Chapitre 3 : Rémission

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— Bonjour Dana, comment te sens-tu ce matin ? fit une infirmière en entrant dans ma chambre, un plateau repas dans les mains.

— Plutôt bien, lui assurai-je, alors qu’elle posait le plateau devant moi.

Enfin ! Je commençais à avoir faim. Je pris une cuillère et la plongeai dans le bol de céréales.

— Au fait, le docteur Laso m’a chargé de te dire qu’il avait décidé de te faire une nouvelle radio des poumons aujourd’hui, m’annonça-t-elle avant de quitter la pièce.

Je suspendis ma cuillère à deux centimètres de ma bouche. Pourquoi le docteur Laso voulait-il faire des examens supplémentaires ? Mon état avait-il empirer ? Pourtant je n’en avais pas l’impression. Je me sentais bien, même mieux que d’habitude. Enfin, c’était lui le médecin, je devais lui faire confiance. Je mis finalement ma cuillère dans ma bouche et terminai mon petit déjeuner. De toute façon, je ne pouvais rien faire d’autre que de pendre des forces.

Pour patienter, j’ouvris un livre de voyage et regardai toutes ces destinations paradisiaques avec envie. Je savais que je n’aurais jamais l’occasion d’aller dans l’un ces pays mais je ne pouvais m’empêcher de rêver.

Une infirmière finit par entrer dans ma chambre quelques heures plus tard.

— Tu es prête Dana ? me demanda-t-elle.

Je sautai en bas de mon lit pour toute réponse. Elle me désigna le fauteuil roulant qu’elle avait apporté avec lui. Pour certains examens, je devais parfois traverser l’entièreté de l’hôpital et bien souvent, je m’effondrais avant même d’avoir parcouru la moitié du chemin. Les infirmières avaient donc pris l’habitude de m’assoir dans fauteuil roulant.

— Pas aujourd’hui, dis-je. J’ai envie de marcher.

J’étais restée toute la matinée allongée dans mon lit. Il n’était pas question que je m’asseye dans ce fauteuil. J’avais besoin de me dégourdir les jambes. La salle de radiographie n’était qu’à l’étage en dessous. Et puis, aujourd’hui, je me sentais capable de la rejoindre sans faillir.

L’infirmière me regarda d’abord avec désapprobation. Comme je n’avais pas l’intention de changer d’avis, elle finit par ceder. Elle me guida jusqu’à la salle et me laissa seul avec le responsable.

Avant même que ce dernier n’ait à dire quoi que ce soit, je retirai mon T-shirt et m’installai devant la machine. Depuis le temps, je connaissais le protocole par cœur. Il ne lui restait plus qu’à la mettre en route.

Quelques minutes plus tard, je sortais de la salle de radiographie. L’infirmière était déjà de retour. Cette fois-ci elle insista pour que je m’asseye dans le fauteuil roulant. J’acceptai pour lui faire plaisir et elle me raccompagna jusqu’à ma chambre.

Le reste de la journée, j’attendis le retour de Zoé. Je n’avais rien fais de spéciale aujourd’hui – les examens étaient mon quotidien depuis des années – mais je ressentais une envie irrépressible de lui raconter ma discussion avec Ilan.

Vers 17h, on toqua à ma porte.

— Entrez, dis-je avec enthousiasme.

Je fus presque déçue de voire qu’il s’agissait de mes parents. Pourtant j’aurais dû m’attendre à leur venue. Ils venaient tous les jours à leur du début des visites pour rester le plus longtemps possible avec moi.

— Dana, pourquoi ne portes-tu pas ton masque à oxygène ? paniqua ma mère.

— Parce que je n’en ai pas besoin pour l’instant, soupirais-je.

Il était inutile de lui dire que je ne l’avais pas mis de la journée, elle paniquerait encore plus.

— Mais enfin, si tu avais une crise.

Elle se précipita vers moi et me remit le masque de force. Je la laissai faire sans réagir, de toute façon, protester n’aurait servi à rien.

— C’est bon, tu es contente ? fit mon père, maintenant, elle ne peut plus nous parler.

— Elle n’est pas obligée de parler à chaque voix que nous venons la voire. L’important, c’est qu’elle puisse respirer correctement

— Justement, je crois que Dana est assez grande pour déterminer si oui ou non elle a besoin d’oxygène.

Tous les jours c’était la même chose. Ils passaient les dix premières minutes à se disputer, et toujours pour les mêmes raisons. Ma mère, d’un naturel angoissé, reprochait à mon père de ne pas s’inquiété d’avantage face à mes problèmes de santé. Je savais que ce n’était pas vrai et qu’il essayait simplement de temporiser l’angoisse permanente de ma mère. J’avais déjà essayé de le lui expliquer un jour où elle était venue seul mais elle n’avait rien voulu entendre. Depuis quelques temps, je ne les écoutais même plus. J’attendais simplement qu’ils aient réglé leur différend.

— Dana ! j’ai une super nouvelle à t’annoncer, dit Zoé en entrant tel un boulet de canon dans ma chambre.

Mon amie sauta sur mon lit sans même adresser un regard à mes parents qui s’étaient enfin tut.

— J’ai croisé mon père avant de venir, dit-elle avant que je n’aie le temps d’en placer une. Il m’a dit qu’il que la radio des poumons que tu avais passée aujourd’hui était plus qu’encourageante. Dana, tu es en train de guérir.

Je la regardai sans comprendre. Hier encore je soufflais au moindre pas et aujourd’hui j’allais mieux ? C’était impossible. Et pourtant, je n’avais pas eu besoin de mon masque à oxygène de la journée. Mieux encore, j’avais atteint la salle de radiographie sans être essoufflée.

— C’est un miracle, fit ma mère folle de joie.

— Attendons d’avoir la confirmation du docteur Laso, temporisa mon père.

Ce dernier entra dans la pièce des documents dans les mains.

— Je vois que ma fille n’a pas sus tenir sa langue, fit-il devant nos visages souriants. Je voulais vous l’annoncer moi-même, mais oui il semblerait que Dana soit en rémission. Peut-être que le nouveau traitement fonctionne finalement. Pour être sûr, je vais tout de même faire des examens complémentaires dans les jours qui viennent.

Zoé me sauta au cou.

— Tu voix je te l’avais dit !

Quand mon amie m’eut lâchée, ma mère me prit dans ses bras à son tour.

— Tu vas bientôt pouvoir entrer à la maison ma chérie.

— Ne nous réjouissons pas trop vite, dit le docteur Laso. Même si les examens sont concluants, je vais devoir la garder en observation encore quelques semaines pour m’assurer qu’elle ne rechute pas.

— Bien sûr docteur, dit mon père, nous comprenons.

— Merci docteur, fit ma mère avant que celui-ci ne quitte la chambre.

Mes parents restèrent encore quelques minutes à discuter avec moi. Ma mère commençait déjà à prévoir ce que nous ferons une fois que je serai de retour à la maison. Mon père, quant à lui, tentait, tant bien que mal, de temporiser son enthousiasme. Évidemment, ils ne furent pas long à recommencer à se disputer.

Lorsqu’ils finirent par me dire au revoir, ils se chamaillaient toujours. Je les regardais en sourient. Cela faisait bien longtemps que je ne les avais pas vu aussi heureux.

Je me retrouvai enfin seul avec Zoé. J’avais presque cru que se moment ne viendrait jamais.

— Allez-dit moi ce que tu brule de me dire depuis tout à l’heure, dit-elle.

Je souris. Cette fille lisait en moi comme dans un livre ouvert.

— Tu te souviens d’Ilan ?

Elle hocha la tête.

— He bien, il est venu me rendre visite ce matin.

Elle me regarda, les yeux écarquillés.

— Il avait juste besoin de quelqu’un à qui parler, précisais-je avant que mon amie se face tout un film.

— Et comme par hasard c’est chez toi qu’il est venu pleurer. C’est trop mignon.

Je senti le rouge me monter aux joues.

— Aller, dis m’en plus, insista-t-elle alors que je m’empourprais de plus en plus.

— Rien on à juste discuter de tout et de rien. Mais ton père nous a surpris.

Elle se mit à rire.

— Il n’a pas dû être contant.

— Ah ça non ! Sans mon intervention, il l’aurait mis à la porte.

— Ça ne m’étonne pas de lui, dit Zoé en riant de plus belle. Mais je vois que mon caractère détint sur toi. C’est une bonne chose.

— Je ne suis pas sûr que ton père soit du même avis.

— Il n’est jamais d’accord avec moi de toute façon, fit Zoé avec un haussement d’épaule.

— Ilan m’a conseillé de me méfier de lui.

Je me tus instantanément. Je n’aurais pas dû dire ça mais c’était sorti tout seul. Je jetai un œil à mon amie. Elle semblait réfléchir. Son silence me glaçait le sang. Il était rare qu’elle se taise aussi longtemps. Quand elle prit enfin la parole, je crus qu’elle allait se mettre en colère

— Je peux comprendre.

Sa voix était posée, j’en fus surprise. Je ne m’attendais pas à ce Zoé soit aussi calme.

— Mon père peu parfois avoir l’air tellement bourru, s’expliqua-t-elle devant mon air décontenancé. Il ne doit pas toujours inspirer confiance.

Elle mit une main sur mon épaule.

— Ce n’est pas parce que ton futur petit ami n’aime pas mon père que vais cesser d’être ton amie.

Mon cœur rata un battement. Elle avait bien parlé de futur petit ami ? Sa remarque avait pour but de me rassurer, pourtant je me sentais encore plus mal à l’aise.

— Il n’y a rien entre Ilan et moi, lui assurai-je rouge comme une tomate.

— Tu m’en diras tant, fit-elle avec un clin d’œil.

Elle se leva de mon lit.

— Bon ! je te laisse j’ai rendez-vous avec mon petit-ami.

Elle avait insisté sur ces derniers mots pour encore enfoncer un peu plus sur le clou. Elle sortit ensuite de ma chambre en riant. Je secouai la tête. Désormais, elle n’allait plus jamais me laisser tranquille avec cette histoire mais bon, c’est ce qui faisait son charme.

Les jours qui suivirent, je fus pas mal occupée. Le docteur Laso avait programmé de nombreux examens. Entre les scanner, les radios, les IRM et les prises de sang quotidienne, je n’eus pas le temps de m’ennuyer. Pourtant, chaque soir, j’attendais avec impatiente l’heure des visites. J’espérais voir Ilan mais il ne vint jamais.

Au bout d’une semaine, je renonçai à le revoir. J’étais un peu déçue même si en vérité, je m’en voulais surtout d’avoir laissé Zoé me monter la tête avec cette histoire de futur petit-ami. A la place, je discutais avec mes parents de mes projets pour mon retour à la maison. Je me voyais déjà marcher sur des plages de sable fin ou me promener en forêt.

Je n’avais pas encore les résultats de mes analyses mais de jour en jour, je sentais que mon état s’améliorait. J’étais désormais capable de faire le tour de l’hôpital sans être essoufflée. Le docteur Laso avait rallongé mon temps de visite et m’avait enfin autorisée à sortir dans le parc de l’hôpital.

Lorsque j’y mis les pieds pour la première fois, je fus éblouie par la quantité astronomique de fleur. Je me promenai dans les différentes allées, m’arrêtant de temps à autre pour sentir le parfum des roses, admirer la beauté des tulipes ou étudier les variétés qui m’étaient inconnues. Je serais bien restée des jours entiers dans ces jardins, mais le je n’avais droits qu’à une heure de sortie quotidienne. Je trouvais ce temps beaucoup trop court. Enfin bon, j’étais enfin autorisée à sortir, je n’allais pas me plaindre.

Jeudi soir, lorsque le docteur Laso vint avec les premiers résultats je ne tenais plus en place.

— Alors, qu’est-ce que ça dit ? lui demandai-je avant même qu’il n’entre dans ma chambre.

— Et bien les résultats sont plutôt encourageants, même si ton taux d’oxygène dans ta prise de sang d’aujourd’hui est un peu bas. D’ailleurs, comment te sens tu ?

— Un peu fatiguée mais je me suis promenée un peu plus que d’habitude.

Il hocha la tête.

— Tu devrais tout de même te ménager et y aller petit à petit.

Je soupirai mais ne le contredis pas. J’avais passer ma vie à faire attention à ne pas trop me fatiguer alors maintenant que j’avais enfin un peu d’énergie, j’avais un peu de mal à me contenir.

— Vous penser que je pourrai bientôt sortir ? demandai-je avec un large sourire.

— Je n’en sais rien.

Je me rembruni aussitôt. J’allais mieux et les examens cliniques le prouvaient, qu’est-ce qu’il attendait ?

— Ta guérison est assez miraculeuse et je crains vraiment une rechute, m’expliqua-t-il. Tant que je ne serais pas convaincu à cent pour cent de ta rémission, je te garderai en observation. Soit patiente d’accord.

Je hochai la tête mais je n’étais pas entièrement convaincue. L’avertissement d’Ilan me trottait encore dans la tête. Je mis aussitôt cette idée de côté. Il était mon médecin depuis des années. Ce n’est pas parce que son avis ne me convenait pas que je devais cesser de lui faire confiance.

Repenser au jeune homme me rendit triste. J’aurais tellement aimé lui dire pour ma rémission. Je soupirai, il fallait que je sois lucide, s’il m’avait promis de revenir me voir, c’était uniquement pour me faire plaisir.

Plongée dans mes pensées, je ne me rendis pas compte que le docteur Laso avait pris congé. Je ne revins à moi que lorsqu’une infirmière vint m’apporter mon repas du soir. Pour une fois, la tartine au fromage était accompagnée d’un bol de soupe.

— Et bien, c’est le grand luxe ce soir, m’exclamai-je.

— Nous ne sommes pas une chaine de restaurant, fit-elle vexée.

Elle posa le plateau sur la table près de la fenêtre et sortit. Je sortis de mon lit et m’assis devant mon souper.

— Bon appétit, fit une voix.

Je savais de qui il s’agissait mais je continuai de manger comme s’il n’était pas là. Ilan vint s’installer en face de moi et me sourit.

— Je suis navré de ne pas être revenu plus tôt mais il fallait que j’organise l’enterrement de mon ami et je ne voulais pas t’embêter avec tout ça.

Je levai enfin les yeux sur lui. J’avais été tellement obnubilée par les résultats de mes examens médicaux que j’avais oublié la mort de son ami. Comment pouvais-je avoir été aussi stupide ?

— Ne t’inquiète pas je comprends, lui répondis-je un peu embarrassée.

— Et sinon comment vas-tu ? demanda-t-il.

Il ne semblait pas avoir remarqué mon attitude désobligeante ou du moins, il avait la politesse de ne pas me la faire remarquer. Je mis ce moment gênant de côté et je commençai à lui parler de ma rémission. Je lui parlais de tout dans les moindres détails. Il m’écoutait en silence.

— Mais c’est génial ! s’extasia-t-il. Tu sors bientôt j’imagine.

— Non, le docteur Laso veut encore me garder en observation quelques temps pour s’assurer que je ne rechute pas.

Son enthousiasme s’envola aussitôt et dans ses yeux je pouvais lie : « tu vois, je t’avais bien dit qu’on ne pouvait pas lui faire confiance ». Je fis comme si je n’avais rien vu. Je n’avas pas envie de remettre ça sur le tapis. Le docteur Laso était mon médecin et je lui faisais confiance. Ilan n’insista pas et se remit à sourire.

Nous discutâmes encore de tout et de rien durant plusieurs longues minutes. Puis, lorsqu’il se décida à partir, il me promit de revenir me voir demain.

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