Nuit de doute…

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Deux heures que je cogite, allongé sur le clic-clac, deux heures que le poisson rouge tourne en rond dans son bocal, je ressasse encore mon histoire, comme souvent après une journée heureuse.

Dans ces cas-là je connais la solution, j’ai ce qu’il faut dans mon sac à dos, mais j’hésite, je suis ici pour guérir, pour me sevrer.

‘ En fait c’est surtout parce que Chacha le prendrait mal si elle s’en rendait compte…’

Je traîne encore quelques minutes, tournant et retournant sur le matelas, cherchant une position pour arriver à m’endormir, mais rien n’y fait, et je me résous finalement à me lever. Discrètement, j’enfile un pantalon et une veste, les nuits sont fraîches ici, j’attrape mon sac à dos, la photo, et sors sur la terrasse. Installé sur mon transat, j’allume une cigarette en observant le paysage, les crêtes se dessinent dans la lumière de la lune, puis mon regard se porte sur les étoiles, et les larmes montent immédiatement, je n’essaye toujours pas de les retenir, je les laisse couler en repensant à cette soirée d’octobre.

« - Cess ??? T’es là ??? Où t’es cachée ??? »

Je la cherche au milieu de ces milliers d’astres brillants, je sais qu’elle est là-haut, qu’elle veille sur moi depuis sa nouvelle demeure. J’aimerais qu’elle soit à mes côtés à ce moment précis, que nous profitions encore de la douceur de la nuit, ensemble une nouvelle fois, pour discuter comme nous l’avions fait, ou simplement pour aprécier le silence qui nous entoure.

Le bruit de la porte me fait sursauter, mais je ne bouge pas, je reste perdu dans ma contemplation de la voûte céleste.

« - Lou ? Ça va ?

- …

- Lou ?

- Pas trop… Ça va passer ne t’inquiètes pas… Retourne te coucher…

- Tu ressasses le passé ?

- J’arrive pas à dormir, je cogite trop, alors je suis sorti pour pas te déranger. La nuit… Les étoiles… Je repense au premier jour où je l’ai rencontré… Pendant la soirée j’étais sorti pour fumer une clope, et fuir la séance de slows… Elle était venue me prendre par le bras pour m’accompagner… On s’était installé sur des transats, au bord de la piscine, on avait discuté puis on avait contemplé les étoiles… J’avais partagé ce que je savais… C’était notre premier contact, notre première discussion… C’est là qu’on s’était vraiment rapproché… Qu’elle m’avait fait craquer… Cha… J’ai vraiment mal ce soir…

- Fait voir… Vous êtes super beaux tous les deux sur cette photo…

- Tu parles… On est juste en train de dormir… C’était le jour où je l’ai rencontré… Chez Sarah… Après la soirée…

- Je sais pas, vous avez l’air tellement paisible, sereins… Heureux… Vous allez vraiment bien ensemble…

- ON ALLAIT !!!

- Pardon… Je voulais pas…

- Non c’est moi… Désolé… »

Elle est venue s’installer entre mes jambes, comme l’avait fait Cess ce soir-là, alors je me suis redressé. Mais cette fois, c’est moi qui en avait besoin, c’est elle qui a pris mon menton pour capter mon regard, c’est elle qui a plongé ses yeux dans les miens, comme je l’avais fait quelques mois plus tôt.

« - Lou… C’est normal… Tes souvenirs remontent à la surface, laisse-les venir, laisse les larmes couler. Essaye juste de te rappeler du bonheur que tu as ressenti dans ces moment-là… Concentre-toi sur le positif… Il faut que tu gardes, enfouis au fond de toi, les mauvais moments du passé… Que tu te fixes sur les bons souvenirs… Mais surtout, laisse couler les larmes quand elles viennent, ne lutte pas… »

Je suis resté plongé dans ses yeux, je me suis répété ce qu’elle venait de me dire, comme une rengaine, essayant d’imprimer ces mots dans ma mémoire pour les avoir sous la main en cas de besoin.

« - Cha… Excuse-moi pour ce que je vais faire… Si tu t’en vas, je comprendrai… »

Sans lui laisser le temps de réagir, j’attrape mon sac, prends ma boite à l’intérieur, et roule un joint, je crois qu’elle a compris que c’était la dernière solution pour moi, que j’avais lutté jusqu’à maintenant contre l’envie, contre le besoin, mais que j’avais plus le choix…

La première bouffée provoque un énorme soulagement, j’ai senti une vague de bien-être me parcourir le corps, et toute la tension s’est immédiatement dissipée. Elle me regarde fumer, un peu contrariée au début, puis son visage s’est soudainement adouci.

« - Putain, je sais que je devrais pas… Je t’avais promis…

- Moi non plus je devrais pas… Vas-y fais tourner…

- …

- C’est bon fait pas c’te tête… Tu crois que quoi ? Que je suis une sainte ? Que j’ai jamais touché à ça ? Je suis allé au lycée comme tout le monde… Donne…

- Tiens…

- Putain, elle est bonne en plus…

- C’est pas parce que c’est de la merde, que ça doit être dégueu… »

On fume tous les deux, en se dévisageant à chaque latte, je me sens mieux maintenant, passer ce genre de moment avec quelqu’un que j’apprécie, ça me fait du bien.

Quand je me lève pour aller écraser le mégot dans le cendrier, je sens son regard se poser sur moi, je me retourne, la fixant avec un regard curieux. Elle s’est immédiatement défilée, faisant mine de regarder dans le vide, alors j’ai continué mon chemin, puis je suis revenu m’installer à ses côtés.

J’ai repris ma place derrière elle, alors qu’elle s’est tournée, j’ai passé tendrement mes bras autour de son corps, ma tête s’est posée sur son dos, je l’ai senti frissonner et j’ai fermé les yeux…

‘Est-ce que c’est le froid… L’herbe qu’on vient de fumer… Ou bien mon geste… Peu importe… Je suis si bien là…’

Je retrouve un peu de sérénité, je fais comme elle m’a dit, je me remémore ces moments heureux passés avec Cécilia où, dans cette position, j’entendais son cœur battre, sa respiration apaisée, et je retrouve cette sensation avec Charlène. Sauf que là, son cœur bat de plus en plus vite, sa respiration s’accélère, imperceptiblement, lorsque je resserre légèrement mon étreinte.

« - Chouchou, ça va ?

- T’en doutes ?

- En fait ouais… J’ai un peu de mal à te cerner depuis ce matin… J’arrive pas à comprendre ce que tu veux… Tu m’as fait la morale pour mes conneries, mais on a bu et on a fumé ensemble, alors que tu semblais tellement réticente à tout ça, tu me prends la main, tu m’embrasse mais immédiatement après, plus rien, quand j’ai bloqué sur ta poitrine, tu m’as envoyé balader et de suite après t’as prétexté une plaisanterie…

- Je suis mes envies sur le moment, mais je veux pas te braquer ou te forcer, t’es tellement fragile que j’ai peur de te faire du mal, j’ai peur d’aller trop vite pour toi… Et pour moi… Puis mon père m’a prévenu, il a compris que t’étais pas juste un pote, il est pas contre mais il veut qu’on soit discrets surtout au centre.

- Tu sembles si sûre de toi pourtant, si forte, je pensais pas que tu doutais à ce point… Je comprends mieux maintenant. Et pour ce matin, quand t’es venue me chercher… Je voulais pas te mettre mal à l’aise, mais j’ai juste suivi mon instinct…

- Ça m’a fait plaisir en fait, que tu prennes l’initiative, et c’était pas désagréable… Un peu comme ce que tu fais avec ta main… »

Par habitude, j’avais commencé à caresser tendrement son ventre, sans m’en rendre compte, mais si elle trouve ça agréable…

« - On retourne dormir un peu, dans deux heures il fait jour… Et vu le programme de la journée…

- T’as raison, je pense que je vais arriver à dormir un peu maintenant… Merci ma belle…

- Ma belle ??? Tu te lâche là…

- Chut… »

On est rentré dans le studio, je suis allé me servir un verre d’eau et lorsque je suis retourné pour aller m’allonger, elle s’était installée sur le clic-clac. Je l’ai rejoint, sans un mot, je me suis couché à ses côtés, elle est venue se blottir dans mes bras, posant la tête sur mon torse, j’ai juste fermé les yeux pour glisser dans un profond sommeil.

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