Mots et Moeurs d'un Bagnard
Cayenne,
Samedi 23 novembre 1874
Ma très chère amie, fantasme de mes nuits...
A ma première lettre je n'ai eu de toi qu'un amer sentiment d'oubli.
Alors je réitère et ne désespère...ici de l'autre côté de la Terre, tout va de travers. N'y a-t-il donc jamais d'Hiver!?! Dans nos cellules de plein air, le temps ne semble pas passer. Toujours bloqué sur cette saison unique composée de soleil brûlant et d'humidité. Ce que les gens d'ici appellent une averse, chez moi, serait qualifié de déluge du Père tout puissant. Ne sais-tu pas, qu'ici les chants des oiseaux nocturnes sont remplacés par des cris qui provoquent l'effroi, des frissons qui nous parcourent l'échine, nous laissant dans notre peur, notre torpeur...C'est à ce moment là, que ce que l'on considère comme les chaînes qui nous entravent, devient bouclier, nous protégeant de ces quelques heures, avant de redevenir maître de notre malheur...
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