Joyeux anniversaire chéri

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Aujourd’hui, c’est l’anniversaire d’Alexandre. Il a 16 ans. Il souhaite le fêter comme tous nos amis, alors il m’invite moi, Anaïs, Yolanda et Ethan pour faire une petite fête dans la plus grande simplicité et en toute amitié.

Dès notre arrivée, nous nous retrouvons tous face à la télé pour faire un karaoké. Il n’est pas très animé au début, nous sommes tous un peu gêné. Mais nous faisons avec, car personne n’ose avouer à Alexandre que son jeu est nul. Ca lui plait tant qu’il serait déçu.

Mes affaires sont dans la chambre d’Alexandre. Etant donné que je ne vais pas tarder à avoir une nouvelle petite sœur, je dois aller voir mon téléphone portable assez régulièrement. Si ma mère accouche cet après midi, je rentre chez moi ce soir. Autrement, je dois à nouveau passer la nuit chez Alexandre. C’est le marché que j’ai conclu avec lui. Intérieurement, je prie pour que ma sœur arrive cette après midi car je ne me sens aucunement capable d’affronter de nouvelles violences faites à mon intimité. Ce serait la meilleure petite sœur au monde si elle décidait de pointer le bout de son nez aujourd’hui …

Je vais voir toutes les demi-heures si je n’ai pas de message. Hélas, à chaque fois, je trouve ma boite de réception vide. A chaque fois, Alexandre m’accompagne dans sa chambre. Lui, il doit sans doute prier pour que je ne reçoive pas de message venant de ma mère. Quand je prends mon portable, et l’allume, il en profite pour me toucher quelques parties intimes de mon corps. Si ça lui fait plaisir … Je le laisse faire, puis je retourne voir les autres comme si de rien n’était. En quelques heures on a dut répéter ce mouvement une bonne dizaine de fois. Je me dis que ça vaut la peine car ma petite sœur va arriver, et qu’au final, je rentrerais chez moi ce soir.

Je perds tout espoir lorsque ma mère me répond :

« T’inquiète, je n’accoucherais pas cette nuit, je n’ai presque pas de contraction. Reste chez ton copain et amuse-toi bien. A demain »

Quand je lis ce message, j’ai envie de pleurer alors qu’Alexandre fait la danse de la joie en face de moi. Je ne veux pas faire l’amour aujourd’hui. Je ne veux pas lui laisser mon corps alors que je ne le souhaite pas. Je ne veux pas qu’il me voit comme un simple bout de viande qui a des seins, de grosses fesses et un sexe plaisant à toutes utilisations. Je veux être plus que cela pour lui et pour les autres. Je veux être regardé de la même manière qu’Ethan regarde Agnès. Pas comme Ethan regarde un bout de gâteau au chocolat. Je veux qu’Alexandre me vois comme une femme qu’il se doit de respecter, et comme rien d’autre.

Lorsque je vois Anaïs et Yolanda partir, j’ai le cœur vraiment très gros. J’aimerais leur dire « Attendez les filles, je viens avec vous ! » Et partir loin de cette maison, loin de cette chambre, loin de cet homme, loin de ce cauchemar. Mais je me dois de rester. C’est mon devoir de petite amie.

L’heure du repas approche. Agnès est partie chez Ethan, la mère d’Alexandre travaille, son beau père est chez ses enfants. Nous nous retrouvons à table à trois : Alexandre, son père qui est de visite ce week end, et moi-même.

Son père, n’étant pas une étoile en cuisine, nous prépare uniquement des frites surgelées. Pour lui faire plaisir, j’en prends un peu. Alexandre me les tartine de ketchup, il sait que j’aime cette sauce, mais il ne sait pas que je l’évite depuis que je suis en surpoids. Sans me plaindre, je vide mon assiette. J’ai l’impression de ne pas avoir mangé pendant des lustres, et dès qu’une particule mangeable atterrit dans mon estomac, j’ai envie de manger tout ce qu’il se trouve sur mon passage pour le remplir. Mais je me stoppe quand il ne reste plus rien dans mon assiette. Autrement, je culpabiliserais à l’idée de tout ce que j’ai avalé ce soir.

Le père d’Alexandre semble fier de lui car il a réussi à me faire avaler quelque chose. Et c’est une chose que son ex femme n’a pas réussit à accomplir comme exploit.

Dès qu’on m’autorise à sortir de table, je me rends aux toilettes. Je vais aux toilettes et j’applique la magie infaillible pour maigrir sans que personne ne s’en rende compte. Je prends mon index et je me le fourre loin dans la gorge.

La première fois, je sens un liquide chaud me remonter le long de ma gorge, mais rien ne sort. Il me faut mettre mon doigt à plusieurs reprises dans ma gorge pour qu’enfin quelque chose daigne sortir. Je vomis tout ce que j’ai avalé. Ce n’est pas une technique très agréable, mais elle est utile pour que je perde un peu de poids. J’ai la gorge qui me brûle, et je sais que je ne devrais pas faire ça. Quand j’étais plus petite et que je faisais de la gym, je faisais exactement la même chose, et au final, ça m’a mené à terre. Pourtant, c’est la seule technique qui marche et que je connaisse pour perdre du poids. Alors même si je sais que c’est mal, je le fais quand même. Et tant pis de ce qu’on dira de moi.

Je me rends ensuite dans la salle de bain. Je me brosse les dents pour que l’odeur de vomis déguerpisse bien vite de ma bouche. Je me brosse les dents et observe mon visage à travers le miroir. J’ai l’impression d’avoir changé. Je ne sais pas quoi au juste mais quelque chose en moi m’est étranger. Et ce quelque chose, c’est mon propre corps. Je suis en train de me perdre moi-même. Il faut que ça cesse. Il faut que je me retrouve, il faut que je m’appartienne de nouveau avant qu’il ne soit trop tard ...

La porte grince. C’est à peine si je l’entends, c’est à peine si je le vois. Je ne vois que mon visage triste, lointain, inconnu. Je sens ses lèvres m’embrasser à l’antre de mon cou. Je sursaute, je prends conscience que nous sommes tous les deux dans la même pièce, qu’il n’y a plus personne avec nous pour nous surveiller. Mais avant qu’il ne puisse faire quoique ce soit, je le pousse. Il fait un pas en arrière et me demande ce qu’il me prend de le repousser ainsi :

-Ce qu’il me prend ? Mais tu ne le vois pas par toi-même ? Je me perds ! Je ne sais plus ce que je suis, j’ai l’impression que tu diriges ma vie, que mon corps n’est plus à moi, que je ne suis plus rien. Ce qu’il ne va pas, c’est que je suis mal. Je suis mal et je ne veux plus que tu me touche. Et s’il faut rompre pour que ce soit le cas, je le ferais.

J’ai l’impression que je vais faire une crise d’ici peu. Il faut que je me calme. J’essaie de retrouver mon souffle, j’essaie de me calmer, j’essaie de me dire que tout ira bien. Mais en voyant sa tête, je sais que rien n’ira bien. Il ne dit rien, je le vois aller fermer la porte à clé. Je n’agis pas. Je suis bien longue à la détente …

-J’en doute …

Les larmes me coulent à travers les joues. J’ai envie de le gifler, de prendre mes jambes à mon cou. J’ai envie d’être chez moi, au calme, sous ma couette avec mon nounours. Au moins, lui il m’aime et il ne me touche pas, il ne me fait pas de mal.

Alexandre s’approche du lecteur CD et l’allume en mettant le volume à fond. Les enceintes se mettent à hurler du métal, Bullet For My Valentines, le groupe de musique que je préfère en ce moment.

Enfin, il se tourne vers moi. Il me fait peur, je ne l’ai jamais vu ainsi. Ses yeux sont tellement noirs, ils ne me disent rien de bons.

-Laisse-moi. Je veux partir.

Je serais prête à le supplier, à me mettre à genoux à ces pieds pour qu’il me laisse partir, pour que je puisse me sauver de cette maison. Je serais prête à tout pour partir loin d’ici.

Il essaie de m’embrasser. De me tenir de part ces bras, mais je bouge tellement qu’il n’arrive pas à me tenir en place, à m’immobiliser. Pas aujourd’hui. Il n’y arrivera pas. Il ne m’aura pas.

-C’est mon anniversaire, je fais ce que je veux.

Et un coup de poing dans le nez. Ca calme tout de suite. Je me le touche, j’ai l’impression qu’il est cassé. Du sang coule. Je crois que je vais m’évanouir direct pour oublier ce terrible cauchemar. Je ne me débats plus mais … Bam, un second coup. Bam, bam, bam … Tout ça jusqu’à ce que je sois allongé sur le sol, jusqu’à ce que je ne trouve plus la force de bouger. J’ai mal partout. Combien de fois m’a-t-il frappé ? Je ne sais pas. Le temps semble s’éterniser. Les coups se multiplier.

J’ai envie de le repousser mais je n’en trouve plus la force. Il écrase mon corps sous le sien, il me déshabille sans que je puisse le retenir. Je ne peux pas crier. Et dire que son père est dans la salle juste à côté, il est si près de nous et il ne sait pas ce que son fils est en train de me faire endurer. Ma voix se mêle aux cris des chanteurs. Personne ne peut identifier ma voix, mon cri. Personne ne viendra à mon secours. Personne. Je pleure, mes larmes ne peuvent plus se retenir. Elles peuvent juste couler.

Je le vois, mais c’est comme si mon corps n’était pas là. Je vais peut être mourir sur le sol de cette salle de bain. Que dira maman quand elle verra mon cadavre ? Et Marc, quand on lui annoncera que plus jamais il ne verra sa grande sœur chérie ? Et le bébé, il ne m’aura jamais connu … J’ai envie de vivre. Vivre dans un monde meilleur, joyeux, heureux. Je pense que je mérite d’être heureuse. Je le pense sincèrement. Je pense aussi que je ne devrais pas être là, à recevoir tout ces cours et à subir l’excitation de mon petit ami. Je devrais être dans mon lit, à rêver de ma vie parfaite.

Il est sur moi, je le sens entrer et sortir en moi. Je m’imagine un magnifique ciel bleu, sans aucun nuage à l’horizon. Sa langue me lèche mes seins, mon ventre, chaque partie de mon corps avec volupté. Sous ce ciel d’un bleu parfait, je vois l’océan, l’océan qui est tout aussi bleu que mon ciel parfait. Il me pénètre n’importe où, j’ai envie de crier mais ma gorge est trop serré pour cela. Je me vois moi, vêtue d’une robe blanche, regardant mon océan. Son dar arrive jusqu’à mes lèvres, je crois que je vais vomir s’il continue ainsi sur sa lancée. J’avance dans la mer, jusqu’à ce qu’on n’aperçoive plus ma tête au dessus de l’eau. Il entre en moi avec toujours plus de force, ces mains m’agrippant les seins au point qu’il semble me les arracher. Je me débats pour retrouver la surface de l’eau, mais je ne vois plus rien si ce n’est le néant. Puis d’un seul coup, tout se calme. Il se vide en moi, et c’est fini. Je suis dans l’eau et là aussi ça se calme. J’ai retrouvé la surface, je suis inerte, je suis morte et en route pour un monde meilleur.

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