Après cette première nuit pleine de doute et de découvertes, où le sommeil m’avait fui, terminée dans le même lit, nous nous étions rapprochés un peu plus encore, et au final le programme avait été repoussé au lendemain, lorsque nous nous étions réveillés fourbus et encore fatigués de cette mauvaise nuit.

Lorsqu’elle avait mis le nez dans le placard pour ranger ses affaires et qu’elle avait vu le contenu de ma valise, elle avait rapidement compris que je n’étais pas équipé pour la montagne. Nous avons donc passé la journée de jeudi à flâner dans les magasins afin de m’équiper convenablement, bermudas, chaussures de marche, sac à dos, gourde, petit matériel de camping, et de remplir les placards du studio de nourriture.

Nous avons convenu tacitement de laisser les choses suivre leur cours en ce qui concerne notre relation, quelques baisers, quelques gestes tendres, par-ci par-là. Je me sentais mieux à chaque heure qui passait, Charlène me maternait un peu trop à mon goût, mais ça avait des avantages.

Le vendredi, la pluie a contrecarré nos plans, et nous avons décidé de passer la journée au centre avec les autres résidents. J’avais pris Mélo avec moi et ne la quittait pas, après le repas je n’ai pas résisté à l’envie de partager mon talent de musicien et je me suis installé devant eux avec la boule au ventre.

C’est la première fois que je joue devant des inconnus, un public aussi nombreux et j’avoue que leur enthousiasme m’a rapidement aidé à me détendre. Une nouvelle fois, Mélodie fait des merveilles, j’ai joué une grande partie des morceaux les yeux fermés, me laissant guider par sa belle âme. Charlène s’était installée un peu à l’écart au fond de la grande salle, la sensation de son regard fixé sur moi tout au long de l’intermède me provoque des vagues de frissons, et à la fin de ce moment musical, lorsqu’ils ont voulu m’applaudir, je les ai stoppés net d’un geste de la main.

« - C’est à moi de vous remercier de m’avoir écouté. Vous comprendrez l’importance de ce moment pour moi en faisant ma connaissance, en apprenant mon histoire. Merci à tous pour votre attention, on se retrouve lundi… »

J’ai croisé le regard de Cha au moment où je me suis levé, ses jolis yeux verts brillaient sans que je ne comprenne vraiment pourquoi. Puis elle s’est approchée de moi en courant, attrapant mon bras au moment où je posais Mélo, m’entrainant vers le parc, à l’extérieur, où il pleut encore, ce qui n’a pas l’air de la déranger.

Une fois arrivés près du banc où nous nous sommes installés la dernière fois, elle relâche son étreinte et vient se plaquer contre moi. Ses lèvres sont venues prendre les miennes, forçant le passage avec sa langue, que j’ai découverte pour la première fois. J’ai suivi le mouvement par instinct, goûtant avec plaisir à ce moment intense.

Lorsqu’elle a mis fin à notre premier vrai baiser, je suis resté figé sur place, assommé par ce tourbillon d’émotions qui venait de s’emparer de moi…

« - Loulou ? Mon cœur ?

- Hein ? Quoi ?

- C’est moi…

- Il s’est passé quoi là ?

- Je… Désolée… Je…

- Putain… Mais t’es malade de faire des choses comme ça… Ça va pas bien ?

- Excuse-moi… J’ai pas géré…

- T’excuse pas en fait… C’était… Trop bien… Mais pourquoi ?

- Je sais pas… Ce que tu viens de leur offrir, ce que tu leur as dit, te voir jouer comme ça, avec tes tripes… Tu m’as fait craquer…

- Mais j’ai rien fait de spécial… J’ai juste suivi mon instinct, comme tu me l’as demandé…

- Embrasse-moi encore… »

De nouveau j’ai retrouvé le goût sucré de ses lèvres, et nos langues ont repris leur danse langoureuse dans un long baiser. Elle s’est encore serrée un peu plus contre moi, j’ai senti sa poitrine s’écraser contre la mienne, son bassin se coller au mien provoquant cette fois une vague de décharges électriques dans tout mon corps, faisant vibrer le sien à l’unisson. Nous nous sommes assis sur le banc trempé, mon regard s’est perdu dans le vide, tandis que je tente de reprendre mes esprits, surpris par la vague d’émotion qui me submerge.

‘ Waouh… Enfin… Merde… Si j’avais su… Mais Cess… Non… Oublie ça… C’est pas le moment…Profite encore…’

Nous nous regardons, dégoulinants et trempés, un immense sourire de bonheur s’affiche sur son visage, ses yeux sourient eux aussi, alors que des larmes de bonheur dégoulinent le long de mes joues. Plusieurs mois que je n’avais rien ressenti de tel, je ne me souvenais plus du bien que ça pouvait faire, de sentir un corps contre le mien, de sentir la douceur d’un baiser, de recevoir autant de tendresse en si peu de temps.

« - Pourquoi tu pleures ?

- Je pleure pas… Enfin si… Mais c’est… Pas de la tristesse… C’est juste les émotions… Merci Chou… C’était juste… Magnifique…

- Ne me remercie pas, je crois que j’en avais encore plus envie que toi… Si tu savais ce que ça a été dur depuis deux semaines… Je doute de moi… Mais je crois que…

- Chut… N’en dis pas plus… Je comprends, t’as pas besoin de te justifier à chaque fois…

- Bon, on va rentrer ? T’en pense quoi ?

- Je suis d’accord, mais je suis pas sûr d’arriver à tenir sur mes jambes… Je me sens tout flagada…

- Allez, viens… »

On s’est levé, je suis allé récupérer ma guitare, puis je l’ai rejoint à sa voiture, j’en ai profité pour la regarder encore, alors qu’un rayon de soleil perçait entre les nuages, ses cheveux trempés ondulaient, reflétant les rayons du soleil qui illuminait son regard si mystérieux, je sentais qu’elle m’observait encore.