Le verdict, et les remèdes…

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Le reste de la semaine, le rituel est toujours le même, le matin activités avec le groupe, repas, chorale improvisée avec les volontaires, et séances avec Magali dans le parc.

Elle avait mis des mots, un nom sur mon plus gros problème et me l’a annoncé le jeudi, à la fin de la séance : Hypersensibilité empathique.

- Mais c’est quoi ce truc ? Comment j’ai chopé ça ?

- C’est pas une maladie, tu es né comme ça, c’est ta nature… Je vais essayer de t’expliquer simplement les choses pour que tu puisses comprendre: L’hypersensibilité c’est être sensible de façon très intense aux impressions, émotions, sentiments, intuitions. Pour certains c’est les lumières, les bruits, les odeurs qui vont les déranger, pour d’autres, ce sera plus au niveau émotionnel, avec des émotions très fortes, un peu comme toi, d’autres encore vont avoir beaucoup d’idées, des pensées ininterrompues. Mais on peut être hypersensible sans être empathique. Alors que l’hyper-empathique, ce que tu es, à-priori, est forcément hypersensible. Il a donc, en plus, une très forte empathie, ce qui le rend très sensible à ses émotions mais aussi à celles des autres, à leurs souffrances…

- Je me souviens pas avoir été comme ça avant… J’étais normal…

- Tu l’es toujours Louis, normal, rien n’a changé, mais la perte de Cécilia a débloqué cette hyperempathie, enfant tu t’étais fabriqué une armure sans même t’en rendre compte, grâce à l'expérience de la vie, tu avais enfoui ça au fond de toi… Mais à un moment tes émotions ont besoin de sortir et prennent le dessus, le déclic tu l’as eu là… Tu peux très bien vivre avec, faut juste que tu fasses attention que tu apprennes à gérer ces émotions…

- Ou que je me crée une nouvelle armure…

- Non, surtout pas, ça va te ronger de l’intérieur, faut que tu acceptes de ressentir tes émotions et celles des autres. La première chose est de bien faire le tri entre l’émotion qui vient de toi et celle qui vient des autres. Si tu rentres dans un endroit en super forme, et qu’en sortant tu te sens mal à l’aise… C’est le signe que quelque chose s’est passé et cela ne vient pas de toi. La deuxième chose est de faire attention à ne pas te laisser gagner par la négativité. Des gens sont râleurs, d’autres broient du noir, se plaignent… Tu pourrais vite être pris dans la contagion émotionnelle. Face à ce genre de personnes, il ne faut pas entrer dans le jeu. Une fois qu’ils ont vidé leur sac, tu quittes la pièce ou tu changes de sujet. Tu peux aussi, ce que tu fais déjà avec ta guitare, te créer une bulle dans laquelle tu te sens suffisamment protégé, un coin avec des photos qui te plaisent, une plante verte, une goutte d’huile essentielle sur les poignets…

- Si j’ai bien compris, je dois faire gaffe au gens que je fréquente ?

- Pas forcément, plutôt faire attention à leurs émotions, si elles sont plutôt négatives, tu dois arriver à t'en rendre compte et à prendre de la distance, pas physiquement, mais mentalement, essayer de ne pas te laisser envahir par ces émotions… Et surtout pense à faire le tri…

- Compliqué quand même… Mais j’ai pas le choix si j’ai bien compris…

- Tu es quelqu’un d’entier Louis, une belle personne, tu vis tes émotions à fond et c’est beau, maintenant il faut juste que tu acceptes de pleurer quand tu en a envie, de hurler quand tu n’en peux plus, d’aller cogner ou te dépenser si tu sens que ça va te soulager, comme de rire si tu en as envie, de sourire si tu te sens heureux… Ce n’est pas une question de négativité ou de positivité, mais d’émotions, souviens-t-en…

Après le diagnostic il faut trouver le bon remède, j’en ai déjà une partie avec Mélodie pour la partie mentale, concentration, réflexion, je dois maintenant trouver une activité physique pour extérioriser mes émotions, me dépenser, et faire le vide dans ma tête en faisant du bien à mon corps…

Je sais que la course à pied, ou les sports qui s’en rapprochent, sont trop contraignants pour mon tibia, encore fragile, le risque de rechute est trop élevé et ça ne me tente pas du tout.

La natation ? Beurk, l’eau c’est bon pour les poissons, ou pour se prélasser, faire des longueurs dans une piscine ou tourner dans un bocal, c’est la même chose. Les sports de rame, sur un lac, me plairaient, le calme, au contact de la nature, mais c’est beaucoup trop compliqué à organiser, il faut de l’équipement, une embarcation…

- Bon, mon Lou, on file ?

- J’arrive ma puce…

Je récupère mes affaires et rejoint Charlène.

Dis- moi, tu me trouve si sensible que ça ?

- Physiquement ou émotionnellement ?

- Physiquement je le sais, je suis un mec…

- Sous ta carapace, je dirais que oui… Mais c’est mignon… Tu te soucies toujours des autres, tu t’inquiètes pour moi, tu veux toujours rendre les gens heureux… Je trouve ça touchant…

- Mouais… Ça fait un peu gonzesse… C’est chiant à la fin…

- Mais non… Moi ça me plait… T’es toujours attentionné avec les gens, toujours là pour eux… Regarde avec Cécilia, si t’avais pas été aussi sensible, t’en aurais rien eu à foutre de ses problèmes… Vous auriez jamais vécu cette histoire…

- Peut-être que ça aurait été mieux ainsi…

- Et on se serait pas rencontré, on serait pas là à discuter tous les deux… Notre aventure… Ça te fait rien ?

- J’y ai pas pensé comme ça… Oublies ce que je viens de dire… C’est une bonne chose, finalement, cette hypersensibilité empathique…

- Ok, je comprends mieux le sujet de cette discussion… C’est pas grave ça… Ça se soigne pas vraiment, mais y’a plein de solutions pour la gérer… Je vais t’aider, je suis là pour ça…

- T’es pas obligée, je peux y arriver tout seul…

- Certainement… T’es fort… Mais à deux ce sera plus facile… Si tu acceptes de m’en parler quand ça va pas…

- On va essayer… Faut juste que je trouve un moyen pour me défouler…

- Toi ??? Du sport ??? C’est nouveau ???

Elle éclate de rire, et pourtant cette gentille moquerie ne m’atteint pas… Je rentre immédiatement dans son jeu et la conversation devient plus légère…

- J’ai pas vraiment le choix… Et puis, ça peut pas me faire de mal… Non ?

- Si en plus d’être aussi prévenant, gentil et charmant, tu deviens sportif, je vais devoir t’attacher pour pas qu’une autre te mette le grappin dessus… J’ai du souci à me faire…

- C’est vrai que je pourrais me laisser tenter par une grande blonde aux yeux bleus… Ça complétera ma collection…

- Connard…

- Bébé… Je vois pas comment je pourrais… T’as pris trop d’importance dans ma vie… Pourquoi je serai tenté d’aller voir ailleurs ?

- T’es un mec…

- Pas comme les autres…

- C’est vrai… Excuse-moi…

- T’as pas à t'excuser… Je comprends… Je suis dans le même cas… J’ai toujours peur de te voir partir avec une blondasse…

- T’es con mon chéri…

- Non juste amoureux de toi…

C’est un baiser fougueux qui met fin à la conversation, et me laisse une nouvelle fois pantois de bonheur.

‘Putain mais qu’est-ce que je l’aime cette fille…’

Comme tous les soirs de la semaine, c’est atelier musique pour moi, et atelier psycho pour elle, comme tous les soirs nous poussons la chansonnette pour l’apéro, comme tous les soirs on partage un moment sous les étoiles après le repas sur la terrasse et comme tous les soirs, nous nous endormons enlacés…

‘Merde, on vit déjà dans la routine d’une vie de couple… Comme deux vieux… J’ai dix-sept ans, je devrais m’éclater avec mes potes, rencontrer des filles, coucher à droite et à gauche… Mais j’en ai pas envie du tout, ça m’intéresse pas, tout ça…'

Je me réveille encore dérangé par ces pensées qui m’ont tourmenté une bonne partie de la nuit, courte nuit pour moi, et pourtant, lorsque je me glisse sous la douche, je suis plutôt de bonne humeur j’ai enfin quelques réponses aux questions que je me pose sur mon état psychologique, je sais ce qui m’arrive, et surtout je sais comment lutter. Lorsque Charlène rentre, je l’embrasse tendrement, elle ne m’a pas manqué ce matin, en tout cas moins que d’habitude, et ma bonne humeur l’étonne.

-Coucou mon amour, bien dormi ?

- Bof, mais c’est pas grave. J’ai réfléchi à plein de trucs, faudra qu’on en parle ce soir… Et puis, je pense que savoir quel est mon problème m’a soulagé… Allez, file te doucher…

- T’es sûr que ça va ?

- Impeccable, t’inquiète pas. Moralement du moins…

- Bon j’y vais…

Lorsqu’elle sort, elle a coiffé sa jolie chevelure couleur de feu en deux tresses, plaquées de chaque côté de sa tête, qui lui donnent un air candide tellement craquant, ses deux prunelles vertes me fixent et essaient de deviner ce qui me trotte dans la tête. Elle est habillée de sa jupe plissée noire, et d’un chemisier vert faisant ressortir ses magnifiques yeux. La lutte est inégale, et son immense sourire rend les choses encore plus compliquées, mais je ne lâche pas, m’attelant à préparer le petit déjeuner en lui tournant le dos. Lorsque je la rejoins sur la terrasse, je constate qu’elle s’est également légerement maquillée, rien de très sophistiqué mais cela lui fait un visage de poupée tellement adorable.

- Tu es superbe mon amour, ça te va bien le maquillage, la coiffure et puis ta tenue.

- Merci, je savais que ça te plairait…

- C’est juste pour moi ? J’ai cru que c’était pour ton amant…

- Ah non, lui il me préfère nue et avec une queue de cheval, il trouve que c’est plus …

- Pratique pour la levrette ? C’est vrai que c’est bien la queue de cheval pour ça, mais je trouve que les couettes offrent une meilleure prise, un meilleur équilibre…

- Cochon !!!

- Tu me provoques, je réponds… Et arrête d’essayer de lire en moi, ou de me faire craquer, je t’ai dit ce soir, donc je craquerais pas…

- C’est chiant…

- Sinon, je me suis rendu compte d’un truc : on vit vraiment comme des vieux, on sort pas, pas de potes, pas de soirées... Ça me perturbe… Merde, on n’a même pas vingt ans… Tu connais personne ici ?

- Heu si, moi bientôt vingt ans…

- C’est bon, je sais…

- Je croyais que ça te plaisais, je voulais pas t’imposer des choses, des gens plus âgés, des étrangers… Je savais pas si tu te sentais prêt…

- Arrêtes de penser qu’à moi, fais comme lundi matin, vis pour toi aussi, je te l’ai dit. Si j’ai pas envie, je participe pas, mais je veux pas que tu te prives de vivre pour moi et j’ai besoin de voir du monde, de sortir, de rencontrer des gens, ça me fera du bien…

- Je sais, mais je suis si bien seule avec toi… Bon, le weekend prochain on se fait ça, je vais les appeler, je vais me faire engueuler, mais ça leur fera plaisir…

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