Bavure Diamantée

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- Et un, deux, trois, quatre...mademoiselle Milanesi, votre visage doit rester neutre...et un...deux...trois...quatre...

Alice effectuait chaque geste sans réfléchir, la séquence de mouvements étant bien ancrée dans sa mémoire. Ses demi-pointes beiges souples glissaient sur le parquet satiné, tandis que les miroirs qui tapissaient les murs reflétaient ses gestes. Dans un coin de la pièce rectangulaire, un piano à queue diffusait une mélodie simple, sur laquelle les positions des danseuses s'accordaient. Chaque élève se devait d'être très concentré, craignant les remontrances de leur professeur. La danse était l'un des enseignements dispensé par l'école en fin d'après-midi, après les cours. Pour son plus grand bonheur, Kassandra en était exempté, car elle devait participer à de nombreux entraînements de Quidditch sur le même créneau. Alice pensait pourtant qu'elle aurait pu faire une danseuse incroyable avec sa silhouette longiligne. Mais il semblait également que son corps était taillé pour le Quidditch, et c'était ce dernier qui faisait vibrer le cœur de son amie rousse.

- Un peu de tenue enfin ! Vous devez dépliez ce cou mesdemoiselles, n'oubliez pas que c'est l'élégance de votre posture qui est jugée par le public !

- Le public ? On va juste danser devant l'école hein, pas un jury de danseuses Étoiles... grommela Julie en bougeant le moins possible les lèvres.

Malgré cette précaution, le professeur l'entendit :

- Comme vous le dites si bien jeune impertinente, sachez pour votre gouverne que le public que vous allez avoir est lui aussi passé par l'apprentissage de la danse au sein de cette école, et saura parfaitement s'indigner lorsque vous vous tournerez en ridicule devant lui mademoiselle Milanesi !

Sur ces mots, la Maîtresse à Danser reprit sa ronde parmi ses élèves. Le piano avait accompagné la tirade de l'enseignante avec une flopée de notes plus graves, puis s'était aussitôt assagi lorsque le cours avait repris. Julie tira furieusement la langue au dos de la femme. Margot leva les yeux au ciel. Alice pouffa discrètement, puis repris brusquement sa série de mouvements, sentant l'œil aiguisé du professeur qui scrutait avec expérience la qualité de ses positions.

La musique s'était tue, remplacée par le débit des conversations excitées des petites filles, qui n'avaient pas eu le droit d'émettre le moindre son avec leurs cordes vocales durant une bonne heure. Julie se plaignait comme à son habitude :

- Cette vieille bique là, elle me saoule ! (elle adopta un ton très haut perché) Mais enfin mademoiselle, la danse c'est la grâce du corps et de l'esprit, cessez vos enfantillages et patati et patata ...

- Elle a raison, tu te rends compte que dans même pas une semaine on va être devant toute l'école ? souligna Margot en retirant son justaucorps blanc.

- Redescends sur terre enfin ! On va juste être ridicules pendant même pas cinq minutes juste avant les grandes, ça va ! rétorqua Julie.

- Ça va ? Parle pour toi ! Moi j'arrive même pas à aligner correctement les coudes pour le troisième temps là, ou là là ça me fait stresser !

- Arrête ça Margot tu vas réussir sans problème j'en suis certaine, oublie pas que t'as quand même eu la meilleure note à l'examen l'année dernière, affirma Alice en défaisant le chignon qui retenait ses boucles blondes.

- Moi ce qui me fait stresser c'est plutôt nos costumes, j'ai aucune envie de me retrouver dans un tutu rouge et vert qui clignote, type sapin de noël comme celles de l'année dernière ! ronchonna Julie.

- Julie le sapin de noël... songea Alice avec un sourire.

- Ouais c'est ça marre toi, mais fais gaffe la blonde, mes beaux cheveux bruns attirent beaucoup moins l'attention dans un costume aussi ridicule !

La semaine passa très rapidement, au grand désespoir de Margot, qui était sûre qu'elle allait se couvrir de ridicule durant leur spectacle de danse. La neige tombait avec abondance dans les Jardins, que de somptueuses guirlandes venaient éclairer. On avait convoqué toutes les Seconde-Années au Palais en début de soirée. Après avoir découvert avec soulagement leur tutu d'un bleu sobre, parcouru de fines lignes dorées, les danseuses s'étaient rangées à la queue-leu-leu derrière le rideau blanc, chuchotant avec excitation. Margot se tenait le ventre, le visage crispé. Alice se passa les mains dans ses cheveux, s'assurant que son double-chignon n'avait pas bougé.

- Relax d'accord ? Personne va te noter aujourd'hui, tout va bien se passer ! tenta t-elle pour rassurer Margot.

Son amie bafouilla quelque chose d'incompréhensible.

- Par contre c'est vrai que si tu te rate, tout le monde va te voir galérer avec ton tutu... s'amusa Julie.

- Mais t'es malade toi ? Tu vois pas qu'elle est super stressée là ! s'indigna Alice.

- Et parmi tout le monde, il y aurait bien un certain Eliot Klein... continua malicieusement Julie.

- Et alors ? Il ne m'intéresse même pas ! s'écria subitement Margot, avant de détourner la tête pour que l'on ne voie pas ses joues.

Un chœur invisible se fit entendre, puis le rideau s'ouvrit lentement. Emma Simon s'engagea en première sur la scène, paradant jusqu'à qu'elle ait rejointe sa place attribuée sur le devant des planches. Les autres filles suivirent, n'osant pas regarder le reste de l'école qui emplissait la Salle à Manger. Lorsque Alice entra à son tour, elle fut tout d'abord éblouie par l'éclat de la multitude de sculptures de glace qui décoraient la pièce. Celui-ci était si brillant qu'elles s'apparentaient à du diamant. Les voix éthérées enveloppaient les lieux, accompagnées des sonorités douces d'un orchestre. Leur prestation commença alors, chaque danseuse ayant le visage concentré, leurs yeux regardant le public sans le voir vraiment. Alice risqua un coup d'œil en biais. Comme elle s'y attendait, Margot déroulait avec grâce chacun de ses pas, sans à un seul moment donner l'impression qu'elle allait tomber. Très vite la fin de l'enchaînement arriva, et les nombreux chaussons blancs s'arrêtèrent de glisser sur le parquet. Les Seconde-Années se donnèrent toute la main, puis s'inclinèrent deux fois sous les applaudissements nourris. Alice repéra Kassandra qui lui faisait de grands signes, les pouces levés. Elle sourit. Lorsque le signal leur fut donné, les danseuses s'élancèrent joyeusement vers les coulisses, alors que le rideau se refermait.

- Vous avez juste été géniales les filles ! C'était super ! s'écria Kassandra alors qu'Alice, Julie et Margot la rejoignaient dans leur uniforme propre.

- Et toi Margot, t'étais vraiment parfaite, t'es faite pour ça meuf ! continua t-elle, alors que le rouge réapparaissait sur la peau pâle de l'intéressée.

- Qu'est-ce qu'on a raté ? demanda Alice en s'asseyant, fatiguée, un sourire certain éclairant cependant son visage.

- Oh rien de bien incroyable, les garçons quoi, c'était à celui qui se la pétait le plus...bon il y en avait quelques-uns de passables ouais...

- Mais pas d'Eliot Klein malheureusement... continua Julie.

- Il a regardé ? demanda Margot, se retournant sur sa chaise pour scruter la foule qui les entourait.

Pour les soirées de fête, les tables de la Salle à Manger n'étaient pas réservées pour telle ou telle classe, si bien que tout le monde s'asseyait un peu n'importe comment, même si les élèves du même âge restaient bien souvent ensemble, n'osant pas se mêler aux plus âgés de l'école. Alice aperçut Emma Simon qui était assise quelques sièges plus loin à la même table qu'elles, entourée de ses amies prétentieuses, et se vantant sans aucun doute de sa récente prestation. Les autres suivirent son regard et Julie lança :

- Tout à l'heure je me suis retrouvée sous la douche avec elle, oh là là c'était insupportable. Elle a fait sa crise car le double-chignon avait soi-disant abîmé ses beaux cheveux doux, gna gna gna....

- T'aurais dû lui en mettre une de ma part à cette... commença Kassandra.

La fin de sa phrase se perdit dans l'incroyable nappe sonore qui submergea toute la pièce, amplifiée par l'acoustique toute particulière de celle-ci. Le rideau s'ouvrait de nouveau. L'orchestre fut bien moins indulgent avec les nouveaux arrivants. Ils s'élancèrent gracieusement sur la scène, formant des couples parfaitement coordonnés. Puis se croisèrent ensuite, échangeant de partenaire, multipliant les figures compliquées. Les filles de Dernière-Année tendaient leurs jambes au maximum, tandis que les garçons tournoyaient avec élégance, accompagnant les danseuses dans leurs mouvements délicats. Il ne pouvait y avoir aucun doute, leur performance était le véritable spectacle de ce réveillon de Noël, émerveillant leurs cadets, et renouvelant par la même occasion cette passion pour la danse, qui transparaissait ce soir là en pleine lumière. Lorsque le tonnerre d'applaudissements, de cris et de sifflets retomba, Margot s'exclama :

- Vous avez vu ? C'était des pointes, genre des vraies pointes !

- Et puis ce grand jeté, ouh là là j'ai eu peur pour elle ! renchérit Alice.

- C'est vraiment des pros ces filles, j'espère qu'elles continueront lorsqu'elles seront sorties de l'école ! dit Julie.

- Vous me perdez avec vos termes techniques les gens, perso moi j'ai faim ! déclara Kassandra avant de se servir avec envie une bonne portion de dinde.

Le repas dura de nombreuses heures, pendant lesquelles les quatre amies bavardèrent joyeusement. À la fin de celui-ci, la Direction leur souhaita encore un joyeux Réveillon, et les élèves sortirent du Palais. La neige tombait toujours abondamment comme à chaque Noël. Sur le chemin menant à leur Pavillon, la plupart des élèves se hâtaient, emmitouflés dans de grands châles et autres écharpes. Pourtant certains d'entre eux préféraient s'amuser dans la neige, et il n'était pas rare de recevoir un projectile perdu, ce qui avait des conséquences désastreuses pour la toilette recherchée que certains portaient. Julie poursuivait Kassandra en criant sur le chemin opalescent, ses mains découvertes ignorant la fraîcheur de la neige.

- Je te préviens la rouquine, ce Cognard là tu pourras pas l'éviter !

Alice et Margot restaient à bonne distance, fatiguées. Margot se rapprocha de son amie et lui souffla discrètement :

- Je peux te dire un truc ?

Alice, surprise, porta son attention sur le visage pâle comme la neige, transpercé de ces magnifiques yeux bleus. L'inquiétude était visible sur celui-ci.

- Oui si tu veux...

- C'est à propos de Kass...je sais que vous êtres très proches depuis longtemps...tu la connais mieux que moi...

- Continue.

- Euh ça va te paraître bête...

- Mais non enfin, je suis là pour t'écouter hein, même si c'est bête ! rassura Alice.

- D'accord...tu crois qu'elle le prendrait mal...si j'allais voir Eliot Klein ? J'ai entendu dire qu'il faisait aussi de la guitare...

Alice s'arrêta net, pensive. Les flocons s'amoncelaient gentiment sur ses cheveux. Kassandra n'était pas compliqué à comprendre. Et agir comme une idiote était clairement l'une de ses spécialités. D'un autre côté, le beau luxembourgeois ne lui était pas réservé non plus. Et un peu de compétition ne ferait pas de mal à mademoiselle-je-préfère-faire-des-trucs-bizarres-au-gens-c'est-bien-plus-facile-que-leur-parler-tout-simplement.

- Fais ce que tu veux, il n'est pas encore à Kass le beau brun ! répondit-elle en donnant un coup de coude dans les côtes de son amie, le sourire aux lèvres.

Margot ne répondit pas, mais son visage s'était soudain illuminé, rassuré.

Voire même déterminé, pensa Alice.

- Qu'est-ce que vous racontez vous deux ? demanda Kassandra en s'approchant avec Julie.

Toutes les deux avaient les cheveux argentés. Le reste de leur tenue donnait l'impression qu'elles s'étaient roulées par terre afin de voir laquelle ressemblerai le plus à un bonhomme de neige.

- Oh on se demandait juste laquelle de vous deux aura le plus besoin d'une nouvelle douche chaude, ricana Alice.

Une fois rentrées au Pavillon, il s'avéra que c'était Kassandra qui avaient été la plus touchée, n'ayant pas réussi à éviter les malicieux assauts de Julie. C'est elle qui resta le plus de temps en robe de chambre devant l'âtre du Salon à attendre que ses habits sèchent, clamant haut et fort qu'elle n'avait pas sommeil. Alice suspectait plutôt qu'elle craignait que Julie ne vienne la réveiller en plein milieu de la nuit avec une grosse boule de neige. Alice s'était couchée, et même si Margot et Julie s'était rapidement endormies, n'ayant que les cadeaux du lendemain à la bouche, elle ne dormait pas.

Son cerveau fonctionnait à toute vitesse, la fatigue qui l'avait peu à peu envahie après le spectacle et durant le repas tentant vainement de lutter contre cette nouvelle énergie qui ne connaissait pas le repos.

Ana, Dalila, Capitaine, quelle est votre histoire ? L'avez-vous seulement racontée quelque part ? Qu'avez vous fait de votre butin ? L'avez-vous emporté dans la tombe, ou bien vous l'avez vendu au plus offrant ? Vous seuls détenez le secret de l'Éclat Céleste, j'en suis persuadée...

Ce furent des cris de joie qui la réveillèrent le lendemain matin. Le dortoir décoré de nombreuses guirlandes et autres boules de Noël était en proie à une véritable agitation. Du papier cadeau volait aux quatre coins de la pièce.

- Hé oh ! C'est Noël ! Souris un peu ! s'écria Kassandra dans ses oreilles.

Alice se leva d'un bond, surprise. Son amie éclata de rire. Margot était assise sur son lit, déballant avec organisation sa haute pile de cadeaux colorés. Elle fit la moue. Noël faisait partie de ces moments qui lui rappelait une dure réalité. Un manque certain à cet âge.

- Bon vous vous dépêchez les filles ? J'ai faim moi ! s'impatienta Julie en les rejoignant, déjà habillée de pied-en-cap.

Un bonnet rouge et blanc tricoté ornait sa tête. Une écharpe assortie était nouée à son cou.

- Oh j'adore trop ton bonnet ! dit Kassandra.

- Merci ! Mais t'as pas encore vu ce que ma tante a mis dessus ! répondit Julie en tournant un peu la tête.

Sur le côté du bonnet, on avait brodé l'esquisse d'un balais entouré de deux étoiles, le tout étant placé entre deux mains aux paumes inclinées vers le ciel. La broderie avait été réalisée avec du fil doré. Sa surface était comme parcourue par de minuscules vagues qui la faisait onduler, si bien que le balais et les étoiles semblaient léviter entre les mains tendues.

- L'emblème des Névrosés de Nostradamus ? demanda Kassandra, fascinée.

- Oui ! Ma tante sait que c'est mon équipe préférée depuis que je suis toute petite !

- Il est vraiment superbe ton bonnet Julie ! commenta à son tour Margot.

Elle s'était paré d'un magnifique châle orangé par dessus sa chemise de nuit. Le vêtement était parcouru de complexes broderies.

- Waw mademoiselle nous sort le grand jeu cette année ! s'écria Julie en découvrant le cadeau de son amie.

- Oui papa l'a fait faire pour moi par « le meilleur des meilleurs » d'après sa lettre, expliqua Margot en faisant glisser le tissu luxueux entre ses doigts.

Les lèvres légèrement pincées, Kassandra s'adressa à Alice en montrant d'un mouvement de tête quelque chose situé au pied de son lit :

- Et toi ma blondinette ? Montre nous ce que t'as eu !

L'intéressée ne répondit pas tout de suite. Ses yeux s'agrandirent. Elle n'avait jamais reçu de cadeau de sa vie. Du moins aucun qu'elle ne s'était pas faite à elle-même.

- De quoi ? articula t-elle difficilement.

Son amie se pencha et ramassa un petit paquet blanc qui avait effectivement été déposé au bout de son lit.

- Bah ça ! Allez ouvre-le ! l'incita Kassandra.

Abasourdie, Alice observa un moment son premier cadeau. De qui pouvait-il venir ? C'était forcément Kassandra, il n'y avait pas d'autre explication. Pourtant Margot et Julie n'en avait pas reçu de sa part...elles allaient être jalouses. Et puis...Alice n'en avait même pas à offrir en retour à son amie !

- Bah qu'est-ce qui ya ? Il va pas te manger ! Enfin je pense pas... s'amusa Julie.

- Euh...oui oui ! répondit-elle enfin précipitamment.

Alice s'approcha du bout de son lit sans en descendre, et saisit le paquet simple que lui tendait Kassandra. Sous le regard intrigué de ses amies, elle défit le ruban rouge et révéla une boîte cubique au revêtement en cuir de la même couleur. On avait écrit à l'encre blanche ces mots :

Voclain Prestige Jewellery

Elle ouvrit alors l'écrin précieux, complètement déboussolée. Le diamant brilla dans les yeux des quatre filles. Entrelacé avec expertise avec de l'or, il en résultait une forme simple, passe-partout, mais qui ne manquait pas d'attirer l'œil. C'était impensable...

- Essaye les ! s'exclamèrent en cœur Margot, Julie et Kassandra, émerveillées.

Qui m'a envoyé ça ? Ça ne peut pas être Kass, elle n'est pas aussi bonne comédienne... Et puis en plus, ça doit coûter très très cher !! songea t-elle.

Cette personne, ou bien l'un des Tuteurs chargés de la répartition des cadeaux reçus par les familles, devait s'être trompé. C'était la seule raison plausible. Quoi qu'il en soit, Alice n'allait pas se priver d'un aussi beau cadeau de Noël. Consciente de la supériorité de ce dernier, qui éclipsait même les bijoux luxueux de Margot, elle enfila les boucles d'oreilles, puis rejeta en arrière ses cheveux pour qu'on les voit bien, son visage exprimant la plus grande joie. Le hasard faisait bien les choses. Tout de même, c'était totalement incroyable.

- Alors ? demanda t-elle, tout sourire, parvenant encore à peine à réaliser que tout ceci n'était pas un rêve.

- T'es juste magnifique... lâcha Kassandra, la bouche grande ouverte.

- Il faut que tu te voies avec elles, beauté ! renchérit Margot.

Alice descendit de son lit et se précipita vers le miroir le plus proche, ses amies sur ses talons. Devant la glace, elle put apprécier la finesse des pièces, qui convenaient parfaitement à la forme de ses oreilles et à la couleur de ses cheveux. Ce qui était encore plus extraordinaire. Elle put aussi constater, non sans une certaine fierté, qu'une pléthore de visages bouche bée emplissait le reste du reflet, si bien qu'elle ne pouvait distinguer les lits derrière elle. Elle resta alors quelques instants de plus, tournant la tête à droite, à gauche, savourant l'attention dont elle faisait l'objet. Puis la première question fusa, la plus évidente finalement, celle qu'elle n'arrêtait pas de se poser :

- Mais qui t'as envoyé un truc pareil ? interrogea Kassandra, confirmant le fait qu'elle n'en savait pas plus que son amie.

Le sourire disparut du reflet de cette dernière.

- Un admirateur secret... tenta t-elle.

- Naan fais pas genre, j'ai jamais vu ça, ça doit coûter beaucoup trop cher...ça vient de ta famille c'est obligé... objecta Julie.

Sa famille ? Aucune chance. Cependant il fallait qu'elle trouve quelque chose, et vite. On ne recevait pas ce genre de cadeaux d'un inconnu, du moins ce n'était pas le cas lorsque l'on était une petite fille de douze ans. Et puis personne ne la croirait pour son histoire d'erreur d'adresse, la nouvelle ferait le tour des Secondes, des jaloux iraient se plaindre et réclamer les bijoux pour eux.... Alors qu'il s'agissait pourtant de la seule explication logique qu'elle pouvait imaginer ! Le mensonge devait être utilisé avec parcimonie et intelligence. C'était une arme redoutable. Sa préférée. Et tout compte fait l'idée de la famille n'était pas si idiote...

- Euh...c'est de...ma sœur ! Oui c'est ça, ma sœur ! lança t-elle, avant de rapidement baisser la tête, mal à l'aise.

- Ah bon tu as une sœur ? s'étonna Margot.

- Euh oui...

- Mais tu ne nous en a jamais parlé, si ? demanda Kassandra

- Je vous en ai peut-être parlé une ou deux fois oui...

- Elle est riche ? interrogea Chloé Adimi, une petite fille à la peau mate et aux cheveux d'un noir de jais, élève de la Seconde Trois.

- Oui oui...elle travaille au Ministère !

- Eh bah dis donc, le jour où Sara m'offrira des trucs pareils, j'arrêterai de foutre du poil-à-gratter dans ses strings... avoua Julie en faisant la grimace pendant quelques instants.

- Mais sinon, vous vous grouillez ou pas ? Car si ça continue il ne va pu y avoir de sablés ! Et moi j'aime bien ça les sablés ! trépigna t-elle en s'adressant à ses amies.

Les estomacs de Margot, Kassandra et Alice leurs rappelèrent qu'elles aimaient aussi les gâteaux. Elles s'habillèrent rapidement, en ayant pris soin de ranger avec précaution leurs nouvelles possessions. Alice était encore sous le choc. Ces magnifiques boucles d'oreilles lui allaient à la perfection, c'était comme si elles avaient été spécialement pensé pour elle... Cela n'avait rien de rassurant, toutefois elle était tellement heureuse de posséder de tels bijoux que cette éternelle question restait profondément enfouie dans son esprit.

Le reste de la semaine de vacances passa tranquillement. Alice eut beaucoup de succès avec son nouveau cadeau. Consciente de la convoitise qu'ils suscitaient, elle scella son écrin avec un puissant sortilège d'Anti-Alohomora. Pendant un temps, elle ne fut plus vue comme la fille bizarre qui passait tout son temps à la bibliothèque. Kassandra sembla apprécier que cet intérêt pour son amie puisse faire cesser momentanément les moqueries à son égard, même si Alice suspectait une certaine envie d'être à sa place, avec les jolies boucles d'oreilles. Les Secondes n'étaient pas les seules qui chuchotaient jalousement dans son dos, plusieurs élèves plus âgées lui demandèrent si elle n'avait pas honte de porter les bijoux de sa mère. Alice ne se donnait pas la peine de répondre, ne sachant même pas le type de bijoux que portait sa génitrice. Mais Kassandra savait son amie bien au dessus de tout ça, le regard des autres n'avait pas la moindre importance pour elle. À mesure que la nouvelle année s'approchait, l'excitation gagnait les classes supérieures, tandis que Julie, Margot, Kassandra et Alice s'interrogeaient sur les fameuses « bonnes résolutions » qu'elles devraient tenir pendant au moins un mois, pour jouer le jeu.

- Ça me paraît logique, écraser toutes les autres équipes pour prouver que ces enfoirés de Lynx ne nous empêchent pas d'être fort ! clama Kassandra, assise par terre dans la neige, défaisant ses patins à glace.

- Moi je crois que j'ai enfin trouvé un moyen de plus revoir la vieille bique, c'est une amie de Sara qui m'en a parlé...

- Tu vas plus faire de danse ? demanda Margot.

- Non ! Je vais intégrer les Beaux-Arts de l'école, c'est un truc qu'on peut pas faire avant la Quatrième normalement, mais elle m'a dit que j'avais des chances de l'avoir en l'année prochaine ! rayonna Julie.

- Wow ça a l'air génial ça ! commenta Alice.

- Oui, mais je vais devoir beaucoup bosser pour leur montrer que j'ai le niveau !

- Quelle artiste... conclut Kassandra, songeuse.

- Et toi Margot au fait ? interrogea Julie.

- Oh moi...euh...je sais pas vraiment... répondit-elle d'une petite voix, rouge comme une tomate.

Alice intervint à temps :

- Moi ma bonne résolution ça serait de jeter un sort à cette Sang-Mêlé d'Emma Simon à chaque fois que je la verrais !

- Oh ouais ! Imaginez sa tête avec plein de gros chtars dégueux ! s'exclama Julie.

Cette dernière et Kassandra se précipitèrent alors sur l'occasion pour discuter des pires sorts qu'elles pourraient jeter à leur ennemie, bien qu'elles n'avaient pas la technique requise pour les réaliser. Margot remercia discrètement Alice d'un regard.

Le soir du Réveillon, pour cette nuit si spéciale, on ne leur imposa pas le couvre-feu habituel. La seule consigne était de demeurer dans l'enceinte du Pavillon. Clémentine, la Tutrice des dortoirs des Seconde-Années, leur rappela également qu'il y aurait des punitions pour ceux qui s'amuseraient à repeindre les murs comme l'année précédente, avant de filer vers le Palais dans une très jolie robe, ses cheveux noirs élégamment coiffés. Et comme trois-cent-soixante-cinq jours en arrière, cette liberté attendue fut le parfait prétexte pour la plus grande bataille de polochons de l'année. Les garçons, les filles, tout le monde se prêtait au jeu, déboulant dans les dortoirs convertis pour certains en véritables forteresses. C'était aussi l'occasion de régler certains différents. Kassandra et Julie ne se privèrent d'ailleurs pas de se ruer sur Emma Simon, alors qu'elle sortait la tête de derrière son lit pour vérifier que la voie était libre. Les quatre filles firent même momentanément équipe avec un groupe de garçons, avant que l'un de ceux-ci ne puissent s'empêcher de les trahir en fendant l'oreiller de Margot d'un coup de baguette magique. Et à mesure que les oreillers et couvertures dévalaient les étages, ou se retrouvaient abandonnés au milieu des douches, c'était tout de suite les baguettes qui prenaient l'avantage sur ces derniers. Fort heureusement, les élèves n'en savaient généralement pas assez pour se blesser entre eux, au pire du pire, certains se retrouvaient à vomir des limaces. À minuit pile, les horloges sonnèrent toutes en même temps. On se cria des « Bonne année ! » à tout va, avant de gentiment sentir ses yeux se fermer tous seuls. Alice eut assez de forces pour retrouver son lit, qu'elle recompléta avant de se coucher :

- Accio oreiller ! Accio couverture !

Son oreiller passa la porte du dortoir, accompagné de sa couverture, avant de venir délicatement se poser sur son lit. Voyant les lits de ses amies dans le même état que le sien, elle entreprit de réaliser le sortilège pour elles aussi, afin qu'elles puissent dormir confortablement. Puis elle s'effondra, trop fatiguée pour mettre son pyjama, murmurant de faibles « bonne nuit » .

Le trouver enfin, voici ma réelle résolution, et j'ai bien l'intention de la tenir... Ce furent les dernières pensées qu'elle eut avant de sombrer dans un profond sommeil.

Le lendemain était normalement consacré au rangement et au nettoyage des folies de la veille. Pourtant, un événement détourna les esprits, voire en échauffa certains. Les journaux titraient de nouveau, démontrant que tout le monde n'avait pas passé un heureux Réveillon.

- Ma sœur m'a dit qu'elle avait raté de pas grand chose le concours de « Miss T-Shirt Mouillé » hier soir, on est d'accord qu'ils font n'importe quoi les grands ? lâcha Julie à une heure avancée de la matinée, après un long bâillement.

- En plus elle a dû le sécher après, c'est...

Alice ne termina pas sa phrase. Une nuée de hiboux s'engouffra dans la Salle à Manger. Chaque animal était censé apporter le courrier qu'il transportait à son propriétaire. Pourtant leur tâche devait être particulièrement compliquée aujourd'hui, car ce fut littéralement une pluie de journaux qui tomba sur les tables. Margot parvint à en saisir un.

Les terroristes retrouvés

C'est après plusieurs mois d'investigation que les services du Ministère ont pu retrouver la trace des terroristes de l'attentat d'Octobre. Ceux-ci avaient en effet, dans un mépris total du Code International du Secret Magique, horriblement défiguré la petite ville moldue de Vindon-Les-Oies (23) , et étaient de fait, considérés comme de dangereux partisans pro-Grindelwald. Les agents du Ministère ont retrouvés trois d'entre eux, à partir d'un recoupage de témoignages et d'une analyse poussée des résidus de magie laissés par les terroristes. L'interpellation a eut lieu à Milan, en Italie, en pleine nuit, avec la coopération des autorités locales. Les criminels se sont défendus et ont tenté de s'enfuir de la maison dans laquelle ils se terraient. Une brève course poursuite a eut lieu dans les rues avec les Aurors du Ministère. Une femme et un homme ont été neutralisés. Le dernier des terroristes, Javier Marcos, a été tué alors qu'il tentait de rejoindre un balai volant pour s'échapper. D'après plusieurs témoins, il aurait crié « Notre monde ne peut pas vivre sous la dictature de dirigeants apeurés par le Changement ! Les Héritiers vaincront, que ce soit par la force ou par les mots » avant d'être percuté par le sortilège qui provoqua sa perte. Le frère de ce dernier, Saúl Marcos, le poursuiveur mondialement connu du Córdoba QC, s'est publiquement et personnellement offusqué de l'action du Ministère, qu'il qualifie de meurtre injustifié et prémédité :

« J'ai perdu un proche la nuit dernière, un criminel, tel que le Ministère le qualifiait. Bien que je n'ai jamais été un acteur de sa lutte, j'ai toujours supporté son combat et ses idéaux. Car oui, en Europe, la liberté d'expression n'est t-elle pas autorisé ? N'ai-je pas raison de supporter ceux que j'aime dans leurs entreprises ? N'est-ce pas ma fonction en tant que personne libre et aimante ? Je suis convaincu du rôle trouble du Ministère dans l'assassinat de Javier, et je vais tout faire pour le prouver avec l'appui de la justice, qui ne pourra bâillonner la plainte stridente des proches de leur victime ! »

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