La nouvelle a rapidement fait le tour de la famille, et à chaque jour son lot de coups de fils et de messages de félicitations.

Nous n’avons pas échappé à un nouveau crochet par le cimetière pour ce triste anniversaire, où nous retrouvons Hélène, comme à chaque fois lorsque nous venons à cette date, et à qui je m’empresse d’annoncer la bonne nouvelle. Les yeux embués de larmes et un immense sourire nous montrent la joie qu’elle ressent et son émotion. Je la serre simplement dans mes bras, puis plonge mon regard dans le sien quelques instants, pour qu’elle comprenne que cet enfant n’est pas le point final de mon histoire avec sa fille, bien au contraire, je le lui répéterai au téléphone quelques jours plus tard.

Pendant ces quelques jours de repos bien mérités, nous avons enchaîné ballades en forêt, en bord de rivière, ou visites à mes proches, et nous reprenons la route des sommets avec une certaine émotion pour mes parents et moi, mais nous avons rendez-vous avec la belle-famille, et j'appréhende pas mal la réaction de Patrick à l’annonce de la grossesse de sa fille.

- Si tu as besoin qu’on s'arrête en route, n’hésite pas à demander.

- C’est bon on en a pour deux heures à tout casser.

- Et alors? On sait jamais…

- Tu vas pas commencer à me traiter comme une grabataire?

- Tu portes mon enfant, et tu vas devoir supporter ça encore quelques mois…

- Putain! J’avais pas pensé à ça… Je crois que je vais aller m’installer chez mes parents le temps de…

- Les connaissant, ce serait pas la bonne solution.

- C’est clair… SABRINA!!!!! VIENS ME DÉLIVRER!!!!

- Alors là! Hors de question!!! Tu lui as rien dit encore?

- Ho que non! Tu vas l’avoir sur le dos nuit et jour dès qu'elle sera au courant, je te préviens.

- Merde, on en a pas fini avec tous ceux-là…

La discussion se termine dans un fou rire incontrôlable, et je suis obligé de me garer quelques minutes pour reprendre mon calme et mon souffle, tandis que chacun notre tour nous nous lançons dans un concours d’imitations, déclenchant de nouvelles crises de rire. Ma pauvre enfant, dans quelle famille tu vas tomber…

L’arrivée se fait sans encombres, mais pas sans pause, je préfère prendre les devants et nous accorder une dizaine de minutes au bord du lac de Serre-Ponçon, sous le regard réprobateur de Charlène. Puis nous débarquons directement chez les beaux-parents, où la princesse-tornade nous attend de pied ferme, toujours aussi remuante et bavarde, mêlant avec de plus en plus d’aisance ses deux langues natales, profitant de ses vacances ici.

- Cara mia, tou a l’air crevé. Louis! Arréte dé la faire travailler!

- T’inquiètes pas Mamma, c’est juste le voyage, la route, puis on a pas mal bougé là-bas.

- Principessa!!! Vieni qui dammi un abbraccio!

- Si!!! Arrivo zia!!!

- Alors Louis, tu m’as l’air tout chamboulé toi aussi. Tout va bien?

- Tu sais Patrick, c’est comme chaque année, la période est un peu difficile pour moi, mais ça va, ne t’inquiète pas, je gère.

- T’as intérêt. Bon la maison, ça en est où?

- Pfiou!!! Je l’avais oubliée celle-là!!! On a pas mal avancé, la plomberie est faite, il me reste de l'électricité à terminer et on pourra finir de poser les cloisons. J'espère que le poêle n' aura pas de retard, pour qu’on puisse bosser au chaud.

- Et ta rambarde? Elle te plait?

- Si on suit trait pour trait les dessins, ce sera magnifique… Merci d’avoir filé le tuyau a Pierrot…

- RAGAZZI!!! APERO!!!

- On arrive… Putain ces femmes…

- …

- Pardon Louis… C’est sorti tout seul…

- Mais c’est tellement vrai.

Nous profitons de ce moment convivial pour l’habituel échange de cadeaux, pressés par Alicia qui ne tenait plus en place, mais qui quelques minutes plus tard bouquinait dans son coin en silence son édition bilingue du Petit Prince que j’avais miraculeusement trouvé dans une petite librairie lors d’une balade à Aix.

Comme pour moi, nous répétons le rituel de la petite boîte en bois décorée à la main pour Caro et Patrick, qui semblent plutôt surpris par l’emballage et le bruit.

- Ma che cos’è?

- Ouvre plutôt que de poser des questions bêtes. C’est un cadeau, ils ne vont pas nous dire ce qu’il y a dedans!

- Si ma…

- …

- …

- …

- NO!!! Veramente??? Siete sicuri??? Cari miei…

- Ah ouais… Ça c'est un cadeau!!! Je… Félicitations… C’est… Tellement inattendu…

- A vrai dire, pour nous aussi… On s’y attendait pas du tout… C’était pas prévu aussi rapidement… Mais bon…

- Bambini… Cara mia… C’è… Sono tanto felice… Ma comment tou va ma bella?

- Bene Mamma, veramente bene per il momento.

- Garçon ou fille?

- On le sait pas encore, mais Loulou est sûr que c’est une fille…

- Ça m'aurait étonné…

- Je sais pas, je le sens comme une évidence… Il me reste plus qu'à avancer à fond sur la maison…

- Si tu as besoin d’aide, n’hésite pas… Je suis pas trop manuel, mais bon, pour la peinture je me débrouille pas trop mal…

- Merci, j’y penserai.

- Mamie… C’est quoi ça? Et les dessins?

- Jé… Come dire…

- Ma puce viens sur mes genoux, je vais t’expliquer… Bientôt, Zia et Zio vont avoir un bébé, ce sera ton cousin ou ta cousine…

- Ah…

- Et ça c’est une photo, pour l’instant il est dans mon ventre, il est tout minirikiki, comme ça…

- Il est pas très beau!!! Vous pouvez pas le changer?

Alicia dans toute sa candeur d’enfant de sept ans… Nous avons éclaté de rire, tandis qu’elle nous souriait, fière de son commentaire…

- C’est pas possible ça, ma puce, mais il va grandir et devenir aussi beau que tonton ou tatie…

- Bon alors ça me va… Vous pouvez le garder du coup…

Après un repas, assez léger pour une fois, et un appel vidéo avec Max et Elena pour leur annoncer la grande nouvelle, nous retrouvons notre nid douillet, et je m’accorde une bonne sieste digestive avant d’aller faire le tour du chantier, où rien n’a bougé, accompagné de Charlène.