Chapitre 2 : Pleure dans la nuit

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Je me réveillai au bruit de sanglot. D’instinct, je jetai un œil sur Zoé – elle avait installé son matelas pneumatique à côté de mon lit – mais non, ce n’était pas elle qui pleurait ainsi. Elle était toujours endormie. Je retirai mon masque à oxygène. Même si je n’avais pas eu de crise de la soirée, j’avais tout de même dormi avec, c’était plus prudent.

Sans réveiller mon amie, je me dirigeai vers la porte de ma chambre. Je passai la tête dans le couloir. Il n’y avait personne. Pourtant j’étais persuadée d’avoir entendu quelqu’un pleurer.

Je m’apprêtai à me remettre dans mon lit quand de nouveaux sanglots retentirent. Je tendis l’oreille. Ils semblaient provenir du fond du couloir. J’avançai d’une chambre à l’autre. La porte de l’une d’elle était entre ouverte et des voix en sortait. Je m’arrêtai pour écouter ce qu’elles disaient.

— Ne m’abandonne pas. Je n’y arriverai pas tout seul.

C’était le jeune homme de tout à l’heure. C’était donc lui que j’avais entendu pleurer. La voix qui lui répondit était rauque et très faible. L’homme présent dans cette chambre devait être très vieux.

— Mais bien sûr que si… As-tu fait ce que je t’avais demandé ?

— Oui, je l’ai soignée dès l’instant où je l’ai vue. Elle va mieux…

Le silence se fit. Et alors que j’essayais de comprendre le sens des paroles du jeune homme, j’entendit des bruits de pas qui venaient dans ma direction. Je voulu faire demi-tour mais trop tard, la porte s’ouvrit en grand.

— Tu m’espionnais ? me dit le jeune homme.

— Euh… non… bredouillai-je. Je t’ai entendu pleurer alors je suis venue voir si tu allais bien.

— Ai-je l’air de pleurer, me demanda-t-il l’air un peu étonné.

Je le regardai plus attentivement. Aucune l’arme ne perlait sur ses joues et ses yeux n’étaient même pas rougit. Pourtant, à travers son regard, je ressentais toujours une profonde tristesse mais je ne fis aucune remarque. Je me contentai de dire, embêtée :

— Non, je dois m’être trompée. Je te laisse avec ton ami. Désolée de t’avoir importuné.

Je m’apprêtai à partir quand la voix du vielle homme retenti :

— Ilan, fait la entrer tu veux ?

Le jeune homme se retourna vers son amis, interloqué.

— J’aimerais lui parler.

Ilan hésita un court instant mais finit par obéir à son ami. Il m’accompagna jusqu’au chevet de l’homme au visage remplis de rides et aux joues creusée par les années. Ce dernier me regardait intensément de ses yeux gris et fatigué par la maladie qui l’emportait petit à petit.

— C’est donc elle la jeune fille dont tu m’as parler.

À côté de moi, Ilan hocha la tête.

— Et bien dans ce cas, je te remercie jeune fille. Sans ton aide, je serais sans doute mort sans avoir pu lui dire au revoir.

— Je n’ai pas fait grand-chose, marmonnai-je gênée, c’est surtout mon amie qu’il faut remercier.

— Tu la remercieras pour moi alors.

— Je n’y manquerai pas, lui assurai-je avec un léger sourire.

Il me rendit mon sourire puis me pris délicatement la main.

— Veille sur Ilan s’il te plait. Vous êtes lié tous les deux. Quand je ne serai plus là, il aura besoin de quelqu’un sur qui il peut compter.

Je regardai tour à tour Ilan et le vielle homme. Je ne voyais pas très bien comment j’allais pouvoir veiller sur le garçon alors que j’étais coincée dans cet hôpital. Et puis, je ne connaissais rien de lui, comment pouvais-je être liée à lui ? Pourtant, face au vielle homme malade, je n’eus pas le courage de refuser sa requête.

— Je vous le promets, dis-je

— Je te remercie. Je suis soulagé de le savoir entre de bonne main.

Il lâcha ma main et reporta son attention sur Ilan qui s’était accroupi à côté du lit. Voyant qu’ils avaient besoin d’intimité, je décidai de m’éclipser.

Je retourner dans ma chambre et m’assis sur mon lit. Les propos du vielle homme tournaient en boucle dans mon esprit. Ilan et moi étions lié. Ce n’était probablement qu’une façon de parler mais pourtant, je ne pouvais m’empêcher d’y chercher un sens.

J’étais toujours plongée dans mes réflexions, quand des bruits de pas alarmé résonnèrent dans le couloir. Je n’eus pas besoin d’aller voir, je compris immédiatement ce qu’il se passait. Le vielle homme venait d’expulser son dernier souffle et la machine, à laquelle il était relié, venait d’alerter médecins et infirmières qui accouraient dans sa chambre pour tenter de le réanimer.

Sans savoir pourquoi ni comment, j’avais l’impression de ressentir la tristesse qui émanait d’Ilan. Des larmes commençaient à couler le long de mes joues. Je repliai mes jambes contre mon torse et cachait ma tête dans mes genoux. Je me mis à sangloter. Probablement réveillée par mes pleures, Zoé vint s’installer à côté de moi et me prit dans ses bras.

— Que se passe-t-il ? raconte-moi, me dit-elle tout bas

— Le vielle homme, l’amis d’Ilan, il est mort, lui répondis-je en me tournant vers elle.

— Ilan c’est le jeune homme qu’on a aidé tout à l’heure c’est ça ?

Je hochai la tête, elle avait compris.

— Je ne te savais pas aussi sensible, essaya-t-elle de plaisanter sans succès.

La tristesse que je ressentais était trop intense. J’avais l’impression de ne plus avoir droit au bonheur.

— Je ne comprends pas ce qu’il m’arrive, sanglotais-je.

Zoé me serra un peu plus fort contre elle et je me laissai aller à son étreinte. Nous nous allongeâmes, l’une contre l’autre et nous restâmes dans cette position de longues minutes qui se transformèrent en heures. Je finis par m’endormir dans les bras de mon amie.

A mon réveille, Zoé n’était plus là. J’arpentai la pièce du regard. Ses affaires avaient disparu. Sur ma table de nuit je vis un mot que je m’empressai de lire.

Désolée d’être partie sans te dire au revoir mais je ne voulais pas te réveiller. Je repasserai ce soir pour voir comment tu vas.

Zoé

Je souris. J’étais vraiment chanceuse de l’avoir pour amie. Quand je levai les yeux du message de Zoé, je fus surprise de voir Ilan à l’entrée de ma chambre. Il avait les traits tirés et les yeux rougis. Il devait, tout comme moi avoir pleurer une bonne partie de la nuit.

— Je suis venu t’annoncer que mon ami est mort dans la nuit, me dit-il en avançant jusqu’à mon lit.

— Toute mes condoléances, répondis-je.

C’était un peu bateau, mais je n’avais rien trouvé de mieux à dire. Ilan me remercia avec un petit sourire.

— Au sujet de ce qu’il t’a demandé hier soir… commença-t-il.

— Ne t’inquiète pas, je n’ai pas l’intention de devenir ta nouvelle maman.

Ma plaisanterie le fit rire mais il se rembrunit très vite.

— Sa demande peut paraitre étrange, mais il a de très bonne raison de s’inquiéter pour moi.

— Je n’en doute pas. Vous aviez l’air d’être très attaché l’un à l’autre.

Il hocha la tête.

— Il a pris soin de moi alors que j’étais gravement malade et que personne ne prenait mon cas au sérieux.

La mélancolie s’entendait dans sa voix mais je pouvais la ressentir au plus profond de mon cœur. En un sens, je me retrouvais dans ses propos. Nombre des médecins que j’avais fréquentés minimisaient mes symptômes. Pour eux, mes parents exagéraient. J’avais seulement des crises d’asthmes, rien de plus.

— J’ai eu de la chance de rencontrer le docteur Laso.

— Qui est-ce ?

Je restai silencieuse. Je ne m’étais pas rendue compte m’être exprimée à voix haute.

— C’est moi ! fit le docteur Laso en entrant dans ma chambre.

— Que faites-vous là ? demandais-je un peu surprise de le voir. D’habitude se sont les infirmières qui s’occupe de moi le matin.

— Je voulais m’assurer que ta soirée pyjama ne t’avais pas trop fatiguée.

— Je vais bien.

— Nous verrons ça.

Il se tourna ensuite vers Ilan.

— Je peux vous demander ce que vous faite dans cette chambre ? vous n’êtes pas un patient et les visites sont interdites le matin.

— Et bien je… bafouilla le jeune homme.

— Son ami est mort pendant la nuit, il cherchait juste un peu de réconfort, dis-je pour lui venir en aide.

Le docteur regarda Ilan des pieds à la tête.

— C’est donc pour vous que ma fille m’a dérangée au beau milieu de ma soirée, dit-il l’air hautain.

— Il semblerait en effet. Je suis désolé d’avoir interrompu votre soirée, je ne voulais pas vous importuner.

Ilan baissa la tête. Décidément, le docteur Laso lui faisait un drôle d’effet. Il ne m’avait pourtant pas sembler être quelqu’un de facilement impressionnable. Après s’être excusé une nouvelle fois, il se dirigea vers la porte de ma chambre.

Alors que le docteur Laso s’approchait de moi, je le fixai avec désapprobation. Comment pouvait-il être aussi froid avec quelqu’un qui venait de perde un proche ? Avec la mort de sa femme, il était le mieux placé pour savoir ce que l’on pouvait ressentir dans ces cas-là.

— D’accord, j’ai compris, dit-il dans un soupir. Je vérifie que tout va bien et je vous laisse tranquille.

Ilan patienta à l’extérieur de la chambre le temps que le docteur prenne mes constantes. Alors qu’il écoutait ma respiration, il eut un air surpris.

— Quelque chose ne va pas docteur ? Lui demandais-je inquiète.

— Non non, tout va bien. Ne t’inquiète pas.

Sans me laisser le temps de poser d’autres questions, il remballa ses affaires et dit :

— Je te laisse avec ton nouvel ami.

— Merci docteur, lui souriais-je.

Il poussa un long soupir.

— Ma fille a vraiment une mauvaise influence sur toi.

Il quitta ensuite ma chambre sans plus de façon.

Quelques minutes plus tard, je vis la tête d’Ilan dans l’embrasure de la porte.

— Tu peux entrer, lui dis-je. Il est parti.

Il s’engouffra dans ma chambre, une barre chocolatée dans la main.

— Tu veux un bout ?

J’acceptai volontiers. De toute façon, mon petit déjeuné ne me serait servi que dans une heure. Il s’assit sur mon lit et me tendit la moitié de son gouter.

— Merci ! dis-je en croquant dans la barre de choco-noisette.

Alors que je mangeais, je sentis son regard se poser sur moi. Je l’observai à mon tour. Le T-shirt blanc qu’il portait, faisait ressortir son teint basané ainsi que ses muscles saillants. Je remontai la tête jusqu’à son visage aux traits fins. Ses cheveux noirs étaient bataille. La nuit blanche qu’il venait de passer n’avait pas dû aider. Je finis par plonger mes yeux dans les siens. Je ne sais pas combien de temps je suis restée là, hypnotisée par son regard infiniment triste.

— Puis-je te donner un conseil ? demanda-t-il.

Je hochai la tête encore en transe.

— Méfie-toi du docteur Laso.

— Pourquoi ? demandai-je hébétée.

— Il ne m’inspire pas confiance, répondit-il en détourant la tête.

Le contact avec ses yeux rompus, je repris pleinement mes esprits.

— Pourtant, il a toujours été gentil avec moi. Sans lui, je ne serais sans doute plus de ce monde. Il est le seul à vraiment essayer de me soigner. Les autres médecins m’ont tous laissés tombée. Lui, il continue de chercher.

Je ne sais pas pourquoi, mais je ressentais le besoin de m’expliquer. Après tout ce que le docteur Laso avait fait pour moi, je me devais de prendre sa défense.

Ilan m’écoutait sans rien dire Quand j’eus fini, il dit :

— Je ne remets pas en cause l’aide qu’il t’apporte, je dis juste que parfois, sous des aires sympathiques certaine personnes sont mal intentionnées. J’en ai malheureusement fait l’expérience bien trop souvent.

Ilan ne devait vraiment pas avoir eu une vie facile pour penser ce genre de choses. Je comprenais mieux la tristesse qui émanait de lui.

— Et sinon, as-tu trouvé qui pleurait cette nuit ? me demanda-il pour changer de sujet.

— Non, mais je reste persuadée que c’était toi, répondis-je même si je savais que ce n’était pas lui.

— Crois ce que tu veux, me répondit-il le sourire aux lèvres.

Il se leva de mon lit et s’apprêta à partir quand il s’arrêta.

— Au fait, je ne me suis pas présenté officiellement, je m’appelle Ilan Nerthus.

— Enchantée, répondis-je. Moi c’est Dana Kishar.

— Et bien j’ai été ravi de faire ta connaissance Dana Kishar.

— Vais-je te revoir ? ne pus-je m’empêcher de demander alors qu’il sortait de ma chambre.

J’ignorait tout de lui, mais j’avais envie de le revoir. Et puis, j’avais fait une promesse à son vieil ami. Comment allais-je bien pouvoir la tenir si Ilan ne revenait jamais.

— Bien sûr, me répondit-il. Je ne vais pas te laisser seul avec ce docteur. Et puis, ça me ferait très plaisir de te rendre visite de temps en temps.

Je souris. Je venais de me faire un nouvel ami.

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