La présence de Max et de sa petite famille, pour quelques jours, a quelque peu chamboulé le planning établi par Charlène, nous avons tout de même profité du lendemain pour skier en amoureux et apprécier mon piètre niveau, ce qui donne lieu à pas mal de moqueries de sa part.

Ensuite je passe une bonne partie des deux journées suivantes à jouer avec Ali, handicapé par une douleur au tibia, pendant que frère et sœur profitent de leurs retrouvailles.

Leur départ fut aussi chargé en émotion que leur arrivée, et la séparation fut arrosée pour tous, pour moi c’est surtout Alicia qui allait me manquer, j’étais tombé sous le charme de la petite fille, et je pense que c'était réciproque. Sa joie de vivre, son sourire permanent, sa manière de parler, mélangeant l'Italien et le Français, la rendaient si attachante, qu'un grand vide se fait rapidement sentir.

La suite du séjour, nous avons repris des activités plus sportives, retrouvé Sabrina, j’ai découvert le ski de fond et repris les habitudes du spa en fin de journée.

Pour le réveillon du nouvel an, le programme était assez simple, apéritif dinatoire avec les copains montagnards chez les parents de Sabrina qui nous laissaient leur chalet à Montgenèvre, puis soirée sur le front de neige où une piste de danse a été aménagée, et où plusieurs DJ vont se succéder tout au long de la nuit.

- Hey mister Lou, t’as la classe!!! On dirait James Bond… Ma chérie, tou es manifaïque toi aussi…

Vous avez fait péter les tenues de soirée, mais vous allez vous geler ce soir…

- Merci ma biche, mais on a pris ce qu’il faut pour nous changer…

- T’a fait un effort toi aussi, t’es superbe…

- Vas-y t’as qu'à la draguer tant que tu y es…

- Moi ça me dérange pas si ton mec me drague…

- Quoi? J’ai pas le droit de la complimenter??? Pour une fois que je me moque pas de toi, je me fais engueuler...

Dans un éclat de rire, nous rejoignons les autres amis qui nous attendent dans le salon, je retrouve toute l’équipe avec un peu de honte, après les événements de l’été dernier, mais ils semblent avoir mis de côté mon coup d’éclat pour se concentrer sur la soirée festive, ou simplement ne veulent-ils pas s’attarder sur ce détail.

Lorsque les derniers invités arrivent, le silence se fait soudain, et nous oblige à stopper notre discussion sur les retrouvailles de la famille Rivière. En effet, nous voyons débarquer Anthony accompagné d’une grande blonde, qui semble son total opposé, effacée, timide et un peu perturbée par le silence soudain. Mon premier réflexe est de tirer Charlène par le bras pour prendre la fuite, pas par peur de représailles, mais plutôt parce que je n’ai pas vraiment envie de passer la soirée avec lui, et le regard de ma compagne me confirme qu’elle n’est pas vraiment d’accord avec sa présence. C’est Sab qui accourt à notre rencontre qui nous empêche de fuir.

- Je suis désolée, j’aurai dû vous prévenir qu’il venait, mais…

- Ouais… T’aurais clairement dû… On passe pas la soirée avec lui… Hors de questions…

- Non, restez… Je comprends, Lou, après l’épisode de cet été, mais…

- Laisse Sab, je m’en charge… Louis, Charlène… Je… Restez… Je dois vous parler… Après ça, si ça vous dérange, on s’en va, mais je vous dois des excuses…

Alors là… J’en reste bouche bée, je ne m’attendais pas à ce genre de réaction de sa part.

Je voulais m’excuser auprès de vous pour cet été… Charlène, j’aurais jamais dû essayer de te récupérer, t’as été claire avec moi quand on a rompu… Mais j’ai eu du mal à l’accepter… Louis… Je… Je voulais aussi m'excuser… J’ai été un gros con avec toi… Merci de m’en avoir mis une… Ça m'a aidé à comprendre, ça m’a remis les idées en place… Je… Je t’en veux pas, je comprends ta réaction, Sab m’a expliqué ce que t’as vécu, je suis triste pour toi… Mais je suis sûr que t’as trouvé la bonne personne pour t’épauler, elle est géniale… Voilà… Maintenant, si vous voulez bien que je reste ce soir, ça me fera plaisir, sinon, on s’en va, sans rancunes…

- Antho… Je suis fière de toi… Je te connais suffisamment bien pour savoir ce que ça te coûte… On est amis depuis longtemps, et, si Chéri est d'accord pour que tu restes, ça me dérange pas… Mon cœur?

- Écoute… Ce serait plutôt à moi de m’excuser pour ma réaction… J’y suis allé un peu fort… Je suis désolé Antho… Alors restez, on essaye d’oublier tout ça et on repart de zéro… Sans rancune?

Une poignée de main ferme pour mettre fin aux excuses, et nous enchaînons sur un autre sujet.

- Je vous présente Claire, on s’est rencontré un peu après les… Événements de cet été...

- Enchantée de vous rencontrer… Louis, faudra que tu m’expliques comment le faire taire…

- Enchantée Claire…

- Ravi de te rencontrer… Pour le faire taire… J’ai qu’une seule solution… Mais c’est pas vraiment… Académique… Accepte le comme il est…C’est mieux...

La tension retombée, je laisse Charlène discuter avec Sabrina pour retrouver Wendy, Gianni et Isa, après avoir rempli mon verre de punch dilué avec du jus de fruits.

- Mister Lou… Tu lui en a pas mis une autre?

- C’est bon Wen… On arrête avec ça… Il s’est excusé, moi aussi, on passe a autre chose…

- C’était trop drôle quand même…

- Stop… S’il te plait…

- Bon, sinon la vie à deux? Ça se passe bien?

- Trop… Je me sens… Plus adulte… Plus serein… Puis, c’est cool de se dire qu’on peut sortir quand on veut, aller boire un coup, bouffer au resto…

- Trop de chance… Je vous envie…

- C’est pas les vacances non plus, j’avais quatre mois de cours à rattraper, plus le boulot pour cette année… Je sais pas encore comment j’ai réussi à boucler mon trimestre avec ces résultats… Mais c’est cool quand même…

- Et vous? Comment ça se passe?

- Ça roule, la saison de ski, les touristes, le train-train quoi… On revient juste de chez nos parents, en Italie, ça fait du bien de retrouver le pays…

- Je suis content de vous retrouver, qu’on passe la soirée tous ensemble.

Après avoir dévalisé le buffet, et bu encore quelques verres, nous nous sommes tous équipés pour défier les températures glaciales sur la piste de danse: bonnets, gants, parkas, écharpes, boots. L’ambiance me rappelle les soirées en boîte de nuit d’il y a quelques mois, je retrouve cette atmosphère festive, joyeuse, où chacun vient pour s’amuser sans s’inquiéter du regard des autres. La foule est dense, nous protège du froid, et je me renferme dans ma bulle dès les premières minutes, retrouvant ce bien être qui m’envahit lorsque la musique me transporte et que j’oublie tout ce qui m’entoure.

C'est Charlène me tire de mes reveries en m'attrapant par la manche quelques minutes avant le compte-à-rebours final, pour nous isoler de la foule, elle a pris mon visage entre ses mains glacées, je quitte mes gants pour en faire de même.

- Je voulais te remercier encore une fois… Pour ces six derniers mois… Et pour ce soir… Avec Antho…

- C’est bon, je suis plus un gamin… Il est venu s’excuser, en reconnaissant qu’il avait mal agi, il m’en faut pas plus… T’es bien placée pour le savoir… Pour le reste, je te retourne les remerciements, cette année n’a pas été facile pour moi, mais grâce à toi je m’en suis sorti avec les honneurs… C’est donnant-donnant…

- Je t’aime mon Loulou, comme j’ai jamais aimé personne, t’es une personne magnifique, t’es gentil, marrant, attentionné, toujours à l'écoute, tu prends soin de moi, reconnaissant… Et surtout très très mignon…

- Je t’aime ma Chouchou, simplement parce que tu es toi-même quelles que soient les circonstances, tu m’as tendu la main quand j’en ai eu besoin, tu m’as écouté, soutenu, secoué quand il le fallait, tu prends soin de moi toi aussi, tu as su accepter mes difficultés, mon caractère de merde. Tu m’as fait vivre des moments magnifiques, et partager ta vie me rends tellement heureux.

J’ai encore tellement de choses à lui dire, mais nous sommes interrompus par la foule qui décompte une à une les dernières secondes de l’année.

- Bonne année ma puce, merveilleuse année, encore meilleure que la précédente…

- Bonne année mon bébé, je suis si heureuse de terminer celle-là dans tes bras et d’en commencer une nouvelle à tes côtés…

Nous unissons nos lèvres gelées, je retrouve la douceur et la chaleur de sa langue qui caresse langoureusement la mienne, les frissons qui me parcourent à ce moment-là sont une nouvelle preuve de la puissance de mon amour pour elle. Elle vient se blottir au creux de mes bras, pose une joue sur ma poitrine, pendant que je continue à lui murmurer des mots tendres, emporté par l’émotion.

- Mon cœur, suis-moi…

- Tu veux aller où encore…

- Suis-moi, c’est une surprise…

Elle nous éloigne encore un peu plus de la foule et du tumulte, pour nous retrouver seuls.

T’as du feu?

- Pour quoi faire?

- J’ai pensé qu’on pourrait s’en fumer un petit… Juste pour bien commencer l’année…

- T'abuses…

- Je déconne, c’est bon!!! Tiens, je me suis dit qu’on pourrait juste allumer une petite bougie pour Cécilia, pour lui montrer qu’on pense à elle…

Pendant que j'essaye de me remobiliser, elle a tracé son prénom dans la neige.

- Ma chérie… Je… Merci d’y avoir pensé… Tu… C’est…

Son geste me touche profondément, j’avais pensé à allumer une bougie en quittant le studio, sur la terrasse, mais ce qu’elle fait a ce moment-là, ça en est trop pour moi, et je ne sais comment la remercier…

Tiens mon briquet, à toi l’honneur…

- A toi petite étoile qui brille tout là-haut, continue à veiller sur nous tous, sur ta maman, sur Louis… Encore merci de me l’avoir confié, je fais de mon mieux pour qu’il soit heureux… Mais c’est pas simple tu sais… J’aimerai que tu viennes un peu lui tirer les oreilles de temps en temps, histoire de le remettre dans le droit chemin… A bientôt Cécilia… Je te le laisse un moment…

Elle s’est juste éloignée de quelques mètres, me laissant seul, en tête à tête avec la bougie.

- Mon étoile… Je suis ému ce soir, mais pas triste, simplement nostalgique, ça m’a rappelé notre soirée en boite, avec Emeline et les copains… J’espère que t’as apprécié le geste, moi, j’en suis tout retourné… Elle accepte notre histoire tellement facilement, comme une évidence… Tu me manques ma petite puce… Continue à veiller sur nous tous, comme tu le fais depuis que tu es partie, sois notre ange gardien, prends soin de nous… Je t’aime Cécilia, quoi qu’il arrive je t’aimerais toujours, peut-être pas comme on aime celle qui partage sa vie, mais comme une petite sœur… Je t’oublierais jamais, quoi qu’il arrive, tu seras toujours dans un coin de mon cœur… Je t’aime…

Je me suis assis dans la neige, la bougie entre mes genoux et j’ai laissé couler les larmes, ces larmes qui me brûlaient les yeux autrefois, et qui aujourd’hui me soulagent. J’ai entendu des pas crisser dans la neige, Charlène est venue s’installer derrière moi, m’entourant de ses bras, et me tendant le joint qu’elle cachait dans sa poche.

- Tu plaisantais pas toute à l’heure alors?

- Non…

- Tu sais que…

- C’est bon… Une fois en passant…

- Si tu m’obliges… Je peux pas refuser…

Nous avons fumé en silence, ensuite, nous avons laissé la petite bougie se consumer pour retourner danser avec nos amis habités d’une certaine légèreté. Nous nous sommes déhanchés l’un contre l’autre jusqu'à ce que nos jambes ne suivent plus le rythme, et après quelques heures de sommeil, nous avons retrouvé Caro et Patrick pour déguster la délicieuse soupe à l'oignon traditionnelle du jour de l’an avant de faire une rapide escale chez nous puis chez mes parents et de tailler la route jusqu’à Aix.