Venus du plus loin du ciel

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Venus du plus loin du ciel, des éclairs fusent, des meutes de tonnerre grondent, des catapultes de glace se précipitent vers le sol avec une furie inextinguible. Tous les Vivants, sans exception sont immédiatement réduits à n’être plus que de minérales concrétions, des genres de dolmens cloués au peuple aérien, des stalagmites aux orbites vides. Non, ils ne sont nullement déconcertants, terribles à voir, ils sont devenus des pierres suspendues, des jets de fronde ne connaissant nullement leur cible, des pièces de monnaie frappées de l’invisible poinçon qui les fixe à demeure. Joy jouit du spectacle sans arrière-pensée, tout comme, d’une loge de théâtre, on observe au bout de sa lunette le jeu sublime des acteurs. C’est identique à une partie d’échecs avec ses Rois, ses Reines, ses Fous, ses Cavaliers, ses Tours, si ce n’est que le jeu est suspendu, rivé à son Echec et Mat. Immuable. Fixe parmi les Fixes qui, au ciel, font luire leur lumignon d’absolu.

Mais quelle est donc cette lueur inhabituelle, cette bande de phosphore qui teinte de chromatiques boréales les eaux du Canal ? Ne serait-ce la substance même des ossements des Anciens Vivants qui migrerait longuement, continu et inévitable écoulement héraclitéen en direction du Tartare, là où le Feu les digèrera, les assimilera à sa propre nature ? Tout est si beau dans cette figure de l’extrême dénuement ! Joy lève lentement les yeux, balaie la ligne d’horizon de la Grande Ville. Vision fantastique, entièrement chiriquienne, si près de ce que pourrait être la Forme Idéale si elle pouvait trouver sur Terre, dans la texture du sensible, matière à sa propre projection. Il n’y a plus ni rues, ni places, ni immeubles haussmanniens bordant de larges et élégantes avenues. Il y a seulement le réel réduit à sa portion congrue, le plus petit dénominateur commun dont la traditionnelle fierté humaine pourrait s’enorgueillir. Quelques bâtiments blancs comme du talc dressent leurs façades tout contre la dalle vert-bouteille du ciel. S’y découpent des arcades régulières, décroissantes, dont la ligne de fuite se glisse dans la fente de l’horizon. De hautes cheminées d’usine dressent leurs fûts sombres et inutiles dans un air avaricieux, troué de lianes bleu-marines. D’anciens Existants, figés dans leur bloc de résine. D’autres Spectrales Figures dessinant des sculptures en pied, hiératiques, illuminées de l’intérieur d’une lumière glauque, abyssale. Avant-goût de la Fin du Monde, mais rien de bien inquiétant et Joy se réjouit à l’avance de ce désert si vide et si plein en même temps.

Un avion, chargé de ses essaims humains traverse le ciel avec lenteur, suivi de ses deux colonnes de vapeur. Cela fait sourire l’Observatrice. A quoi bon ce suprême voyage puisque tout, bientôt, sera réduit en cendres et que nul Phénix ne pourra revivre de sa poussière ? Tout sera au Néant. La radio demeure définitivement muette. Plus de Subversifs, plus de Vigiles. Les Gardiens de la Vie se sont tus. Les Nourrisseurs du Peuple ne nourrissent plus personne, eux-mêmes non plus. C’est la Grande Dévastation Universelle, le Cataclysme Final par lequel l’Humanité connaît ses dernières heures, si ce ne sont ses ultimes secondes. Joy fume longuement. La fumée se dissipe au contact de l’air. Puis, plus rien !

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