Une anecdote de vie ...

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Cette histoire se déroule à la lumière des lampadaires de Lyon. Nous sommes un jeudi soir, il est deux heures du matin, et je m’apprête à faire une immense connerie.

La nuit avait pourtant bien commencé. Les vacances étaient prévues pour demain, la fête était donc de rigueur. Avec deux de mes amies, Carol et Michelle, nous nous étions rendus à la rue de la soif. La soirée battait son plein, nous buvions, nous dansions, des garçons venaient nous voir, souvent les trois en même temps. Carol fut la première à trouver sa proie, un grand brun ténébreux, le genre qui écoute du death metal et sort des phrases grandiloquentes comme « La vie, c’est trop une pute. » Puis vint le tour de Michelle que je surpris en train de se faire galocher dans les toilettes de la seconde boite de nuit que nous enchaînions. Classe.

Tant mieux pour elles. En ce qui me concerne, je buvais pour oublier mon copain du moment, soi-disant trop pris dans ses révisions pour sortir un jeudi soir. Heureusement, la combinaison des trois facteurs intrinsèques à une soirée digne de ce nom avait eu raison de ma frustration. Plusieurs coqs vinrent même tenter leur chance, mais je n’étais pas libre, je ne supporterai pas l’idée d’infliger à un autre ce qu'on m'avait déjà fait subir. On discutait, on blaguait, je leur accordais un léger flirt en buvant la bière qu’ils m’offraient avant de m’esquiver, telle une ombre dans la foule. C’est méchant, mais j’adore l’idée qu’on me cherche, qu’on tente de remuer ciel et terre pour moi. L’un fut beaucoup plus entreprenant que les autres, allant même à essayer de m’embrasser après une tentative de blague pourrie. Le typique « Salut ! On baise ? » , fléau de notre temps. Pour m’en débarrasser, je lui ai accidentellement renversé une pinte entière sur le pantalon avant de prendre la fuite sur un rire mordant.

À présent, il est une heure quarante-cinq du matin et je déambule dans des coins plus calmes, embrumée par l’alcool et prise d’une douce euphorie. Je suis contente pour mes amies, elles sont plus jeunes que moi, découvrent encore le plaisir des relations éphémères, de se réveiller aux côtés d’un inconnu offrant un copieux petit-déjeuner dans l’espoir de revoir la désirée. Moi, je m’acharne dorénavant à trouver des relations plus sérieuses. Soudain, une fille attrape mon regard dans la rue. Je l’avais déjà remarquée, dans un bar. Elle me suit ? Je bifurque à droite, coupe par un jardin plongé dans les ténèbres… elle est toujours là, je suis même certaine qu’elle cherche à se rapprocher. Je finis par m’adosser à un petit muret, croise les bras en remontant une jambe contre le mur de pierre pour l’attendre. Je suis plus curieuse qu'effrayée. Même éméchée, je saurai me défendre.

  • Salut.
  • Yo, dis-je en la dévisageant. Vue de plus près, elle a une forte carrure. Elle doit faire de l’exercice, peut-être de la boxe, si ça se trouve, on côtoie le même club.
  • Tu es bien Alice ?

Houlà. Tous mes sens se mettent en alerte. Je me concentre sur son visage… Non. Je ne la connais pas, j’en suis certaine. Je ne réponds pas, me tend de façon imperceptible en voyant son regard agressif, mauvais même.

  • Écoute-moi bien, salope. Ton mec, c’est le mien à présent.

Je cligne plusieurs fois des paupières. Mon cerveau refuse d’ordonner ses mots pour y mettre une logique cohérente. Le brouillard qui m’entoure n’est pas pour m’aider. Elle ne bouge pas, attend une réaction. Je n’arrive qu’à exprimer de l’incompréhension.

  • Quoi ?
  • Tu as très bien compris. Ça fait une semaine que je me le tape, et je n’aime pas partager. Du mécontentement s’ajoute à son visage. T’es trop merdique pour lui de toute façon, fidèle à ce point, t’as un glaçon entre les jambes.

Du coin de la ruelle apparaît alors le sale type du bar. Il nous rejoint en sortant un couteau de sa poche. Je suis en état de choc. La lame se pose sur ma gorge, le contact froid me ramène brutalement à la réalité.

  • Pigé ? Tu ne l’approches plus, sinon…

Elle mime de se trancher la gorge, son pote appuie le geste d’une pression sur ma peau. Une goutte de sang perle. Je ne réagis pas. Mes réflexes de combattante s’enclenchent d'eux-mêmes, je guette l’ouverture. Le porc qui me menace s’approche alors pour venir porter ses lèvres à mon oreille.

  • J’ai un compte à régler avec t… Aaaah !

Je viens de lui mordre la joue ! La douleur le paralyse une petite seconde, c’est plus qu’il ne m’en faut pour frapper sur son poignet pour le forcer à lâcher son arme. Je rattrape le couteau d’une main et enchaîne avec une rapide clé de bras pour l’immobiliser à mes pieds. Il gémit de douleur, neutralisé. Je tends la pointe vers la fille qui s’était élancée vers moi. C’est à présent sa gorge qui est sur le point de se faire trancher. Elle pile net, lève les bras en l’air, une expression de terreur sur le visage.

  • A-attend…

Je cligne rapidement des yeux. L’action s’est passée en moins de cinq secondes. Je commence à réaliser l’étendue des révélations qu’elle m’a faite. Ma mâchoire se contracte à m’en faire mal. Une envie de meurtre naît dans mon cœur. Mon rythme cardiaque s’accélère, j’arrive à peine à respirer. Ce désir de tuer, je l’ai déjà eu, comme chacun d’entre nous, mais, comme tout le monde, je me retenais. Ce soir, c’est différent. Jamais je ne m’étais sentie si proche du gouffre. Je sens cette pulsion monter en moi, envahir tout mon être, si bien que j’en tremble. Ma raison fait tout pour lutter, âpre, désespérée à l’idée que je détruise ma vie pour une amourette perdue.

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