Chapitre 1 : Soirée Pyjama

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Allongée sur mon lit, je fixai le plafond gris et terne de ma chambre. La lumière provenant d’un des néons se mit une nouvelle fois à trembloter. Je patientai quelque instant. Bien souvent, le tremblement s’arrêtait de lui-même. Je soupirai. Visiblement aujourd’hui j’allais devoir m’en charger. Agacée, je retirai mon masque à oxygène de mon visage et me levai.

Je tressailli en sentant le sol froid sous mes pieds nu. Je cherchais après mes pantoufles mais ne les trouvai pas. Elles devaient avoir glissé sous le lit. Pas à pas, je parcourrai la distance qui me s’éparaient de l’interrupteur. Le trajet, pourtant court, me parut durer une éternité. Bon sang, pourquoi celui juste à côté de mon lit ne fonctionnait-il pas ? Il était grand temps que quelqu’un ici se décide à appeler un électricien. Je m’étais plainte à plusieurs reprises mais rien n’y avait fait. Les infirmières se contentaient de me répondre qu’elles avaient plus urgent à gérer.

Quand enfin je réussi à éteindre la lumière, j’avais les poumons en feu. Je m’appuyai quelques secondes contre le mur pour reprendre mon souffle.

— Bonjour mademoiselle Kishar comment allez-vous aujourd’hui ? retentit une voix depuis l’embrasure de la porte.

Je reconnu immédiatement le ton solennel du docteur Laso qui venait pour sa visite hebdomadaire. Ciel, on était jeudi, je ne m’en étais pas rendue compte. Il faut dire que tous les jours se ressemble ici. Je tournai la tête dans sa direction pour le saluer. Quand il m’aperçue, affalée contre le mur, haletante, son ton changea :

— Dana ! Mais enfin que fais-tu debout ?

Je lui désignai l’interrupteur d’un mouvement du menton.

— Tu aurais dû appeler une infirmière, me réprimanda-t-il

— Je peux encore éteindre la lumière moi-même, lui rétorquai-je. Je ne suis pas infirme.

A peine eu-je terminer ma phrase que je fus prise d’une quinte de toux. Avec un soupir découragé, le docteur Laso me raccompagna jusqu’à mon lit. Avec sa petite taille – du haut de mes 1m65, je le dépassais d’au moins cinq bon centimètres – il semblait détenir si peu de force, pourtant il me maintint avec fermeté. Il m’aida à m’assoir. Une fois installée, je remis mon masque à oxygène et pris une profonde inspiration. Le temps qu’il eût vérifié la quantité d’oxygène dans la bombonne, ma respiration était revenue à la normale. Ensuite, comme à son habitude, il prit mes constantes.

— Ton rythme cardiaque est un peu haut mais rien d’anormale au vu de l’effort que tu viens de fournir.

Je soupirai. Si le simple fait de faire quelques pas faisait grimper mon pouls de la sorte, je n’étais pas prête de sortir d’ici.

— Comment te sens-tu depuis la semaine dernière ? me demanda-t-il ensuite. Le nouveau traitement te fait du bien ?

Chaque semaine il me posait les mêmes questions. Je retirai mon masque pour lui répondre la même chose que les fois précédentes :

— Si vous faite allusion à une éventuelle amélioration je peux vous affirmer que je n’en ressens aucune. C’est même l’inverse.

Je me mis à tousser frénétiquement. Quand enfin je pu recommençai à parler, je lui demandai :

— Vous n’avez toujours pas d’idée sur ce que j’ai docteur ?

— Pas la moindre je suis navré. Je vais te faire passer de nouveaux examens la semaine prochaine. Ne t’inquiète pas, je finirai par trouver.

Je poussai un nouveau soupire, découragée. Depuis que j’étais toute petite, j’avais des problèmes de respiration. Aux débuts, mes parents ont pensé qu’il s’agissait de crises d’asthmes. Mais elles se produisaient beaucoup trop fréquemment et mon médecin traitant de l’époque avait vite mis cette hypothèse de côté. Ils m’ont emmené voir de nombreux spécialistes mais aucun d’entre eux n’arrivaient à mettre le doigt sur ce que j’avais.

Un jour, alors que tous les autres médecins avaient tous renoncé, le docteur Laso, qui avait entendu parler de mon cas, était venu frapper à notre porte. J’avais 8 ans à l’époque. Il nous a alors expliqué qu’il effectuait des recherches sur les problèmes respiratoires et qu’il pensait être capable de trouver un traitement. Fou de joie, mes parents ont aussitôt décider de quitter notre petit village de campagne natal pour aller vivre en ville, plus près de l’hôpital dans lequel le docteur Laso travaillait. Nous n’étions pas installés depuis quelques jours que ma santé s’était détériorée. Les crises sont devenues de plus en plus rapprochée.

Un mois plus tard, mes parents n’ont eu d’autre choix que de m’hospitaliser.

Ça va maintenant faire presque 10 ans que je vis ici et mon état n’a fait qu’empirer. Les dernière analyse on révéler que j’avais les poumons d’un fumeur en fin de vie. Pourtant, le docteur Laso refusait d’abandonner. Chaque semaine, il me faisait passer une batterie d’examen et essayait de nouveaux traitements, mais rien de ce qu’il essayait ne semblait avoir de l’effet. Il arrivait juste à ralentir l’avancée de la maladie. Mais je ne me faisais pas d’illusions, je savais que bientôt les bombonnes d’oxygène ne suffiraient plus et que j’allais devoir être intubée. Et quand cela se produirait, il ne me resterait plus longtemps à vivre sur cette terre, si tenté qu’on puisse appeler mon existence une vie.

— C’est bon tu as fini de la démoraliser ? C’est pas comme ça qu’elle va guérir !

— Zoé ! je t’avais demander d’attendre dehors !

— C’est ta faute, tu mettais trop de temps.

Zoé se tenait près de la porte, un grand sac en toile dans une main, l’autre était posée sur sa hanche. Elle narguait son père d’un sourire espiègle. Face à l’air agacé du docteur Laso, je ne pus m’empêcher de rire. Bien sûr, cette hilarité soudaine, me fit tousser. Je m’empressai de remettre mon masque à oxygène.

— Regarde dans quel état tu la mets.

— Je la trouve en forme moi. Pas vrai Dana ?

Je levai le pouce pour signaler à mon amie que j’allais bien. Sa présence me rendait toujours de bonne humeur.

— Tu vois ! fit-elle. Allez, tu peux nous laisse maintenant.

Sans tenir compte des protestations de son père, Zoé le poussa dehors.

— Ne t’inquiète pas, s’il y a le moindre problème je t’appelle, dit-elle en fermant la porte derrière lui.

Dès que nous fûmes seules toutes les deux, je lui jetai un regard interrogatif auquel elle s’empressa de répondre :

— Mon père à accepter que je passe la nuit ici. Du coup, c’est soirée pyjama.

Comment avait-elle fait pour obtenir une faveur pareille de son père. D’habitude je n’avais pas droit à plus de trente minutes de visite par jour. « Pour éviter de me fatiguer » disaient les infirmières. Enfin, avec Zoé tout était possible.

Lors de notre première rencontre – elle remonte à cinq ou six ans, je ne sais plus trop –, elle était venue se cacher dans ma chambre pour faire une farce à son père. Nous avons tout de suite sympathisé. Depuis, elle venait me rendre visite au moins une fois par semaine, voir plus quand elle en avait l’occasion. Avec le temps, nous sommes devenues très proche.

Elle s’assis à côté de moi et sorti une sélection de DVD de son sac, qu’elle étala sur le lit.

— Choisis, me dit-elle, lequel préfère tu ?

Je les regardai un à un. Je les avais déjà tous vu. J’arrêtai finalement ma décision sur Pirate des Caraïbes. C’était mon film préférer.

— Excellent choix ! fit-elle avec un grand sourire.

Elle mit le film que j’avais choisis de côté et rangea les autres. Elle sortit ensuite un paquet de pop-corn à mettre au micro-onde et un bol. Je souris, elle avait vraiment tout prévu. Elle s’apprêta à sortir de ma chambre mais une aide-soignante entra avec mon repas du soir. Elle s’arrêta en voyant Zoé au milieu de la pièce.

— Que fait-vous là mademoiselle ? les visites sont interdites à cette heure.

— Mon père ne vous a pas prévenue ? Il m’a autorisé à passer la nuit avec Dana elle se sent un peu seul ces derniers temps. J’ai pensé que de la compagnie lui ferait le plus grand bien.

— Et qui est votre père pour autoriser une telle chose ?

— Et bien Alaric Laso, le médecin chargé de la santé de Dana.

Sur ce nom, l’aide-soignante se mit à bégayer :

— Ha…bien…dans ce cas…

Elle ne savait plus où se mettre. En ce qui concernait ma santé, le docteur Laso était le seul en droit de prendre des décisions, il avait été formel. Si bien que personne n’osait remettre en question ses choix.

— Ne vous inquiétez pas, fit Zoé pour rassurer la pauvre femme, vous ne faisiez que votre boulot. N’ayez pas peur de mon père, il peut paraitre bourru mais au fond, il a un cœur en or.

L’aide-soignante ne parut pas toutefois pas soulagée par les propos de Zoé. Et je la comprenais. Si contredire le docteur Laso le mettait souvent de mauvaise humeur alors s’en prendre à sa fille, pouvait être bien pire. Sans regarder Zoé, elle se dépêcha de me donner le plateau et sortit de la chambre.

Mon amie se retourna alors vers moi.

— Je crois que je lui ai fait peur, me dit-elle, se retenant de rire.

Je retirai mon masque à oxygène et lui répondis :

— Normal, tu fais peur à tout le monde.

Elle fit mine de réfléchir.

— Tu n’as pas tort, finit-elle par lâcher avec un large sourire. Heureusement que toi je ne t’effraie pas.

— C’est parce que moi je n’ai peur de rien, plaisantai-je.

Nous nous mîmes ensuite à rire. Quand je réussi à me calmer – et surtout à reprendre mon souffle –, je mordis dans la tartine au fromage insipide que m’avait apportée l’aide-soignante. Je n’arrivais toujours pas à comprendre pourquoi la nourriture dans les hôpitaux était si infâme. Je rêvais d’une bonne pizza, d’un burger ou encore de frite bien grasse. Je mis mon repas de côté et regardais mon amie, toujours debout au milieu de ma chambre.

— Et si tu allais nous préparer ce pop-corn ? lui demandai-je.

— A vos ordres mon capitaine ! me répondit-elle déjà dans l’ambiance du film.

Elle sortit de la pièce. Sur le temps qu’elle me laissa seule, l’aide-soignante était revenue récupérer le plateau encore plein. Elle l’emporta sans faire de remarque. Néanmoins, je pus lire de la désapprobation sur son visage mais je m’en foutais. Le repas n’avait qu’à être meilleur. Mes parents payaient mon hospitalisation suffisamment chère pour que je sois en droit d’attendre de la nourriture de qualité.

Zoé revint quelque instant plus tard, le bol remplit de pop-corn, délicieusement enrobé de sucre. Elle les posa sur ma table de nuit puis, sortit un ordinateur de son sac et y inséra le DVD. Elle se dirigea ensuite vers la fenêtre.

— Ça t’ennuie si je ferme les rideaux ? me demanda-t-elle.

Je secouai la tête. De toute façon, il n’y avait rien à voir. À part peut-être les voitures qui circulaient par millier sur la chaussée ou les piétons pressés qui passaient leur temps à se bousculer. Si au moins je pouvais admirer le magnifique parc de l’hôpital, mais non. Ma chambre n’était pas située du bon côté du couloir pour cela.

Une fois les rideaux tirés, elle me rejoignit et s’allongea à côté de moi sur le lit. Elle appuya ensuite sur play et le film se lança. Nous regardâmes les aventures du capitaine Jack Sparrow tout en dévorant le pop-corn. Nous n’étions pas à la moitié du film que nous avions déjà tout manger.

Alors que Zoé venait de me proposer d’aller en refaire, des cris retentirent. Nous sursautâmes toutes les deux. Mon amie se leva d’un bon et se dépêcha d’aller voir ce qu’il se passait. De mon côté, je pris mon temps. Quand je la rejoignis enfin, j’aperçu, un peu plus loin dans le couloir, un jeune homme qui luttait pour se frayer un chemin entre l’attroupement d’infirmière qui lui bloquait le passage.

— Laissez-moi aller le voir, hurlait-il

— Je suis navrée, dit une des infirmières mais les visites ne sont pas autorisées à cette heure-ci.

— Il est mourant ! insista-t-il. Le médecin que j’ai eu au téléphone m’a bien précisé qu’au vu de son état, il n’en avait plus pour longtemps.

— Peut-être mais il vous faudra revenir demain, lui répondit une autre infirmière.

— C’est bon j’ai compris ! mais je vous préviens je n’en resterai pas là. Qui êtes-vous pour interdire les gens de voir leur proche sur le point de mourir.

Le jeune homme fit demi-tour, bouscula une infirmière d’un coup d’épaule et vint dans notre direction. Il s’arrêta un instant devant la porte de ma chambre et nos regards se croisèrent. Je lu dans ses yeux brun une profonde tristesse, même si elle ne se voyait pas sur les traits de son visage. J’eu aussitôt une envie soudaine de lui venir en aide.

— Attends, l’interpelai-je alors qu’il était déjà reparti.

Il s’arrêta aussitôt. Je me retournai vers mon amie.

— Tu crois que tu pourrais convaincre ton père de faire quelque chose ?

— Je suis déjà sur le coup, me répondit-elle avec un sourire complice.

Elle avait déjà sorti son téléphone et composait le numéro du docteur Laso.

— Oui Papa, dit-elle quand son père eu décroché. Non Dana va bien. Je t’appelle pour autre chose. J’ai en face de moi un jeune homme à qui on refuse la visite à l’un de ses proches qui est sur le point de mourir. Oui je sais que les visites sont interdites à cette heure mais essaie de comprendre. Que ferait tu à sa place ?

Cette dernière question du convaincre le docteur Laso car un large sourire illumina le visage de Zoé.

— Merci papa tu es un amour, dit-elle avant de tendre le téléphone à une des infirmières. Tenez c’est pour vous.

L’infirmière en question se saisit du portable de Zoé d’une main tremblante et le mis contre son oreille.

— Oui docteur. Oui mais… Je comprends… Je comprends.

Elle raccrocha et rendit le téléphone à mon amie, puis elle se retourna vers le jeune homme et dit :

— Très bien vous pouvez aller voir votre ami.

Alors qu’il repassait devant Zoé et moi, il murmura :

— Merci.

Il se dépêcha ensuite de rentrer dans la chambre qui l’intéressait.

— Retourner dans votre chambre, nous dit une infirmière quand le jeune homme fut hors de notre vue.

Nous obéîmes sans rouspétez. A peine eu-je refermer la porte que Zoé me dit :

— Tu n’es pas censée être essoufflée au moindre pas toi ?

Mon amie avait raison. J’étais restée debout de longues minutes et malgré ça, ma respiration était tout à fait normale.

— Ce mec semble te donner des ailes, plaisanta-t-elle. Remarque, il est plutôt beau gosse.

— C’est vrai qu’il est mignon, répondis-je, mais il émane de lui une tristesse, j’ai de la peine pour lui.

— Si son ami est aux portes de la mort, c’est normal.

Je secouai la tête. Ce que j’avais ressentis était différent. C’était comme s’il portait tout le poids du monde sur ces épaules. Ne sachant pas comment expliquer mes impressions à Zoé, je me contentai de dire :

— Tu as sans doute raison.

— Bon on continue le film ? dit-elle pour changer de sujet.

Je hochai la tête. Nous nous réinstallâmes donc sur le lit et nous reprîmes Pirate des Caraïbes là où nous étions arrêtées. Pourtant, je n’arrivai pas à me sorti le jeune homme de la tête. Il m’intriguait.

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