Partie 1

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Le premier animal de compagnie que j’ai eu était un chat. A l’époque, j’étais à Hanoï. En me promenant au marché, je suis tombé sur une marchande vendant des chats, de petits chatons tout malingres, j’ai craqué pour un petit rouquin tout sale (il devait dormir sur un tas de charbon), avec un gros ventre, signe de malnutrition flagrante. Ramené chez moi, il a atterri directement, malgré ses protestations, dans la baignoire, je ne vous dis pas la couleur de l’eau. Je ne me rappelle plus de quel nom je l’avais affublé, pour la petite histoire on dira « Rouquin ». Pour le dédommager du bain forcé, je lui ai donné un bol de lait qu’il s’est empressé de vider. Par la suite, je l’ai nourri de petits poissons bouillis, qu’achetait et préparait ma femme de ménage. Il avait, maintenant, fière allure mon Rouquin. Pour lui donner un peu plus de liberté, j’ai fait appel au menuisier de l’ambassade pour découper une chatière dans ma porte. Ainsi, Rouquin passait ses nuits à draguer les chattes et à chasser. Par contre ce que je n’appréciai pas du tout, mais alors pas tout, c’est que mister Rouquin me ramenait ses trophées de chasse, que je retrouvais sur le paillasson le matin (en général des oiseaux). Comment faire comprendre à un chat que ce n’est pas bien ?

Rouquin se fit un ami, il sympathisa avec le gros siamois de l’attaché culturel. A côté de ce matou, il faisait figure de miniature. Les chats asiatiques sont plus petits et ont un museau plus allongé.

Un jour de printemps, je me promenais dans le parc en compagnie d’amis. Des peintres avaient commencé le rafraichissement des pavillons. Comme peinture, ils utilisaient de la chaux qu’ils délayaient dans des demi fûts de deux cents litres. Lorsque je vis débarquer Rouquin, qui, voulant prendre de la hauteur, sauta sur un demi fût, bien mal lui en a pris, il a plongé dans la chaux. Je me suis précipité pour récupérer mon fantôme de chat, qui n’avait rien compris à ce qui lui arrivait, et promptement je le passais sous le jet d’un robinet, qui servait aux jardiniers, tout ça sous les rires de mes amis. Rouquin s’en est tiré avec plus de peur que de mal, quant à moi j’étais bon pour une douche et un changement de vêtements.

Le drame c’est qu’un jour Rouquin a disparu. Bien nourri comme il l’était, il a dû à son tour nourrir une famille de vietnamiens. La tristesse m’a envahi, je n’ai plus eu envie d’avoir de chat…

Après avoir fait mon deuil de Rouquin, j’ai décidé d’avoir un oiseau : un mainate que j’ai appelé « Adolphe ». Je l’ai élevé dans une superbe cage en osier, au moins il ne risquerait pas de passer à la casserole. Fièrement, tel un pirate, je me baladais dans les couloirs de la chancellerie avec Adolphe sur mon épaule. Le mainate est un oiseau qui raffole de pigment, mais, le plus intéressant, il est un maître incontesté de l’imitation. Il imitait à la perfection le bruit des machines à écrire et surtout la sonnerie du téléphone, ce qui en a piégé plus d’un. A un retour de congé, j’ai eu l’agréable surprise de découvrir qu’Adolphe était patriote, on lui avait appris à siffler la Marseillaise, malheureusement à la fin de sa tirade il y avait toujours une fausse note, à croire que le garde de sécurité qui lui avait appris sifflait faux.

Petite anecdote : je me souviens avoir croisé un mainate sur le port de Toulon, lui, sa spécialité, c’était de siffler les filles, lesquelles, outrées, se retournaient pour repérer le malotru qui les avait ainsi interpellées.

Un jour, alors que ma femme de ménage nettoyait la cage, Adolphe a décidé de reprendre sa liberté, je ne l’ai plus revu, il était parti siffler la Marseillaise je ne sais où ? J’aurais dû suivre les conseils d’un ami vietnamien qui m’avait conseillé de lui donner soit de l’eau légèrement saumâtre ou légèrement sucrée. Ne pouvant trouver cette boisson dans la nature, il serait revenu pour retrouver son breuvage.

En poste au Liban, je décide de reprendre un chat. Un ami me donne alors un chaton tout roux (encore un rouquin) que j’ai appelé « Minouche », bien que ce soit un mâle. Contrairement au précédent, il devient un gros matou. Habitant deux cent soixante m², je ne le laisse pas sortir, ne voulant pas le perdre. Nous sommes dans une période de guerre. Pendant les bombardements, Minouche se planque sous le radiateur de la salle d’eau. Période triste pendant laquelle j’ai perdu pas mal d’amis. Le conflit s’intensifiant, nous sommes obligés de quitter Beyrouth pour nous installer sur les hauteurs à Baabda où l’ambassade a investi deux immeubles, j’y occupe un appartement qui me sert aussi de bureau. Nous dominons Beyrouth où nous pouvons suivre les bombardements. Je m’égare de mon sujet (ceci pourrait faire l’objet d’une autre nouvelle). A la fin de mon séjour (vingt-six mois), pour rentrer en France je suis obligé, avec Minouche, de me rendre à Damas (Syrie), pour y prendre un vol sur Paris. Le voyage s’effectue par la route dans des conditions assez pénibles, surtout pour Minouche enfermé dans une petite cage en osier. Nous avons un répit de deux jours chez un ami qui nous héberge. Rentré à Paris, je retrouve avec joie mon petit appartement de soixante-quinze m², dans le 11ème (Pas loin de Bastille). Minouche qui ne le connaît pas, met du temps à s’y habituer. Comme moi, il est traumatisé par les événements vécus au Liban. Ce chat est devenu agressif, je suppose que les bombardements de Beyrouth n’y sont pas étrangers. Je suis pratiquement le seul à pouvoir l’approcher. Comme la plupart des chats, il est indépendant, quand je le prends sur mes genoux pour le caresser, il se sauve ; par contre, quand je suis dans un fauteuil avec un livre, mister Minouche vient s’interposer entre moi et le livre.

Un matin, une odeur forte se dégage de la litière du chat, je constate que Minouche n’arrive pas à uriner, une odeur désagréable plane sur les quelques gouttes qu’il expulse. Je prends vite fait son panier et direction le véto, qui se situe plus haut dans ma rue. Le véto introduit une sonde dans l’urètre de Minouche, que j’ai du mal à tenir pour qu’il ne griffe pas le praticien. La sonde en place, il peut, enfin, se soulager, sort un petit calcul ovoïde d’environ deux millimètres de long. Suite à cet incident et aux recommandations du véto, plus de croquettes pour Minouche.

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