Une étrange femme

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Des gratte-ciels de Namantes défilent à grande vitesse. Sur la surface de la vitre, se reflète le visage d’une femme d’âge mûr, aux cheveux noirs de jais et aux yeux bridés. Elle est vêtue d’une robe bleu marine en soie et très maquillée au point de ressembler à une poupée. Assise sur un siège dans le tramway, elle observe le paysage gris et terne d’un air pensif.

Soudain, une voix féminine (et monotone) la fait sursauter :

  • Pavillon Blanc... Pavillon Blanc.

La mystérieuse voyageuse se lève et marche jusqu’à la porte, en tenant son parapluie et son sac à main. Au moment où le tramway s’arrête, elle observe de l'autre côté de la vitre ; une domestique gynoïde garde trois enfants qui tapotent sur les écrans de leurs téléphones portables. Très hostile envers la technologie, l’étrangère secoue discrètement la tête.

Quand la porte s’ouvre, elle descend du tramway avec précaution, n’ayant pas l’habitude de marcher avec des talons hauts. En passant devant l'arrêt du tramway, elle entend l’un des enfants se moquer d’elle. L'étrangère ignore et continue de marcher tout droit. Une voiture la croise ; une vieille femme jette un regard curieux sur la mystérieuse femme. Bien que beaucoup de Nains et d’hommes-animaux viennent sur Dracula, il est rare que les Draculiens eux-mêmes voyagent d’un continent à l’autre. C'est d’ailleurs pourquoi certains Francs se demandent ce qu’un Quinois fait chez eux.

Enfin, elle arrive devant un bâtiment blanc. Le pavillon des Mousquetaires Tricolores. Construit dans un style simple mais charmant, sa peinture brille d'une blancheur douce sous la faible lumière des lunes. Dans le grand jardin, les pollens brillent comme des étoiles et leur parfum exquis rend l’atmosphère agréable. Derrière le portail en fer, un chemin en pavé mène tout droit vers la porte d’entrée.

La femme observe les lieux : elle aperçoit une caméra, avec son clignotant rouge et son gros œil inquisiteur. Malgré sa nervosité, l’étrangère garde son sang-froid et appuie sur le bouton qui se trouve à droite du portail. Un bip sonore retentit pendant quelques secondes avant de laisser place à une voix grave et hautaine :

  • Bonjoir, gence dolla. Que pouvons-nous […] ?

À cause du grésillement, elle reste sans voix durant un moment, comme si la phrase était coupée.

  • Euh... B... Bonjoir, dit-elle d’une voix fluette et timide.

Après un court silence, l’homme à l’interphone reprend, non sur un ton amical :

  • Avez-vous des problèmes ?
  • Euh... Non, non, aucun problème. Je voudrais...
  • Alors, si vous n’avez pas de problème, partez.

Il raccroche au nez. L'étrangère murmure un juron dans sa langue natale : "Oh ! Peb belkenn !" Elle rappuie sur le bouton. L'homme décroche et répond sur un ton froid :

  • Partez ou sinon, j’appelle les Mousquetaires Tricolores !
  • Mais vous êtes Mousquetaires Tricolores, non ? Puis-je...?
  • Mais vous […] ou quoi ?! Ici, nous nous occupons […] des problèmes de […] héritiques, et pas […] agressions sexuelles. Même […] sorcellerie, que […] je vous ordonne de partir !
  • Macir...
  • Il n’y a pas de “macir […] Aréveir !

Il raccroche au nez. Malgré la qualité de l’interphone, la femme se doute bien que ce n’était pas des mots gentils. Irritée, elle décide de passer à l’action. L'étrangère tend la main vers la caméra, qui la regarde toujours fixement avec son unique œil. L’appareil se met soudain à craquer comme une canette, perdant par la même occasion sa lueur rouge.

Puis, la femme fait apparaître deux vortex ressemblant à des anneaux de braise, un devant et un derrière le portail. Elle entre dans le premier vortex et sort par le second. Après leur disparition, elle avance vers le pavillon, déterminée.

En entrant dans la maison, l’étrangère rencontre trois hommes habillés en bleu et rouge ; un avec une perruque blanche, un avec une moustache et un avec des taches de rousseur. En dégainant leurs armes, ils s’approchent d’elle avec des yeux d’assassin.

Sans attendre, elle invoque un champ de force pour les faire projeter en arrière. Le Mousquetaire à la perruque blanche tombe sur une table en bois qui se brise, le moustachu passe par-dessus le canapé, en se cognant la nuque au passage, et le roux glisse sur le sol.

La guerrière profite de ce moment-là pour tuer les deux premiers Mousquetaires. Son ombrelle se transforme en katana, la femme plante la lame dans le cœur. Pendant ce temps, le Mousquetaire roux se lève, et fonce droit sur elle. L’étrangère effectue un balayage pour le faire tomber, le faisant lâcher son arme. Avant qu’il puisse la récupérer, la femme s’assied sur son dos et bloque son bras. Elle interroge :

  • Avez-vous vu une femme du nom de Gwenda, dix-huit ans, cheveux roux et yeux bleus ?
  • Gwenda ? Il y a plein de rousses à Namantes !
  • Une femme qui ressemble à une Draculienne mais sans les canines pointues.
  • Ah ! Elle ! Oui, je la connais ! Je l’ai rencontrée il y a deux semaines ! Elle voulait ramener l’insigne à son propriétaire qui habitait à Parisia. Enfin, c’est ce qu’elle disait... On l’a arrêtée pour vol mais la reine l’a libérée peu de temps après. Ensuite, elle est partie vers Parisia pour le propriétaire de l’insigne en question... Et elle l'a tué.
  • Est-elle encore à Parisia ?
  • Non, des témoins l'ont vu dans une voiture qui se dirigeait vers Straville.
  • Straville ?
  • Oui, Straville.

Sur ce, elle le fait évanouir avec un coup de poing sur le nez. Après, elle pose ses index et ses majeurs sur les deux tempes du Mousquetaire. En regardant les deux corps, la guerrière est subitement prise de nausée ; elle se lève et quitte rapidement le lieu.

***

À cette heure tardive, sous les nuages grisâtres, personne ne vient se baigner à la plage, dans les eaux froides et agitées. La femme se promène pieds nus sur les cailloux, en tenant ses chaussures à talons dans la main gauche. En contemplant les vagues, des souvenirs d’enfance refont surface...

Dans sa main droite, elle tient un téléphone mobile, plus vieux que les téléphones sur Dracula. Elle glisse l'écran vers le haut pour laisser voir le clavier fait de touches. Sur ces touches, il n'y a pas de lettres mais des symboles comme des triangles, des carrés, des cœurs... Grâce à sa mémoire visuelle, Mori Hana a pu mémoriser ce langage codé en moins d’une semaine. Par exemple, le dernier croissant de lune est un “D”. Chaque ligne représente une phrase codée et quand il s’agit d’une question, on met en début de phrase un smiley (Mori Hana n’a jamais compris ce choix).

En ouvrant sur la boîte de messagerie, l’étrangère découvre un message envoyé par Rouge :

>> Ça va ? Le voyage s’est bien passé ?

La femme réfléchit avant d’écrire sur le petit clavier de son téléphone :

<< Non, le voyage était fatiguant.

>> As-tu trouvé la jeune femme ?

<< Non, elle est allée à Parisia pour tuer un Mousquetaire, en lui apportant au passage son insigne. En ce moment, elle part pour Straville pour assassiner d’autres Mousquetaires. Savez-vous où se situe Straville ?

>> Straville ? Demande plutôt à Christophe : je ne suis pas Franc, moi.

“Oh non ! Pas lui...” pense-t-elle tout en soupirant. En effet, Christophe est l’une des nombreuses personnes qui ne croient pas en ses capacités. Quand on lui a confié une mission, il s’est emporté parce qu’à l’origine, cela devait à être lui de partir. Et malgré qu’elle soit d’accord sur ce point, Mori Hana est déterminée à prouver à tout le monde qu’elle a l’âme d’une guerrière

La femme reste immobile, pensive. Si elle avait le choix, elle quitterait cette maudite planète. Elle serait revenue vers sa petite sœur pour s’occuper d’elle, pendant que leur tante passe son temps avec ses copines...

Mais elle a une mission.

Elle doit trouver Gwenda.

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