La mort de Sir Gauvain

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Le Samedi 24 Vendange, Maître Gauvain fêtait sa retraite militaire avec ses amis -la plupart d'entre eux étaient des soldats impériaux - dans un restaurant, situé pas loin du spatioport. Gwenda était invitée. Quand elle arriva devant ce bâtiment, elle regarda le logo : "Le Poisson pêché". Elle rit à ce souvenir. Elle avait sept ans quand elle y était allée avec Sir Gauvain. Elle était stressée à l'idée d'aller à l'Académie et pour la rassurer, il s'était arrêté devant ce restos pour lui faire manger "la spécialité du pays"... C'était écœurant !

Elle se demanda pourquoi il voulait fêter sa retraite ici. La plupart du temps, quand il buvait avec ses amis, c'était pour se préparer à un voyage. À une guerre. Là, normalement, il ne partait pas au combat. Alors, pourquoi revenir dans ce lieu ?

Elle poussa les portes battantes. Personne ne jeta un regard sur elle : ils étaient trop occupés à boire et à manger. Elle vit Maître Gauvain, assis au fond de la table, accompagné des autres invités (qui étaient au nombre de quinze si elle s'en souvient bien). Un robot tenait une bouteille de vin dans sa pince.

Elle vint vers lui. Il mit deux minutes à remarquer sa présence. Elle était vêtue d'une jolie robe violette et noire pour l’occasion. Elle portait des boucles d'oreille dorées - elle n'aimait pas les bijoux blancs - et elle avait mis seulement du rouge à lèvres marron comme maquillage. Ses cheveux étaient attachés par une fleur de lys violet.

- Gwenda ! s'exclama-t-il. Tu es en retard !

- Juste de quinze minutes, répondit-elle, malicieuse. Ce n'est pas beaucoup...

- Oh oui ! Ce n'est pas beaucoup ! ironisa-t-il. Nous avons déjà commandé les verres.

- Sans moi ? Oh ! Vous ne pouviez pas attendre une demoiselle ?

- Une demoiselle ? intervint l'un de ses amis. Pff !

Elle lui donna un coup de poing sur son épaule. Ils rirent.

- Gwenda, peut-on se parler cinq minutes dehors ? Tous seuls ?

- Oui, bien sûr, dit-elle, étonnée.

Ils sortirent du restaurant. Ils montèrent l'escalier qui menait vers le toit. Le vent était plus fort en hauteur. Comme la frange de la rousse n'arrêtait pas de la gêner, elle rangea ses mèches derrière ses oreilles. Là-haut, la vue était magnifique. Ils voyaient les vaisseaux ovales stationnés sur le spatioport et des chauves-souris blanches dans le ciel noir.

- Une nuit, une chauve-souris blanche a piqué ma glace, dit Maître Gauvain.

- Oui, j'étais là ! Je pense qu'elle a aimé votre glace ! rit-elle.

Ils rirent. Gwenda se calma et questionna :

- Pourquoi ce restaurant ?

Il reprit son sérieux.

- Je pars.

Cette phrase courte et directe la frappa.

- Pardon ? Où ?

- Loin. Très loin.

- Oh ! Arrêtez ! Vous dîtes toujours cela quand vous quittez la planète ! s'exclama-t-elle, souriante.

- C'est le cas.

Elle ne rit plus.

- Où allez-vous ?

- Quelle importance ? Ce qui compte, c'est que je me fasse une nouvelle vie.

- N'ai-je pas le droit de savoir où vous allez ?

- Si mais ce sera une surprise.

Elle réfléchit.

- Vous m'emmenez avec vous ?

- Oui.

- Mais... J'ai encore une vie dans l'armée !

- Plus maintenant.

Le silence s'installa. Elle observait son ancien maître. Il cachait quelque chose. Mais quoi ? Et pourquoi voudrait-il qu'elle quittât l'armée ? Elle bégaya :

- Je... Pourquoi ?

- Pourquoi quoi ?

- Pourquoi vous me dîtes ça ? Je dois faire cent ans de service militaire ! Et encore, je mourrai avant...

- C'est pour ça que je t'emmène là-bas. Tu as le droit de retrouver la paix et d'oublier la guerre sur Alfheim. En vérité, je ne voulais pas que tu entres dans l'armée, mais...

- Pardon ?! Mais pourquoi alors vous m'aviez choisi comme élève ?!

- Parce que tu étais en danger à l'orphelinat, expliqua-t-il. Les Nains avaient remarqué que tu étais... Différente. Ils avaient contacté l'armée impériale pour qu'un soldat vienne te voir et... Je me suis porté volontaire, même s'ils préféraient que ce fût quelqu'un d'autre qui y allât.

Elle n'arrivait pas à croire ses oreilles. L'armée était déjà au courant de son existence ?

- Je suis allé te voir et je t'ai tout de suite emmené avec moi sur Dracula. J'ai fait croire à mon supérieur que les Nains se trompaient sur toi et que ce n'était que des superstitions.

Des superstitions ? Que croyaient-ils d'elle ?

- Malheureusement, j'ai dû raconter à mon supérieur que je t'avais emmené avec moi pour t'entraîner et te faire devenir une soldate impériale. C'était la seule excuse logique.

- Pourquoi vouliez-vous prendre la place de l'autre ?

- Car je te connaissais. Bien avant d'aller sur Nidaheim.

Elle fût choquée. Il la connaissait avant ? Ce n'était pas logique ! Voyant sa mine déconfite, il reprit :

- Gwenda... Je ne peux pas trop te parler de ça maintenant. Il y aura des gens qui viendront nous chercher, et il faudra que tu sois... Attention !

Tout à coup, Maître Gauvain prit son épaule pour l'écarter et une flèche frôla le dos de Gwenda ! L’arme toucha le sol et bondissait deux fois avant de s’arrêter. Ils observèrent la flèche, surpris. Elle brillait sous la lune. Ils cherchèrent le responsable. Une deuxième flèche atterrit dans le cœur de son ancien professeur ! Elle le regarda tomber en arrière. Elle avait l'impression que le monde s'écroulait avec lui. Elle cria son nom.

Quand il touchait le sol, elle s'élança vers lui. Elle posa son regard sur sa blessure : la chemise rougissait autour de la flèche. Elle versa une larme. Elle jeta un œil vers la source du tir : elle vit plusieurs ombres en train de fuir. Soudain, Maître Gauvain prit sa main pour la serrer très fort. Il murmura :

- 24 Moisson, à midi, sur le Grand Pont !

- Le Grand Pont ?! Pourquoi ?!

Mais les yeux du pauvre homme se fermèrent. Sa bouche bougea sans qu'un mot ne sortît. Ses lèvres prononcèrent un "Je t'aime". Il rendit son dernier souffle.

Le temps s'arrêta. Gwenda le regardait, figée. Elle ne voulait pas croire à ce qu'il venait de se passer. Il n'était pas mort ! Il y avait encore de l'espoir pour le faire revenir. Alors, elle le secouait en criant :

- Maître ! Revenez ! J'ai encore besoin de vous !

Mais ça ne servait à rien. Il était déjà parti. "Loin. Très loin." avait-il dit. Elle se rendit compte qu'elle ne pouvait pas le faire revenir. Elle cessa de le faire bouger. Elle posa sa tête sur son corps et pleura. Ses larmes coulaient abondamment. Il lui avait promis de l'emmener avec lui vers cet endroit mystérieux mais il était parti sans elle. Elle murmura à voix basse :

- Père...

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