La reine précoce

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Nidaheim est une planète où la végétation est verte, et où le soleil est inoffensif et où la science et l'ingénierie sont très avancées. C'est pourquoi les Draculiens collaborent avec eux pour améliorer leurs armements. Deux superpuissances gouvernent Nidaheim : l'Union Slave et les Etats d'Emirigie. Ces derniers n’adressent jamais la parole aux vampires pour des raisons morales. En conséquence, ils ne sont jamais présents lors d'une réunion interplanétaire.

Il y a onze ans, Sir Gauvain avait été envoyé là-bas par son supérieur pour enquêter sur les rumeurs à propos d'une fille "étrange", "sauvage" et "dangereuse". Il avait mis les pieds tout particulièrement sur les terres de la Rouskie, un pays où le climat est froid et hostile, sans parler des régions de l’est... Normalement, cela aurait dû être un autre de s'en charger, mais Gauvain s'était porté volontaire pour le faire, au plus grand étonnement du Général Alessander Marsh.

Les boutiques étaient encore ouvertes et des gens se promenaient pour acheter de la nourriture, quelques nécessités, et autres. Il passa devant une vitrine où des poupées rouskiennes étaient alignées, de la plus grande à la plus petite. Bien qu'il se fût vêtu d’une grosse veste en fourrure, Gauvain grelottait. Il n'avait pas l'habitude du grand froid, pas comme ces villageois qui souriaient et bougeaient comme s'il faisait zéro degré seulement !

Tout à coup, il entendit une dispute d'enfants. Deux adolescents entouraient deux enfants. Ils se trouvaient entre deux maisons, dans l'ombre. Le garçon était très petit et très fragile. La fille était habillée avec un manteau rouge et des bottes noires. Elle avait la capuche sur la tête, afin de protéger ses oreilles du froid. Ils parlaient dans leur langue maternelle, le rouskien.

  • Vous devrez le laisser tranquille, poules mouillées ! cria la fille, peur de rien.
  • Ah oui ? Sinon quoi ? Tu vas nous faire du mal ? se moqua l'un des deux agresseurs, celui au crâne rasé et tatoué.
  • Oui, je serais bien obligée si vous ne me laissez pas le choix !
  • Tu ne peux pas : tu es plus jeune que nous ! Tu fais le même âge que ce gamin ! répondit l'autre agresseur, aux cheveux hérissés, en désignant le petit Nain du doigt. Tu ne ferais même pas de mal à une mouche !
  • Ah oui ? Pourtant, je fais votre taille !

Ils ne répondirent pas. Sir Gauvain fût étonné de voir une Naine géante. "C'est peut-être elle dont tout le monde parle." pensa-t-il.

  • Bon, toi, tu ferais mieux de ne pas t'en mêler, reprit le garçon tatoué. Ce p'tiot doit remplir son marché : nous donner sa pomme.
  • Non ! s'exclama-t-elle en faisant obstacle entre le petit Nain et eux. Partez ou sinon...
  • Sinon quoi ? Tu n'exécutes jamais tes menaces !
  • Je me demande ce qu'on peut faire de ce petit monstre..., proposa le garçon aux cheveux hérissés.
  • Je ne suis pas un monstre ! s'emporta-t-elle.
  • Si, tu l'es. En plus d'être une géante...

Par colère, elle lui donna un coup de pied dans la jambe pour le faire taire. Il se mit sur un seul pied en tenant sa jambe.

  • Aïe ! Fous-lui une bonne raclée, Peeta !
  • Cours ! cria la fille au petit Nain.

Il déguerpit. Les deux garçons le laissèrent partir, trop occupés par la fille au manteau rouge. Le tatoué la souleva par les bras. Comme son avant-bras se trouvait juste sous son menton, elle agit...

  • AAAHHHH !!!! cria-t-il en la lâchant.

Elle cracha le sang qui avait un goût amer, avant de fuir. Elle prit rapidement la distance entre elle et ses agresseurs et gravit le grillage qui se trouvait au fond du chemin rectiligne pour aller vers l'autre côté.

  • Cette p'tite conne m'a mordu ! Regarde ! Elle m'a même fait saigner, cette sauvage !
  • Ouah ! s'exclama son ami en examinant la morsure, avec de grands yeux. Elle a une sacrée mâchoire, cette rouquine !

Gauvain s'approcha d'eux. Les deux le virent et s’enfuirent. Il leva son regard vers le grillage : elle avait déjà disparu. Il était impressionné par le caractère de cette petite !

***

Un mail a été envoyé au Château de Frissailles. La régente Berta, tante de la reine, n'ouvre la boîte mail que le lundi parce que travailler le week-end ne l’enchante pas du tout. Âgée de cent deux ans, ses cheveux sont noirs et ses yeux gris. Sur Dracula, la couleur de cheveux brune est rare (contrairement aux blonds et roux), si bien qu’elle est considérée dans la plupart des cultures comme une couleur exotique, d’autres comme une caractéristique des sorcières. Longtemps au Royaume des Francs, les bruns étaient exécutés pour “sorcellerie”, mais à l’arrivée de la famille royale des Lucenoires, la mentalité a changé. Avoir les cheveux noirs est la principale caractéristique de cette famille. Le précédent monarque, Louise XIV, du pays avait d’ailleurs cette couleur de cheveux.

Le mail raconte qu'un Mousquetaire Blanc a vu une fille qui tenait un insigne de la Compagnie de la Reine-Lune et a signalé aux Mousquetaires Tricolores. Il demande le jugement de la reine.

Le nom de Gwenda donne un sentiment de déjà-vu à la régente. Remplie de doutes, elle va voir la Reine-Lune, qui peut-être, se souvient de cette femme grâce à sa jeune mémoire et peut mieux juger qu'elle.

Elle toque à la porte de la salle de jeux. Les rires des filles se taisent pour laisser place à la voix de la Reine-Lune.

  • Entrez !

La régente ouvre la porte et salue poliment les aristocrates, âgées entre douze et treize ans, et vêtues de robes excentriques. La Reine-Lune, différemment des autres filles, est habillée avec une robe bleu saphir. Seule la famille royale s'habille avec cette couleur, considérée comme sacrée. Sa chevelure noire et bouclée, héréditaire de sa famille, est attachée par deux rubans argentés. Son visage est presque aussi blanc que les lunes Magna et Parva. Ses petites lèvres en cœur rouge et ses jolies canines blanches rendent son sourire plus croquant. Le fard à paupière bleu clair, saupoudré de paillettes argentées, rend ses yeux gris plus intenses. Elle porte des boucles d'oreille en luciole d'argent. La petite reine est très belle avec son visage enfantin mais elle est aussi très autoritaire. Les gens de la cour la surnomment "la reine précoce" parce qu’elle a été couronnée à l'âge de cinq ans.

Les petites courtisanes jouent avec la reine juste pour la flatter, mais la Reine-Lune est loin d’être naïve : elle est au courant de l’hypocrisie qui règne dans le monde aristocrate. Sa famille lui a appris à se méfier des gens même de ses amis. C'est pourquoi sa grand-mère, Louise XIV, a changé d'habitation et a transformé une maison de cavalerie en un si grand château somptueux.

  • Ah ! Tante Berta ! s'exclame la Reine-Lune. Pourquoi nous dérangez-vous pendant la séance du vernis ?
  • Je suis navrée de vous déranger, ma nice, s'excuse la régente, mais je dois vous poser une question.
  • Quelle est la question qui occupe tant votre esprit ? demande-t-elle, agacée.
  • Connaissez-vous une personne du nom de Gwenda ?

Les yeux de la Reine-Lune grossissent. Son ton change aussitôt, avec un grand sourire :

  • Gwenda ?! C'est l'élève de Sir Gauvain, de l'armée impériale !
  • L'élève de Sir Gauvain ?! s'exclame la régente, mécontente. Celle qui ne sait pas se taire ?!
  • Oui. Donnez-moi la tablette, ordonne-t-elle sèchement.

La régente a horreur que sa nièce lui donne des ordres comme si elle était une domestique mais il ne faut pas oublier ceci : Louise est la reine et Berta n'est que la régente. Il vaut donc mieux que la petite souveraine apprenne à être autoritaire si elle veut se faire respecter. Alors, Berta exécute aveuglément tous ses ordres. La régente donne la tablette à la reine qui lit le mail. Après la lecture, elle s'exclame, consternée:

  • Baliverne ! Cette histoire est un pur mensonge inventé de toutes pièces ! Qu'on exécute le vil homme qui l'a accusé !
  • Pourtant, cette femme tient l'insigne d'un Mousquetaire de votre compagnie.

La petite fille ne dit plus rien. À part s'intéresser aux exploits de la chasse, elle ne s'occupe pas du tout de la compagnie créée par son arrière-grand-mère. Lors de sa création, il existait juste deux sous-compagnies : les Mousquetaires Gris qui font la guerre, et les Mousquetaires Noirs qui protègent le souverain. Puis, sa successeuse, Louise XIV, a amélioré la compagnie pour la rendre plus puissante et plus importante : elle a créé les Mousquetaires Tricolores, qui protègent les civils, les Mousquetaires Bruns, qui surveillent les frontières, et les Mousquetaires Blancs, qui chassent tous ceux qui n'entrent pas dans les normes de la société, c'est-à-dire les opposants politiques, les hérétiques et les magiciens.

  • Certes mais Gwenda ne ferait jamais une chose pareille! finit-elle par dire. Si elle a l'insigne de l'un de mes mousquetaires, alors son propriétaire l'a sûrement oublié.
  • Un Mousquetaire ? Oublier quelque chose ?
  • Oui, cela arrive à tout le monde ! Ne dîtes pas que vous n'oubliez jamais vos affaires ?
  • Peut-être, dit la régente en levant les yeux au ciel, mais il n'empêche que...
  • Écrivez à Louis Richemont que Gwenda est libérée et que l’inventeur de ce mensonge prendra sa place. N'oubliez pas aussi d'inviter Gwenda chez nous.
  • Pardon ?!
  • J'aimerais inviter Gwenda dans mon somptueux château, répète-elle, l'air agacé. Elle est la bienvenue ! Elle nous expliquera pourquoi elle avait cet insigne en sa possession.
  • Je croyais que vous l'aviez bannie de votre pays...
  • Oui, je sais mais aujourd'hui, je fais une exception. Je veux savoir la raison de sa présence sur mon territoire... En plus, elle apparaît au bon moment. Répondez-leur par mail !
  • Oui, ma nice...
  • Faîtes-le !
  • Oui, ma nice.

Cela ne lui plaît guère de revoir Gwenda. Elle hait cette femme car elle la trouve bizarre. Déjà qu'elle n'est pas une Draculienne, cette rousse vient de nulle part, et l'armée impériale l'a recruté malgré tout. Cette extradraculienne s'impose sans demander la permission de la reine et elle ne respecte jamais l'autorité. Alors, cette femme ne lui inspire pas confiance.

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