Chapitre 1 : L'appât (Partie 2)

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Arrivé à l’entrée de mon immeuble se trouvant sur le cours Belsunce, non loin du Vieux-Port, je réussis tant bien que mal à monter les quatre étages tournoyants. Essoufflé comme Ian Thorpe après le 100 mètres nage libre, je pénétrais la piaule promise.

Après avoir semé, au gré de mon avancé, les composantes de mon habit de lumière, je me jetais sur l’antique inconfortable matelas dont je n’étais pas le premier occupant. Trente minutes de simulacre de sommeil plus tard, je décidais de me lever. Un café, une clope suivit d’un petit tour sur Grindr. Il n’y a pas mieux que de vivre dans le centre-ville de Marseille en période estivale pour puiser de quoi assouvir ses envies de luxure.

Je consultais le profil d’un charmant Norvégien, au moment où l’appel de Monsieur Tapin, mon banquier, me gâcha la vue. Je décrochais et adoptai mon accent le plus snob :

— Maître Chems, que puis-je pour toi?

— Bonjour, Monsieur. Comment vous portez-vous ?

Son ton n’avait jamais été autant sirupeux. En général, il me prenait de haut et n’hésitait pas à m’envoyer chier.

— À merveille ! Au vu du solde de mon compte, je présume que toi aussi, mon cher Gérald.

— Je ne vous cache pas qu’après cette succession d’échéances impayées cela me soulage, Monsieur Chems. J’ai cru comprendre que vous avez été engagé par l’un de nos prestigieux clients. Je tenais à vous informer que la provenance des fonds ne mérite aucune légitimation.

— Parfait, Gérald ! Je n’envisage pas de faire de dépense dans l’immédiat, donc assure-toi de préserver cet argent ou cas ou je devrais le restituer.

— Le rendre ! Pourquoi le rendre ? Soyez sérieux.

PAF ! Je lui raccrochais au nez. Je ne réalisais pas encore la situation, sans oublier que je me sentais pris en otage avec une affaire dont je n’étais pas sûr de vouloir m’occuper.

Ce mal de tête coutumier des lendemains de soirée s’installa. Tel un zombie, je me rendis à la cuisine à la recherche d’un Doliprane. Avachit au plus profond du canapé avec une main dans le slip Calvin Klein rebelote : café, clope et Grindr. Une nouvelle fois, le téléphone sonna. Un numéro masqué.

— Ilan Chems, j’écoute.

— Bonjour Maître Chems. C’est Sandy Wagner de Jock & Strap.

Inutile de le préciser. Tout homme de loi avec un tant soit peu d’ambition savait qui était Sandy Wagner. Sans son approbation, aucun avocat ne pouvait espérer y faire carrière. Tous ceux ayant travaillé pour eux sont soit des ténors du barreau, voire des magistrats ou des politiques de renommée internationale. Seuls trois diplômés à travers le monde recevaient chaque année l’insigne honneur d’être admis dans le sacro-saint des cabinets d’avocat.

— Bonjour !

Elle devait avoir l’habitude de provoquer cet effet d’hébétude, car elle enchaina aussi sec :

— Nous souhaitons vous avoir au sein de notre équipe.

— Vous êtes sur ?

Contrairement à beaucoup de mes paires, je n’avais jamais brigué ce cabinet, conscient que les chances demeuraient minimes.

— Vos résultats exceptionnellement élevés à votre examen ainsi que votre thèse nous laisse penser que vous êtes l’une des rares personnes en ce monde à comprendre véritablement le droit. Nous vous escomptons dans trois semaines dans nos locaux de Marseille.

— Je serais au rendez-vous.

— Parfait, je vous transmets les détails par courriel. Bienvenue chez Jock & Strap Maître Chems.

PAF ! Sans que je lui fournisse ladite adresse e-mail, elle me raccrocha au pif. Une notification G-mail, vraisemblablement elle la connaissait déjà.

Ma vie prenait un tournant assez inattendu. Flairant que l’heure de savoir ce qu’impliquait ma nouvelle fortune approchait, j’allais me faire une beauté. J’avais économisé pendant des années afin de m’offrir mon premier costume haute couture qui inaugurerait mon aventure professionnelle. Car bien que trompeuses, les apparences demeurent primordiales en notre époque.

À peine j’appliquais le dernier coup de peigne à ma chevelure châtain que ce maudit téléphone vibra pour indiquer un SMS, qui venait de mon premier client.

Rendez-vous vers 17 h à L’Endroit.

Cela me laissait à peine un quart d’heure. Heureusement que j’habitais à quelques mètres.

L’Endroit était l’un des bars les plus représentatifs de la communauté LGBT sur Marseille. Partout ailleurs, les Shakira, Beyoncé, Lady Gaga et Britney avaient été détrônés par de l’électro ou des mixages douteux. Rémy, l’éminent tenancier svelte, et barbu comme un hipster, m’ouvrit la porte. J’admirais ce type pour assumer ce look survêt basket, symbole des fétichistes des plans sneakers.

— Salut chouchou ! lâcha-t-il en me tendant la joue.

Malgré son armure de racaille, qui se voulait un camouflé de sa féminité, il suffisait d’un geste ou d’un mot pour révéler la supercherie. Stressé par ma rencontre approchante, je ne m’attardais pas en banalité. Viscéralement bon, il ne s’offusqua nullement de ma brusquerie, et, de l’index, m’indiqua le carré VIP aux vitres teintées de l’étage.





















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