Début de résurrection…

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Nous regagnons sa voiture main dans la main, sans un mot, mes pensées embrouillées par sa déclaration, par ses aveux, par mon indécision. Charlène avance la tête haute, ses yeux d’émeraude fixés sur l’horizon, sa démarche assurée, elle paraît si confiante, comme à son habitude, la brise légère de fin d’après-midi caressant sa chevelure fauve. Elle est si belle lorsqu’elle affiche cette attitude, la douce lumière du soleil illumine son visage, y faisant ressortir ses taches de rousseur.

Nous sommes retournés au studio, pour nous installer. C'était une petite remise qui avait été retapée et aménagée, pas besoin d’une longue visite, une pièce à vivre unique, un immense placard pour nos affaires, et une salle d’eau. Un grand lit mezzanine occupait un côté de la pièce, un canapé clic-clac en dessous, une table basse, la télé fixée au mur d'en face au-dessus d’un buffet en bois, un petit coin cuisine. A l’extérieur une terrasse avec vue sur les montagnes, un petit jardin coupé du vis-à-vis par une haie fournie, deux chaises, une petite table et deux transats.

J’ai immédiatement ouvert ma valise, et j’ai sorti le petit cadre avec notre photo puis je suis allé m’affaler sur un des deux transats, hypnotisé par la vue sur les montagnes, fasciné par le paysage et le calme. Il n’y avait aucun bruit en dehors de ceux de la nature: le chant des oiseaux, le bruissement de la brise dans les branches, j’ai alors senti la présence de Charlène derrière moi, mais je n’ai pas bougé, j’ai immaginé son regard perdu comme le mien. Seules nos respirations troublaient cette quiétude.

« - Loulou ? T’es avec moi ?

- Ouais t’inquiète pas… Je profite juste de la vue et du calme…

- Je vais prendre une douche… Si tu veux…

- Arrête d’insister… Je suis pas encore prêt…

- A quoi tu penses ? Je te propose juste de ranger tes affaires… T’espérais pas venir te doucher avec moi quand même?

- Désolé Chouchou, je… Enfin… Non… Laisse tomber… Je vais m’en occuper…

- T’as un problème avec moi ?

Elle s’est installée sur le transat à côté de moi.

- Non, pas vraiment… C’est juste que… Je sais pas… Ce que tu veux… Ce que je veux…

- Loulou, arrête de te prendre la tête…

- Je me prends pas la tête… C’est la première fois depuis dix mois que je suis si proche de quelqu’un… D’une fille… Et… Je sais plus… Déchiffrer… Et ça me rappelle plein de choses… Difficiles…

- C’est pour ça que t’es là… Pour guérir… J’ai bien compris le problème… Mais arrête de croire que je suis en train de te faire des avances à chaque fois… De détourner mes propos…

-… »

J’ai senti les larmes monter, j’ai préféré ne pas répondre, je ne voulais pas exploser devant elle aujourd’hui, pas maintenant. Je pense qu’elle a compris mon silence, elle s’est levée, et m’a laissé pleurer, seul, devant ce paysage de carte postale.

‘ Ma petite étoile, aide moi s’il te plait, je sais pas où j’en suis, ce que je dois faire avec Cha, tu sais, elle me plait vraiment, et je pense que c’est réciproque. Mais t’es toujours dans mon cœur, je t’aime toujours malgré le temps qui passe, et je veux pas te trahir… Parle-moi… Dis-moi ce que je dois faire…’

J’ai laissé passer l’orage émotionnel qui me tourmentait, puis j’ai décidé d’aller ranger mes affaires, histoire de me changer les idées, j’ai rempli les étagères au hasard, laissant un maximum de place pour que Charlène range les siennes, puis j’ai attrapé Mélo et je suis retourné dehors.

J’ai laissé mes doigts courir au hasard sur les cordes, perdu dans mes pensées.

« - T’en penses quoi toi de Charlène ? »

Mes doigts continuent de virevolter au hasard, je comprends bien sa réponse.

« - Ouais, si tu veux, mais bon… Cécilia… Tu comprends bien que je peux pas la laisser de côté comme ça…»

Doing !!!!

« - Tu l’aimais bien toi aussi… On peut pas l’abandonner comme ça… »

Chdong !!!

« - Pour Chacha tu penses qu’on pourrait ? Que Cess serait d’accord ? »

« - T’es sérieuse ? »

« - Bon, je vais voir… Si tu penses que ça peut le faire… Je te fais confiance… »

De nouveau mes doigts volent sur le manche, les cordes résonnent comme elles ne l’avaient pas fait depuis des mois…

« - C’est bon, arrêtes ton cirque Loulou… T’es ridicule…

Je me retourne, surpris, pour la dévisager. Elle a les cheveux enroulés dans une serviette, elle porte un simple short en coton violet et un débardeur de la même couleur.

- Tu tombes bien toi… Viens t'asseoir ici…

Elle s’installe en face de moi, j’ai du mal à détacher mon regard de sa poitrine qui balance sous son haut, je vois pointer ses seins, je devine leur forme. Il faut dire que de ce côté-là elle est plutôt bien avantagée.

- Lève les yeux !!! Mon visage est plus haut…

J’ai dû virer à l’écarlate…

- Pardon Chou, excuse-moi, mais…

- C’est bon, je déconne…

- C’est pas drôle… Bon, t’as déjà touché une guitare ?

- Jamais…

- C’est pas gagné, mais je vais tenter un truc, comme ça tu comprendras… Tiens…

- Tu joues à quoi ?

- Laisse-moi faire. Attrape là…

- Brrr… C’est quoi ce truc ?

- Une guitare pourquoi…

- J’ai eu un frisson bizarre… Donne…

- C’est le premier contact… Elle s’est connectée avec toi… Non pas comme ça… La hanche de la caisse sur ta cuisse gauche… Voilà… Ta main gauche en haut du manche… C’est bien… Et ton poignet droit tout mou… Super…

- C’est pas si compliqué en fait…

- Attends… Alors, maintenant tu caresses les cordes avec ton pouce… De haut en bas… Voilà… Maintenant prends mon médiator, tu le coince entre le pouce et l’index, et tu grattes de haut en bas puis de bas en haut… Super… Bon je file me laver, entraîne-toi, amuse-toi, essaie de déplacer tes doigts sur le manche, sur les cordes et vois ce que ça donne… »

Je ne suis pas parti depuis vingt secondes que j’entends Mélo couiner et gémir. Elle est géniale cette guitare, rebelle et capricieuse…

Le jet d’eau fraîche me surprend au début mais il devient vite très agréable, le ruissellement sur ma peau entraîne avec lui toutes les tensions accumulées depuis le début de journée. Je traîne un peu sous l’eau histoire de laisser Chacha se battre avec Mélo un peu plus longtemps, la porte entrouverte me permet de les entendre se chamailler…

Je me sèche légèrement puis enfile un short et un t-shirt, avant d’aller les rejoindre…

« - Tiens, récupère ton bout de bois, ça me saoule ton truc…

- Tu abandonnes déjà ? J’espère que t’auras plus de patience avec moi…

Je jubile intérieurement mais rien ne parait sur mon visage…

Te décourages pas, essaye encore une fois…

Je me place juste dans son dos, corrige sa position et dépose un baiser sur son épaule.

- Tu fais chier… Mais merde… Pourquoi là j’y arrive…

- Je te l’ai dit, elle a une âme… Tu doutes d’elle, ça la contrarie et elle te le fait comprendre… Fais lui confiance et tu pourras jouer sans problèmes… Je suis là, elle le sent et elle te montre qu’elle est d’accord pour te laisser faire… Et même pour t’aider…

- Bon si tu veux… Je veux bien essayer de te croire… Tiens je te la rends…

- T’as prévu quoi pour bouffer ce soir ?

- Rien, on rejoint mes parents au resto…

- Merci de me prévenir avant…

- Désolée, je pensais te l’avoir dit… Et après on ira profiter de la soirée dans Briançon, je te ferai découvrir mon bled comme ça…

- Si tu veux, mais pas trop tard je suis crevé ce soir…

- J’imagine… On a rendez-vous à 19h, à Briançon. Inutile de te dire que c’est soirée sobre ce soir, donc pas une goutte d’alcool, au moins devant mon père…

- Si on part plus tôt, on peut aller boire un coup avant… J’ai vraiment envie d’une bonne bière bien fraîche…

- T’abuse là… T’es pas là pour picoler… Au contraire…

- S’il te plait ma Chouchou… Juste une petite mousse...

- Putain tu m’énerve quand tu fais ça, je peux pas te dire non…Tu le sais…

- Non, je le savais pas… Mais tu t’es grillée…

- On va se changer alors… Zou…»

Après une bonne bière dans un pub de la vieille ville nous rejoignons ses parents dans un restaurant dans la ville basse. Un restaurant de spécialités fromagères en plein mois de juillet, ce n’est pas la meilleure chose à faire, mais c’est sa mère qui a choisi, et je n'ai pas pu refuser. J’ai profité du repas pour faire plus ample connaissance avec ses parents. C’est ainsi que j’ai appris que sa mère, Carolina, était d’origine Italienne, une grande brune aux yeux noir de jais, avec ce délicieux accent transalpin, d’une gentillesse sans égal, et un sourire magnifique, le charme latin dans la splendeur de l’âge. Patrick était beaucoup plus détendu que dans l’après-midi, et j’ai découvert un homme plutôt sportif, aimant la nature, toujours aussi sympathique, et avec beaucoup d’humour. Ils ont eu la décence d’éviter de me questionner sur ma vie d’avant, me laissant me dévoiler au fil de la conversation.

Après le repas, nous avons flâné tous les quatre dans la vieille ville, je me suis surpris à laisser Cha me prendre la main, et à poser de temps en temps la tête sur mon épaule lorsque son père me racontait l’histoire de la ville.

Pour la première fois depuis ce qui me semblait une éternité je me suis senti vraiment heureux, détendu, bien tout simplement.

Après une petite heure de ballade, nous les avons quittés pour retourner au studio, j’ai remercié Caro et Patrick pour la soirée, pour leur accueil, pour leur sympathie.

Sur le trajet du retour, un silence apaisant règne dans l’habitacle où nous échangeons des regards complices alors qu’un immense sourire barre nos visages.

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