Chapitre LIII : La naissance d’un chef

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Où l’on apprend que le fort mange le faible et ce qu’il en découle.


Le jeune Alexandar se tenait dans l’angle de la cour du kuva. Comme à son habitude il jouait à celui qui disparaît. Mais, hier comme aujourd’hui, personne ne se souciait de savoir où il était. Personne ne relevait les toiles du kuva d’un geste nerveux. Nulle voix ne se faisait entendre pour l’appeler. Il avait picoré ici et là des restes de repas, s’était amusé un temps dans la tente des enfants dans laquelle se pressaient alternativement les femmes, pour se dévouer aux tout-petits qu’elles semblaient anxieuses d’avoir trop délaissés. Personne ne s’était occupé de lui. Cela dit, il n’avait pas non plus croisé Burla. L’un dans l’autre, ça se valait.

Il n’aimait pas cette grosse femme autoritaire qui lui décochait des regards venimeux dès qu’elle le voyait, et qui ne manquait jamais de retenir sa mère à des tâches stupides. C’était à cause d’elle qu’il avait commencé à jouer au jeu de la disparition et c’était aussi parce qu’il en tirait grand bénéfice qu’il avait continué.

Pas besoin d’aider à s’occuper des autres enfants, pas nécessaire non plus de s’habiller correctement. Parfois, dans ses pérégrinations à l’extérieur du kuva, il croisait Craon qui le gratifiait toujours d’une parole gentille ou d’une main affectueusement passée dans les épis de sa tignasse. Il aimait bien son père. C’était un chef. Un soldat, un grand soldat. Pas comme ce vaurien de Youpur qui pleurnichait à la première contrariété et prenait de grands airs l’instant d’après.

Il avait longtemps joué seul au jeu de la disparition. C’était arrivé le jour précédent alors qu’il cherchait une nouvelle cachette dans la cour du kuva. Il s’agissait du meilleur endroit pour disparaître, car il y avait toujours quelque chose à y observer. Pour y préparer les couleurs, les femmes rassemblaient de grosses marmites sur des braises ardentes. On y coupait et découpait des toiles fumantes. On y hachait des plantes odorantes et toxiques. Le pilon du mortier s’abattait sur des os secs, des écorces cassantes. Ce n’était pas un lieu pour les enfants. On pouvait s’y brûler, s’y blesser… et aussi s’y cacher à l’insu de tous : c’était parfait ! Nulle n’avait imaginé qu’il se dissimulait souvent là. Parce qu’elles y travaillaient presque toute la journée, les femmes pensaient tout y voir et n’avaient jamais l’idée de l’y chercher. Il avait donc procédé, comme à son habitude, à un moment où personne ne se trouvait dans la cour et découvert l’autre joueur.

C’était l’étranger, celui qui, avant, était attaché à côté de la créature somnolente. Celle ronflait d’autant plus qu’elle avait deux têtes ! Avec deux cerveaux peut-être se serait-elle déjà échappée… regrettait Alexandar, navré de la découvrir assoupie à chacune de ses visites.

L’étranger lui avait paru plus commun et donc moins digne d’intérêt. Un soldat de la garde le lui avait désigné comme étant « le ver nu » : l’étranger sans honneur, vaincu et humilié. Puis il avait pointé du doigt la chose endormie et conté comment avec ses camarades, sous les ordres de Youpur, ils l’avaient terrassée avec bravoure.

Il a dû vous en falloir du courage, s’était exclamé Alexandar en considérant la masse imposante de la bête. Puis se souvenant que Youpur dirigeait les opérations lors de cette incroyable fait d’arme, il temporisa son enthousiasme en considérant qu’il était fort possible, vu l’entrain dont témoignait l’animal, qu’il eût été tout aussi apathique à l’instant de sa capture. Cette hypothèse lui convenait fort bien. D’un côté, elle l’autorisait à diminuer tout le prestige que Youpur eût été en droit de gagner à ses yeux, de l’autre, elle n’entamait en rien la formidable impression que produisait sur lui l’incroyable animal. Dès lors, peu lui importait que l’étranger soit vêtu ou nu. Il possédait un jouet dont tous les enfants auraient rêvé.

Le soldat qui voyait briller les yeux du jeune Alexandar continuait de lui narrer tous les exploits dont était capable la bête. Elle pouvait voler. La nuit, elle brillait éclairant plus que le soleil — ils étaient même obligés de la recouvrir de toiles et de peaux, sinon les enfants refuseraient d’aller dormir. Alexandar rêvait qu’il pouvait monter sur son dos, lui parler. Sur un tel animal, plus besoin de se cacher. Il pointerait son doigt sur la grosse Burla. Il lui ordonnerait d’apporter des dattes et des krockts confites à sa mère. Elle n’oserait plus l’approcher. Le taper, encore moins. Youpur, terrorisé par l’animal, quitterait la maison sous le prétexte d’aller mener des guerres lointaines avec sa formation et ce, au nom d’Alexandar le Grand ! Et, peut-être que s’il revenait — très vieux, et très blessé— Alexandar lui offrirait un voile d’honneur ainsi qu’une vieille et irascible épouse.


L’enfant avait développé dès les premiers instants une forme de sympathie et d’estime pour le Ver nu et son étonnant compagnon. C’est pourquoi, lorsqu’il surprit l’étranger debout au milieu des voiles de couleurs qui, mis à sécher, dégouttaient des camaïeux de rouge, d’orange et de brun sur le sol, il décida de ne pas l’effrayer. On avait, en général, toujours une bonne raison de jouer au jeu de la disparition.

Il rabattit donc, sans se faire remarquer, le voile épais qu’il avait soulevé et, sans un bruit, se glissa jusqu’à la tente centrale où deux des quatre filles adoptives de Burla s’agitaient tant bien que mal pour répondre aux demandes des chefs de tribu. Serait-il lui aussi chef un jour ? Il l’espérait, mais bien sûr, cela ne serait pas possible… Il y avait Youpur le fils ainé de Craon. D’après Providence Youpur était bien trop bête pour faire un bon chef. Selon elle, pour être un bon chef, il fallait d’abord être capable de se faire discret et d’observer. « Car du savoir découle la sagesse ». A pas feutrés, il contourna l’amoncellement d’affaires qui encombraient la pièce centrale — pour une fois qu’il tirait bénéfice de quelque chose appartenant à Youpur — puis se glissa dans la pièce réservée à Craon. A sa grande surprise, la chambre n’était ni vide, ni calme. Il crut que c’en était fini du jeu de la disparition et qu’il allait recevoir une solide correction. Sa mère et les autres femmes étaient là, à l’exception de Burla. Elles étaient penchées sur une masse qu’elles entouraient de toile. Rendu hardi par l’absence de la matrone, Alexandar eu juste le temps de se faufiler plus avant. Tout retranchement lui était devenu impossible. Aglaée était revenue des cuisines les bras chargés de provisions et les distribuait à ses hôtes au nom du chef de tribu. Elle se tenait juste devant la peau de gnouzk qui fermait la pièce et n’en bougerait pas avant d’avoir fini.

« Un vrai chef se doit d’être persévérant », surtout s’il n’a pas d’autre choix, pondéra Alexandar alors qu’il se glissait sous le lit où dormait Craon et, pensant à la rouste qui l’attendait s’il était découvert, il s’employa à respirer le plus doucement possible. Il ne voyait pas bien ce que faisaient les femmes, mais il comprit vite que cela devait être suffisamment difficile pour mobiliser leurs forces et toute leur énergie. Il n’était pas prêt d’être découvert et c’était tant mieux. Un bon chef est rusé, estima-t-il avec satisfaction, préparant ses muscles à la longue immobilité à laquelle il les contraindrait certainement, tant cette nouvelle cachette était inédite et risquée.

C’est ainsi qu’il entendit et se glaça d’effroi. Longtemps après que tout le monde fut parti, il restait immobile comme la pierre, incapable de redevenir lui-même. L’odeur de charogne noyait sa gorge. Le dépit lui brûlait les yeux. Providence était morte ! Sa Providence ? Celle qui était à la fois sa confidente, sa nourrice et son mentor ? La seule qui soit capable de le débusquer et ce, quelle que soit sa cachette. Si Providence n’était plus là pour le retrouver, alors il avait bel et bien disparu, il ne reviendrait jamais à la vie.

Et tant mieux ! Car aucun vivant n’aurait pu survivre à ce qu’il avait entendu. Craon avait ordonné, à sa mère et à l’aînée des sœurs, que l’on cuisine Providence et qu’on la serve aux autres tribus lors du banquet d’ouverture du grand rassemblement ! Il est des crimes qui sont doubles. Peut-on perdre d’un coup d’un seul une mère et une amie, la confiance et la paix?

« Il arrive à un grand chef d’être trahi, mais jamais un véritable chef ne commet une telle ignominie.»

Alexandar pleura. Il pleura sur le sort fait à sa mère et aux femmes. Il pleura en silence, sans hoquets et sans larmes, une amie, une égérie, mais aussi un père et un chef. Il n’avait plus d’exemple à suivre : il se devait d’être exemplaire.

« C’est quand il n’y a plus de chemin qu’un chef se révèle, car alors, il devient un guide et nous mène quelque part », mais où ? S’interrogea Alexandar et pour faire quoi ?

Sans la présence rassurante de Providence, il était bien décidé à ce que son souvenir l’accompagne désormais à chaque instant. Il est des disparitions qui vous révèlent au monde. Il se concentra, il devait réfléchir. Quand et comment devrait-il cesser de jouer au jeu de la disparition et commencer à influer sur le cours aberrant des choses ?



Le repas d’accueil du grand rassemblement devait se tenir ce jour. Une grande table avait été dressée à l’ombre du Rocher Bleu. De plus petites autour. A cette grande table se tenaient la famille Rince-Coq au complet, les familles des Bouge-Lézard et du Rat-Prudent, celle des Fils-du-Singe-la-Tête-en-Bas et des Tortues-Rapides. Les femmes avaient confié, à chaque tablée, un mets ou un ragoût qu’elles avaient préparé pour l’occasion. C’est ainsi que Burla, en tant que première épouse, se devait d’effectuer le service d’un plat qu’elle n’avait pas préparé et dont elle ignorait tout.

A peine rétablie du choc de l’avant-veille, elle avait le teint fatigué d’une femme affligée par l’âge et l’âpreté de la vie. Son frère Goluk, plus jeune qu’elle d’un ou de deux rassemblements, la reconnaissait à peine. Il se demandait comment cette femme, un peu boudinée et hésitante, avait pu être une sœur autoritaire et déterminée. Il cherchait dans quelle mesure l’image d’assurance tranquille qu’il en avait gardée lors de leurs précédentes entrevues avait été une réalité ou bien une construction de son esprit, car cela ne correspondait en rien à la femme rompue qu’il découvrait aujourd’hui et qui tentait visiblement de se raccrocher à la vie en accomplissant avec application les rites d’accueil imposés par son rang.

A bien y réfléchir, Craon lui-même faisait pâle figure. Les traits tirés, la prunelle vitreuse, il suivait des yeux, visiblement mal à l’aise, la louche qui puisait d’appétissants morceaux de viande mijotés dans une large marmite d’argile, montée sur trois roulettes en bois de chtuvax pour le service. Visiblement pris de nausées, avant même d’avoir mangé, il accepta néanmoins une seconde portion. Sa femme cherchait son regard comme pour se rassurer. Mais lui, après avoir fixé la cucurbitacée sèche et creuse avec laquelle Burla continuait de puiser les morceaux du ragoût dans la gamelle, contemplait maintenant son assiette avec componction.

Seul Youpur était égal à lui-même. Fier, arrogant, il jubilait. D’un regard circulaire, il balayait l’assemblée des convives comme il aurait mené l’inspection de son armée puis s’attardait sur les quatre sœurs adoptées qui se tenaient en bout de table, voilées, humbles et tranquilles, dignes héritières de l’éducation prodiguée par leur vieux père, feu Raboundar.

Quand toutes les assiettes furent pleines, Burla regagna sa place. Il était d’usage que le chef de famille, dont le plat venait d’être servi, porte un toast et fasse une déclaration. Craon, manifestement, l’avait oublié. Burla tourna ses yeux bouffis vers son fils unique Youpur. Celui-ci détaillait les charmes de la timide Luanda et n’avait pas pris conscience du moment.

Alexandar tendit alors son bras vers le centre de la table où il attrapa un pichet de vin. Ganaléa voulut protester… mais à haute voix, devant des hommes ? Alexandar de sa main libre arrêta son mouvement et ramena à lui le pichet qui trop lourd tremblait dans sa main. Il s’en servit un fond devant l’assistance médusée par l’inaction de Craon.

Intérieurement, il se dit, tout en levant son gobelet devant l’assemblée, « un chef doit savoir quand il est temps d’être chef », puis il humecta symboliquement ses lèvres et déclara :

— J’ai à parler.

Aussi surprenant que cela puisse paraître, le rituel était respecté.

— Nous t’écoutons, déclarèrent en chœur les vingt-trois membres masculins des tribus attablées.

— Ce que j’ai à dire est grave, déclara l’enfant dont la voix aiguë avait encore les accents de celle d’une fillette. Je ne mangerai pas de ce plat et personne ici ne le fera.

Ganaléa étouffa un cri, l’assemblée des femmes de la famille Rince-Coq, à l’exception de Burla et Luanda, était livide, ce qui n’empêcha pas Alexandar de continuer.

— Aujourd’hui, j’ai perdu un père. Vous un ami, et la tribu Rince-Coq un chef. Mais un chef se doit d’être juste, n’est-ce pas ?

Il tendit le menton en direction de chacun des chefs de tribu présents.

— Assurément, répondirent-ils soucieux de ce que l’enfant avait à dire.

— Un chef se doit aussi de dire ce qui est ? De dire le vrai ?

Les chefs de tribu s’entre-regardèrent. La question était plus complexe. Il était plus délicat d’y répondre en toutes circonstances par l’affirmative. Mais, l’instant était particulier et ce jeune homme si solennel. Comment s’appelait-il déjà ? Ah, oui, Alexandar, le second fils de Craon.

— Oui, il se doit de dire le vrai, répondirent-ils les uns après les autres.

Youpur semblait réaliser, pour la première fois, l’existence de son jeune frère et le considérait avec stupéfaction. Craon penchait dangereusement en avant. Son visage couleur de cendre se reflétait dans le bouillon gras de son assiette pleine.

— Après Youpur, si je vis assez longtemps, je serai chef, c’est bien ça ?

Ganaléa se mordait la lèvre inférieure, tandis que Burla relevait la tête et mesurait, en face d’elle, toute la force de ce petit être qu’elle poursuivait sans cesse de son mépris. Ce n’était pas sa graine et pourtant, de toute évidence, il était l’arbre. Elle s’éprouvait fragile, vieille, déçue et désabusée. Oui, elle pourrait s’y adosser confiante. Il avançait tranquille, longeant les précipices d’un pas mesuré. Elle comprenait maintenant pourquoi elle s’était entêtée à toujours le débusquer. Elle avait voulu l’humilier, l’ignorer, le harceler. Elle en avait fait le pendant pauvre de Youpur. Elle pensait se prémunir d’un danger en le gardant sous ses yeux, à portée de main. En fait, elle cherchait l’espoir. Burla souffla légèrement sur le bout de ses doigts. Fallait-il devenir vieux pour se rendre compte qu’on avançait toujours à tâtons dans la vie ?

— Si je dois un jour devenir chef, ne suis-je pas tenu de m’astreindre dès à présent à en respecter les devoirs ?

— Certes ! s’exclama Youpur à l’adresse de son frère qu’il reconsidérait soudain.

— En ce cas, force m’est de parler, dit l’enfant. Providence a été tuée par Craon. Il a ordonné à ses femmes et à ma mère de la cuisiner et de la servir à ce repas.

Burla hurla en portant les mains à sa bouche pour retenir ce cri qui n’en finissait pas de sortir.

— Je ne sais pas ce qui m’a pris, répétait Craon en épongeant son front sur lequel perlaient des gouttes de sueur. Je n’étais plus moi-même, bafouilla-t-il à l’intention de Burla qui ne l’entendait pas, tant elle hurlait de folie et de chagrin mêlés. Elle ne savait que trop ce qu’elle avait fait et dans quelle poudre elle avait plongé les écorces du kwa.

Craon, écrasé sous le poids de son acte dément et soulagé de n’avoir pas eu à manger le contenu de son assiette dans laquelle il croyait voir Providence, comme il lui semblait l’entendre boiter chaque fois qu’un des couverts heurtait le bord d’une écuelle, n’eut même pas l’idée de démentir le meurtre. De toute façon, qui l’eût cru ?

Quand le bruit se fut apaisé, et profitant de la sidération des convives, Alexandar reprit la parole en désignant Youpur.

— Je déclare donc qu’à partir d’aujourd’hui, mon frère Youpur doit diriger la Tribu du Coq. Il lui revient de décider du châtiment auquel doit se soumettre celui qui fut, et notre père, et notre chef.

Youpur reposa les mains sur la table, il était muet. De surprise et de dégoût. D’admiration, aussi, pour cet enfant qu’il n’avait jamais vraiment remarqué et à l’endroit duquel il sentait poindre une légère jalousie.

— J’ai besoin de réfléchir, déclara-t-il enfin.

Sur quoi, chacun se retira. Les autres tablées s’agitèrent puis se vidèrent à leur tour. Encadré de soldats appartenant aux tribus du Rat, du Lion, de la Tortue, et du Singe, Craon fut mené non loin de Nicophène et attaché au piquet où peu de temps auparavant se trouvait encore Radigan.

Les clans devisèrent. Goluck comprenait maintenant quels feux souterrains avaient consumé sa sœur. Pourtant, il n’avait d’autre choix que de la renier. Le meurtre d’une servante au voile gris jetait l’opprobre sur la famille des Rince-Coq. C’était en soi un acte abominable. Mais l’offrir comme premier repas pour ouvrir les festivités d’un grand rassemblement relevait de la démence ! La tribu du Coq si elle survivait à pareille malédiction, ne devrait son salut qu’au jeune Alexandar et à la capacité dont ferait montre Youpur pour assumer sa charge.

C’en était fini de l’entente entre les tribus, la confiance venait d’être entamée, si ce n’était ruinée… La parole d’un enfant, aussi sage soit-elle, pouvait-elle suffire à maintenir le lien ? Le jeu des alliances écartait d’office la tribu du Lion. Les Rats-Prudents les éviteraient désormais. La Tortue-Rapide n’entacherait pas une image de sagesse, durement gagnée lors des négociations après la guerre de la soif, par une mésalliance.

Goluk ne se faisait aucune illusion. Avoir par le passé contracté un appariement avec la famille des « Coqs-fous » les affaiblirait aux yeux de tous les autres.

Ainsi, le lendemain, quand Youpur annonça la sentence de mort qu’il infligerait lui-même à Craon, était-il déjà trop tard. Si les dignitaires assistèrent à l’exécution, leurs femmes dans le même temps, préparaient les bagages. Le départ des caravanes était imminent. C’en était fini du grand rassemblement.


Youpur leva son arme au-dessus du cou de Craon dont les cheveux avaient été coupés ras par Burla, laquelle depuis, ne cessait de pleurer et fondait en proportion.

La main du fils ainé tremblait, tout son corps tremblait. S’écartant de la foule, Alexandar vint jusqu’à lui et lui souffla, du haut de sa petite taille, sans être entendu des autres :

— Vas-y, fais-le, il faut des tripes pour être un chef.

La lame s’abattit jusqu’au billot de bois de ktur qu’elle entailla.

Alexandar s’éloignait, dos à la foule. Il pleurait. Il pleurait son père, mais surtout Providence. « Le plus dur c’est d’être seul », lui adressa-t-il en lui-même. Mais tu le sais déjà. Tu le savais dès le début… Tu ne me l’avais pourtant jamais dit. Même toi, tu m’as trahi à ta manière… c’était peut-être ça ta dernière leçon.

Alexandar n’était plus un enfant, il n’aurait plus jamais à jouer au jeu de la disparition.

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