa couverture remontée jusqu'à sa tête.

- Ça me ferait vraiment chier qu'il parte le Marcos, c'est le meilleur poursuiveur du monde, c'est grâce à lui qu'on gagne... dit Kassandra en regardant le plafond.

Le lendemain, Alice entraîna ses amies au lac situé derrière le Palais, afin d'y passer leur dernier jour de vacances, souhaitant apaiser leurs esprits. Elles chaussèrent leur patins à glace et s'élancèrent sur la surface gelée. Julie proposa quelles se tiennent toutes la main. C'est ce qu'elles firent, et elles ne se débrouillèrent pas trop mal, parvenant à garder leur formation intacte en synchronisant plus ou moins chaque mouvement de jambe. Elles accéléraient de plus en plus, battant la glace des lames de leurs patins, leurs cheveux détachés volant derrière elles. Puis Alice dérapa, ce qui modifia la trajectoire de Margot, qui à son tour bouscula Julie, puis enfin cette dernière fit un croche-pied involontaire à Kassandra. Elles percutèrent toutes la surface du lac figée, Alice en première, et les autres suivirent selon l'ordre précédent.

Heureusement, cette cassure progressive, bien que rapide, de leur petit groupe, permis de ralentir leur chute. À part quelques bleus, il y avait surtout eu plus de peur que de mal, comme le confirmèrent les rires qui suivirent. Julie n'avait pas décollé ses yeux de la glace, observant à travers elle les ténèbres du lac.

- Vous croyez qu'elle est à combien ? demanda t-elle.

- Brrr elle doit être trop trop froide, je dirais moins vingt ! frissonna Margot en resserrant son châle sur ses épaules.

- Moi je dirais zéro ou moins trois, mais pas plus, il ne fait pas très froid ici. répondit Kassandra en faisant glisser sa main sur la surface gelée.

- Pourtant on est dans les Pyrénées non ? C'est trop bizarre, la glace n'est pas...glacée ! s'étonna Julie en parcourant elle aussi le sol qui brillait comme un miroir.

- On peut vérifier ! proposa Alice, en sortant sa baguette de sa poche.

- Tu veux faire fondre la glace ? Mais on va tomber ! couina Margot en reculant précipitamment sur les fesses.

Il y eut un moment de flottement, pendant lequel la petite blonde étudia son reflet déformé, le flamboiement de ses boucles d'oreilles lui sautant aux yeux. Elles étaient absolument magnifiques. Mais qui, qui pouvaient donc lui avoir envoyé ? Ça ne pouvait pas être une erreur...et si c'en était une...qui était le légitime destinataire ?

- Mais non enfin...je maîtrise...incendio ! finit-elle par répondre.

Un jet de flammes très concentré sorti de la baguette de pin, et vint frapper la glace. Mais au lieu de la faire fondre comme l'avait escompté Alice, la gerbe orangée...rebondit. Impuissante, elle constata que son sortilège atteignit à toute vitesse un arbre en bordure du lac. Celui-ci prit instantanément feu. Les élèves alarmés crièrent en pointant la torche gigantesque qu'était devenu le noble châtaigner. Alice rangea rapidement sa baguette dans sa poche.

- Oh là là, là on est mal...commença Kassandra.

Il se produisit alors quelque chose d'incroyable. Le vent cessa purement et simplement de souffler. Puis un énorme nuage se forma d'un seul coup au dessus de l'arbre. L'instant d'après, il se désintégra en déversant des trombes d'eau sur l'incendie. Ce dernier transforma la douche mortelle pour lui en une nuée de vapeur. Lorsque celle-ci se fut dissipée, les élèves impressionnés sentirent de nouveau le vent qui s'engouffrait dans leurs cheveux.

- Cette école est vraiment...magique... lâcha Alice, émerveillée devant la rapidité et l'efficacité avec laquelle l'incident avait été résolu.

Après avoir englouti leur repas du midi, les quatre filles choisirent de se réfugier dans leur pavillon. Margot monta quatre à quatre les marches menant au dortoir, et redescendit quelques minutes plus tard avec un manuel et plusieurs rouleaux de parchemin.

- Qu'est-ce que tu vas faire avec ça ? demanda Kassandra.

- Me dites pas que vous avez oublié ? s'écria Margot.

Aucune des trois autres ne sembla se rappeler de quelque-chose de particulièrement important.

- Euh... commença Kassandra en se grattant la tête.

- J'en étais sûre, vous avez pas écouté à la fin du dernier cours de Musique...

- Ah ça non, j'étais trop occupée à ranger ma trousse que Julie avait mise par terre ! répondit Kassandra en foudroyant du regard l'intéressée.

- C'est pas ma faute si tu voulais pas me rendre mon Circé !

- J'avais pas fini de regarder en même temps hein...en plus ta sœur avait arraché des pages...

- Bon sinon au dernier cours de Musique, le prof a mis une interro de solfège demain... coupa Margot.

Kassandra et Julie s'arrêtèrent net.

- Tu rigoles ? demandèrent t-elles en chœur.

Elle ne plaisantait évidemment pas, et toutes les quatre se retrouvèrent autour du manuel de solfège, révisant leurs notes et leurs enchaînements. Il s'agissait d'une discipline qui demandait beaucoup d'apprentissage par-cœur. Alice sentit son esprit se détacher des portées compliquées. Elle songea à la lettre détaillée qu'elle avait reçue ce matin de l'historien anglais, Sir Bragnam, et qui l'attendait dans le tiroir de sa table de nuit. Elle espérait qu'il s'agissait de la liste des obscurs ouvrages relatifs à l'équipage du Hope Sweeper. Alice le saurait dès ce soir.

Le lendemain matin, Alice, Kassandra, Julie et Margot sortirent de la Salle à Manger, les trois premières en traînant des pieds, accompagnées de leurs camarades de la Seconde Quatre. À mi-chemin d'un escalier, elles rencontrèrent Lucie Leroy, qui dévalait les marches de marbre en sens inverse.

- Putain Kass, ils l'ont vraiment fait ! Faut que je prévienne Thomas...mais quels connards... dit-elle dans un souffle, manifestement très énervée.

- Euh...attends...qui a fait quoi ? demanda Kassandra, surprise.

Mais Lucie s'était déjà noyée dans le flot d'élèves qui se dépêchait en contrebas. La jolie rousse se creusa la tête tant bien que mal, toutefois son esprit était encore embrumé. Les connaissances pointues qu'elle avait tenté de réviser hâtivement la veille se mélangeaient dans son esprit, et elle ne put trouver de réponse immédiate à l'attitude de Lucie. Sa seule certitude était que cela concernait les Serres Vengeresses, et ça n'était pas rassurant du tout.

Une fois arrivées dans l'aile Ouest, elles durent encore traverser quelques hautes portes rouge-vif matelassées, que l'on avait enchanté pour qu'elles se ferment toutes seules une fois les cours commencés, afin de séparer de manière insonorisée cet espace avec le reste du Palais. Puis elles débouchèrent dans une grande salle circulaire, au plafond élevé. De nombreuses coursives étagées courraient sur les murs, et desservaient autant de portes vermeilles. Les matériaux ici se trouvaient être plutôt différents du reste du Palais, avec une faible présence de la pierre au profit du bois sombre. Il y avait des peintures d'orchestres symphoniques, de quatuors à cordes, ou bien encore de splendides pianos à queue. Pendant que Margot, Julie et Alice essayaient de deviner ce qui leur serait demandé, Kassandra observa les tableaux. Elle vit un chef-d'orchestre réprimander l'un de ses musiciens, qui avait ensorcelé sa contrebasse afin qu'elle joue toute seule. Ce dernier se braqua, prit son instrument, et passa dans le tableau d'à côté, où une femme aux cheveux très longs jouait solitairement de la harpe, l'air triste. Un piano était lui aussi visible dans le fond, inutilisé.

- Hé toi, tu veux pas... l'interpella une voix.

Kassandra se détacha du tableau et porta son attention sur le garçon qui l'avait interpellé. Il lui tendait une feuille de parchemin. Mais lorsque l'élève vit son visage, il bafouilla, surpris :

- Euh...non c'est pas du tout pour toi ça...

- C'est quoi ? s'interrogea t-elle.

Mais le garçon s'éloignait déjà précipitamment. Kassandra s'énerva franchement. C'était la deuxième fois que quelque chose d'important lui passait sous le nez, et cette fois-ci elle ne le lâcherait pas. Elle s'élança alors à sa suite, bousculant sans ménagement les élèves attendant l'appel de leur professeur.

- Kass ! s'écria Alice.

- Qu'est-ce qu'elle a ? demanda Julie, qui n'avait pas assisté à la scène.

Margot s'était précipitée à la suite de son amie en colère.

- Reviens là toi ! s'écriait Kassandra, devant les yeux dédaigneux des autres élèves.

Alors qu'elle ne voyait plus le garçon, une voix insupportable se fit entendre dans son oreille :

- Eh bien la sale tricheuse, on cherche quelque chose ?

L'intéressée se retourna brutalement. Cette voix ne pouvait appartenir qu'à cette petite peste...Emma Simon. Elle souriait cruellement. Les pimbêches autour d'elles rigolèrent stupidement. Sans attendre, elle mit devant les petits verts de Kassandra une feuille de parchemin, très semblable à celle que lui avait précédemment tendu le garçon. L'autre lui arracha des mains. Emma ricana et continua :

- Alors ça te plaît ?

Kassandra vit rouge. Elle était tellement en colère que sa voix trembla lorsqu'elle parvint à aligner ces mots :

- Comment vous...vous avez osé...bande de... hijos de putas !

C'est à ce moment là que Margot, Alice et Julie parvinrent à la rejoindre. À temps, puisque l'instant d'après, Kassandra se jetait avec rage sur Emma. Ses amies la retinrent avant qu'elle ne puisse faire déferler toute sa fureur. La petite peste avait sorti sa baguette par réflexe. Elle éclata de rire.

- Tu es tellement ridicule...on devrait faire des pétitions plus souvent, surtout si ça touche à votre sale équipe de tricheurs...

- Seconde Sept, ce sera la Salle Von Bingen s'il vous-plaît, ordonna une voix grave venant d'une des coursives.

Même dans cette pièce, l'acoustique était absolument excellente, ce qui fait que le professeur fut entendu par chaque élève rassemblé en contrebas. La conception de celle-ci lui permettait également de percevoir tout ce qu'il se passait au niveau du sol. Parfaitement consciente de cela, alors qu'elle se dirigeait avec sa petite troupe vers les escaliers, Emma Simon ne put se retenir de lancer une dernière pique à l'intention de Kassandra, son visage exprimant la plus pure méchanceté :

- On va tellement vous en faire baver...vous allez regretter bande de menteurs...

Celle-ci la regarda s'éloigner en se débattant vivement, une colère sans nom irradiant son beau visage. Ses amies consentirent à la lâcher lorsque leur professeur les appela à leur tour, quelques minutes plus tard. Sa fureur avait laissé place aux larmes.

- C'est un démon cette fille... pleura t-elle.

Julie et Margot passèrent chacune un bras autour de ses épaules. Alice tenta de trouver les mots pour la réconforter :

- Tout ça sera bientôt fini Kass...cette pétition n'aura jamais assez de signatures... dit-elle sans y croire vraiment elle-même.

Kassandra pleura encore en montant les escaliers étroits, puis cessa brutalement avant de passer la porte de la salle de cours. Il était hors de question qu'on puisse la voir dans cet état. Avant de quitter ses amies, pour aller s'asseoir à sa place attribuée pour l'examen - située au fond de la classe - elle murmura entre deux sanglots :

- Comment ils peuvent faire ça...nous exclure du championnat quoi...

Le professeur leur distribua à tous une feuille remplies de questions. Puis il pointa sa baguette sur la partition qui était accrochée au tableau. Celle-ci tripla de taille. Enfin, il donna les consignes avant de se rasseoir :

- Voici un extrait de la Danse de la terre, issu du premier tableau du Sacre du Printemps, composé par Igor Stravinsky. Vous avez une heure pour répondre aux questions. Bon courage.

Alice lut la première question.

Autour de quel procédé la première mesure se construit-elle ?

Elle répondit immédiatement, et continua ainsi, pendant cinquante-minutes. Elle relevait la tête de temps en temps pour étudier la partition géante affichée au tableau. Alice jeta également quelques regards en biais vers Kassandra. Les yeux de son amie étaient rouges, mais elle ne sanglotait plus. Elle reniflait bruyamment par à-coup, faisant glisser sa plume sur sa copie. Alice se relut rapidement, modifia volontairement quelques réponses pour placer quelques fautes ici et là, puis se leva et rendit sa feuille au professeur. Enfin, elle récupéra son sac et sortit de la classe. Sur la coursive, elle réfléchit rapidement à cette histoire de pétition. Les Vifs Flamboyants venaient de montrer qu'ils ne reculeraient devant rien pour accabler le plus possible les Serres Vengeresses. Alice ressentit un sentiment bien étrange, qu'elle n'avait pas l'habitude d'éprouver. Cet acharnement sur son amie et son équipe était lié à son erreur. Si seulement elle avait pu prédire les conséquences désastreuses provoquées par la libération de sa colère...

Mais comme souvent ces derniers temps, ce bref instant d'émotion fut balayé par de nouvelles pensées, alors qu'elle observait maintenant les tableaux accrochés au mur en face. Dans l'un de ceux-ci, une femme aux cheveux très longs jouait de la harpe, le sourire aux lèvres. L'homme qui l'accompagnait au piano arborait la même expression. Au premier plan, une contrebasse jouait toute seule, l'archet se déplaçant avec expertise sur les cordes, sans être tenu par quoi que ce soit. Subitement préoccupée, elle se demanda comment la situation entre le Ministère et les nombreux manifestants avait évoluée. Si cela empirait, le Ministère pourrait encore plus renforcer son contrôle des déplacements de chacun, afin d'éviter des attaques surprises ou ce genre de choses. Et s'il venait à fourrer son nez dans la sécurité de l'école, cela pourrait totalement entraver ses recherches.

Cette grande inquiétude la suivit tout au long de la matinée, jusqu'au déjeuner. Elle ne parvint pas à se concentrer véritablement en cours, préférant discuter à voix basse avec Kassandra, dont la tristesse s'estompait peu à peu de son visage. Pendant le cours de Littérature, où les élèves devaient lire un long passage d'un vieux roman classique, celle-ci lui avoua quelque chose :

- Au fait...j'ai réfléchi pour Eliot Klein...

- Tu vas enfin lui parler ?

- Euh non...je vais lui écrire ! Ça m'évitera d'être devant lui et de bafouiller comme une idiote...

Alice fronça légèrement les sourcils. De son point de vue, ce n'était pas vraiment la bonne solution. Mais son amie en avait déjà assez enduré pour la journée. Elle répondit alors gentiment :

- Eh bien...c'est pas mal ça..oui c'est bien !

Le professeur la fusilla du regard, un doigt sur les lèvres. Kassandra eut un petit sourire, le premier depuis les événements de la matinée.

Au déjeuner, ce ne fut pas la centaine d'hiboux habituels qui déboulèrent dans la Salle à Manger. Ils furent tellement nombreux qu'il était impossible de tous les compter. C'est une pluie de journaux qui s'abattit sur les élèves et les tables en contrebas, tapissant chaque centimètre carré du sol. Il suffisait juste de baisser la tête pour lire la une de ces derniers. Alice ne perdit pas un seul instant pour parcourir les lignes de l'un d'eux :

LE PEUPLE GRONDE TOUJOURS

Les menaces de Saúl Marcos ont soulevé les foules qui sont, pour le troisième jour consécutif, rassemblés devant les grilles des différentes succursales du Ministère, gardées par les Aurors. Les rassemblements sont tellement importants qu'ils commencent à attirer l'œil de la Confédération Internationale, qui craint que les Moldus en viennent à se douter de quelque chose. Certains protestataires en haranguent d'autres en ayant un discours très limite et favorable à l'action des « Héritiers de Pinkstone », le nom reconnu pour ces terroristes qui reprennent le combat contre la société de Carlotta Pinkstone. Avant d'être délogé par les forces du Ministère, l'un de ces perturbateurs s'exclamait, les yeux déments : « Ce Code International du Secret Magique nous muselle, il nous empêche d'accepter le Changement, il entrave notre aspiration à la Modernité ! ». Ne pas pouvoir entrevoir le chaos dans lequel une abrogation de notre loi fondatrice nous plongerait relève de la folie, il est impossible d'en douter. De son côté, le Ministère a révélé « qu'une enquête était en cours afin de déterminer les responsables du tragique incident professionnel qui a causé un tel chamboulement disproportionné au sein de notre belle société » . Des sources proches de cette investigation interne affirment qu'un licenciement de masse est à prévoir parmi tous les services du Ministère Européen de la Magie. Ces mêmes sources nous confirment également la mise en place de nouvelles « dispositions de prévention » , afin de pouvoir étouffer dans l'œuf les éventuelles nouvelles démonstrations des terroristes. Ces mesures permettront sans aucun doute à chacun d'y trouver son compte, alors que l'obstiné Saúl Marcos parcourt l'Europe à la recherche de soutien. Il affirme d'ailleurs que le dossier judiciaire à l'encontre du Ministère est en bonne voie, qui refuse toujours de communiquer sur ce procès en devenir.

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