Dans l'auberge

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Après une longue journée de sommeil, Gwenda se réveille. Le soleil se cache derrière le feuillage des arbres. Quelques raies de lumière illuminent le milieu sauvage. De son abri, elle observe le paysage : la forêt ne lui a jamais paru aussi bleue. Par sa couleur proche de celle du saphir, la forêt paraît merveilleuse. Elle peut comparer les herbes aux cristaux, les feuilles aux bonbons en forme de lutin qu’elle mangeait petite chez les Nains et les fleurs blanches aux flocons de neige. Celles-ci ne tarderont pas à s’ouvrir : elles fleurissent seulement pendant les nuits. La couche extérieure des pétales très épaisse protège de la forte chaleur du soleil. La nuit, leurs pollens émettent des rayons, invisibles aux yeux de l’Homme, pour attirer des insectes nocturnes. Les fruits, quant à eux, sont couverts d’une coque, que seuls les rongeurs peuvent la pénétrer avec leurs dents acérées. Pour que les tiges ne cèdent pas, les fruits sont généralement petits. Les conifères, eux, ont des cônes à la place des fruits. Ceux-là diffusent des graines par le biais du vent.

Gwenda est cachée dans l'ombre, à l'abri du soleil. Elle n'arrive pas à croire qu'un jour, elle aurait autant peur du soleil. Elle pense au loup. Elle s'en veut de l'avoir rejeté comme ça alors qu'il l'avait aidé. Elle se demande d'ailleurs : "Normalement, les loups, ça vit toujours en meute, non ?"

Maître Gauvain lui disait : "Tu devrais t'intéresser aux loups. C’est très intéressant." "Non", lui a-t-elle répondu, "la zoologie et moi, ça fait deux." Sous les insistances de son professeur, elle a lu seulement quelques pages de l'encyclopédie qu'il lui avait offert. Tout ce qu'elle a appris, c'était que le loup, ça vivait en meute, qu'il était carnivore, qu'il était connu pour son odorat, son ouïe et son endurance et que sa morsure était deux fois plus forte que celle d'un chien (ou même plus). Elle a laissé le livre dans un coin de sa bibliothèque, caché derrière les livres d'aventure et condamné à jamais à vivre dans la poussière.

Maintenant, elle regrette de ne pas s'y être intéressée davantage. "En plus d'être instructif, ça m'aurait aidé à oublier Alfheim." En effet, après être revenue de la guerre, elle ne lit plus les livres de chevalerie, qui lui rappellent trop la guerre, le sang et la mort, malgré le ton épique très présent. Alors, les livres sur les étagères sont figés dans le temps à jamais, tout comme l’encyclopédie des loups.

Quand le ciel devient noir et que les étoiles apparaissent, elle se lève. Elle se dirige tout droit sans savoir où elle va. Mais au moins, elle avance. Son ventre gargouille... Son arc. Où est son arc ?!

- Oh ! Shit ! s'exclame-t-elle à voix haute.

Elle ne sait pas comment elle l'a paumé mais une chose est sûre : elle ne peut plus chasser. Malgré son mécontentement, elle marche. Dans la forêt, les animaux commencent à sortir de leurs tanières. La forêt revit. Ce qui est paradoxale : sur Nidaheim, la nuit est associée à la mort contrairement au jour. Elle entend les oiseaux chanter, les écureuils sauter de branche en branche... Elle espère croiser quelqu'un pour lui demander le chemin. Ce qui est impossible dans le monde sauvage. Elle peut seulement espérer croiser un voyageur solitaire ou un criminel en fuite.

Après trois heures de marche, elle atteint une route goudronnée. "Enfin !" s'exclame-t-elle intérieurement. "Bon, quelle direction dois-je prendre ?" Elle regarde les constellations. Elle prend le chemin de gauche.

Une heure plus tard, elle atterrit dans un village. Elle s'arrête pour manger. Le bar est très calme. Il y a peu de clients : juste deux fermiers et trois artisans. Tout est construit en bois, sauf les fondations qui sont en pierre. Gwenda croise deux robots qui sont en train de faire le ménage. Elle s'assied sur une chaise au bar. Un tavernier paraît être cinquantenaire mais tout le monde sait que sur Dracula, ceux-là sont âgés environ de trois cents ans. En la voyant, il devient suspicieux.

- Puis-je savoir ce qui vous amène dans ce monde éloigné de toute civilisation ?

- Ce qui m'amène dans ce monde "éloigné de toute civilisation" ? Des vacances, peut-être !

- Non, sérieusement, pourquoi êtes-vous ici ?

Des regards se braquent sur elle. Tout d'un coup, elle se sent un peu gênée.

- Je viens de vous dire : je suis en vacances. Je m'arrête ici pour manger. Un pain au chocolat fera l'affaire.

Le tavernier fouille. Ce qui éveille un mauvais pressentiment chez elle. Il questionne :

- Puis-je savoir pourquoi vous avez un accent britannique ?

- Parce que ma mère est Franque et mon père Britannique avant ma naissance, dit-elle, au pif.

- Oui, c'est ça ! Et moi, je suis le roi de la Britannique !

Tout à coup, il sort une arbalète. Gwenda sursaute. La gérante ouvre grand les yeux en voyant la scène. Elle est piégée !

- Franchement, vous voulez me faire gober qu'un Britannique et une Franque se sont mariés avant votre naissance ? dit-il. Quel âge avez-vous ? Dix-huit ans ? Vingt ans ? L'alliance franco-britannique n'a eu lieu qu'il y a dix ans ! Je sais qui vous êtes. Vous êtes Gwenda. Par contre, je ne sais pas votre nom de famille. C'est quoi, déjà ?

- Euh... Sans nom ?

- Gwenda Sannom ! Je vous arrête ! Levez vos mains bien en l'air !

"Il est con ou quoi ?" pense-t-elle.

- Vous n'avez pas dit le mot magique, alors, je n'obéis pas.

- J'aurais dû m'en douter ! Résistez encore une fois et je vous tire dessus avec mon arbalète !

- C'est bien beau de me menacer avec une arbalète mais elle n'est pas chargée.

- Quoi ?

- Quoi ? dit-il en regardant son arbalète. Oui, bon, j'ai acheté une arbalète mais pas des carreaux ! Vous savez, les objets d'archerie, ça coûte cher... Qu'on l'attrape !

Tous les hommes foncent sur elle. Elle brandit son épée, ce qui les contraint de s'arrêter. Gwenda ne peut s'empêcher de penser : "Si seulement quelqu'un pouvait venir à mon aide... Je n'aime pas être dans ce genre de situation."

- Vous oubliez que j'ai une épée. Je peux tous vous trancher la gorge en moins de deux secondes !

- Oui mais nous sommes sept !

Soudain, la gérante sort de la pièce, très effrayée. Ils la regardent partir, éberlués. Le tavernier corrige :

- Oui, bon, six !

- Le nombre ne compte pas, répond-elle. Sachez qu'un groupe de cent soldats draculiens a tué trois cents Elfes en une nuit.

Ils écarquillent les yeux en disant :

- Pardon ?

- Eh oui ! Ils ont réussi à tuer cent douze car contrairement aux Elfes, ils étaient armés. (Elle s'adresse au tavernier.) Alors, soit vous me donnez deux tartes, une aux fraises et une aux citrons, plus un sandwich au poulet et un pain au chocolat, soit vous croisez mon fer.

Celui-ci reste figé.

- Comment savez-vous à propos de... Des trois cents Elfes ?

- Parce que j'y étais.

Personne ne parle. Le tavernier se décide enfin à se bouger ! Il court rapidement vers la cave. Personne ne bouge. Un lourd silence pèse dans l'auberge. Il revient avec un gros panier. Ironique, elle s'exclame :

- Quoi ?! Vous m'apportez même un gros panier ?! C'est trop gentil !

- C'est gratuit ! Tout est gratuit ! répond-il, la voix tremblottante.

- Gratuit ? Oh ! Allez ! Je vous donne un franc pour votre accueil ! dit-elle, exagérément enjouée.

Elle lui envoie une pièce d'argent sur la table du bar. Sur la pièce, figure la tête de Louise XV... Qu'elle a sur le travers de la gorge !

- Voilà ! Merci pour le déjeuner ! Grand-Mère sera très contente !

Le tavernier montre ses dents en crachant. Elle prend le gros panier en pensant : "Dommage que je n'ai plus mon manteau rouge. Ç'aurait été marrant !" Elle passe devant tous les regards terrifiés.

Quand elle sort, elle voit au loin des soldats de la Reine-Lune s'approcher, en compagnie de la gérante. "Elle au moins, elle est plus intelligente que les autres. Dommage qu'elle ne soit pas ponctuelle." Elle s'éloigne de l'auberge et des Mousquetaires. Quand elle arrive à l'orée de la forêt, elle revoit le loup de la veille. Il est sagement assis comme un chien bien discipliné. Il renifle : il sent l'odeur des bonnes tartes ! Ou plutôt celui du sandwich au poulet. Il lèche ses babines. Gwenda s'exclame :

- Sérieux ?! Tu m'as suivi jusqu'ici ?!

Comme guise de réponse, il gémit.

- Non ! Ce n'est pas pour toi ! Alors, soit tu te barres, soit tu me suis sans manger !

Mais apparemment, il ne veut pas partir. Soit il est tellement fidèle au point de mourir de faim, soit il sait qu'elle lui donnerait quand même à manger.

- Ma parole ! Je deviens folle !

Au moment où les Mousquetaires arrivent, Gwenda fuit, suivie par le loup.

***

Dimanche 13 Pressuvin 5004

Maître Gauvain m'a amené à la chasse, comme tous les dimanches. Mais ce dimanche-là, nous avons croisé un loup blessé et coincé par un piège à ours. Il m'a ordonné de le tuer pour abréger ses souffrances mais je n'ai pas pu : dès que j'ai levé mon couteau, j'ai tout de suite arrêté mon geste. C'était bizarre : c'était comme si mon instinct m'interdisait de le faire.

Alors, mon maître m'a demandé de m'éloigner du canidé et de regarder l'autre côté. Je l'ai fait. J'ai été surprise quand j'ai entendu le loup gémir. Je me suis retournée vers lui et j'ai vu du sang couler du corps de l'animal. J'avais envie de pleurer !

Quand il est venu vers moi pour poser sa main sur mon épaule, je me suis écartée de lui et j'ai couru pour pleurer. Après cet évènement, nous n'avions plus parler de ça.

Extrait du journal de Gwenda

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