L'assassin

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Gwenda est enfermée dans une cellule sombre, humide et poussiéreuse, au sous-sol. Après un sommeil sans rêve, elle ouvre les yeux. Elle a l'impression d'avoir un ballon à la place d'une tête. Son champ de vision est flou. Elle voit seulement des silhouettes. L'un d'eux dit :

- Oh ! La belle au bois dormant est réveillée, on dirait !

Elle ne parle pas, ne s'étant toujours pas remise. Sa vision devient plus nette. C'est un homme blond, aux yeux rouges.

- Je me présente : je suis Sofiane Rougebarbe.

Elle se souvient de ce que lui a dit l'ivrogne à Straville. C'est celui qui a tué Maître Gauvain.

- Peux-tu expliquer la raison de ta présence ? lui questionne-t-il.

Gwenda ne répond pas avant de saisir sa question.

- Vous savez très bien pourquoi je suis là : vous avez tué Sir Gauvain.

Ils rient.

- On se doutait que tu viendrais nous tuer si tu découvrais que des Mousquetaires étaient impliqués dans le meurtre de Sir Gauvain mais on ne se doutait pas que tu le découvrirais si tôt. Je dois reconnaître que tu as du flair !

- En même temps, si l'un de vous n'avait pas perdu son insigne sur l'autre toit, j'aurais pris plus de temps à vous retrouver.

Ils rient de nouveau, plus fort.

- Tu es sacrément intelligente... Pour une fille. Je dois avouer que mon assistant n'aurait pas dû oublier son insigne.

- Pourquoi être venus à plusieurs ?

- Au cas où cela se compliquerait. Heureusement, tu ne nous as pas poursuivi. Cependant, tu vas regretter de t'être mêlée de nos affaires !

Gwenda se rend compte au dernier moment qu'il tient un couteau dans la main. Un homme derrière lui s'exclame :

- Eh ! T'oublies ce qu'il a dit : la fille a une peau "aussi wésistante que la peau d'un dwagon", imite-il la voix du mystérieux homme, très grave, avec un accent exagéremment britannique. Ça ne sert à rien de la menacer avec un...

- Oui, je sais ! C'est pour lui faire peur que je fais ça !

- Eh ben, vous n'êtes pas très doué, répond-elle.

- Une chose que je peux dire, c'est que tu n'as pas peur, puisque tu ne crains rien avec les armes blanches... Mais est-ce qu'il y a une chose que tu nous caches ?

- Pardon ? Je ne comprends pas.

- Celui qui nous a fourni les flèches avait l'air de connaître ton point faible. Il ne nous a pas dit en quoi c'était fait. Je ne comprends pas pourquoi on se donne autant de mal à te tirer dessus si de toute façon, rien ne te blesse. Alors... Tu n'as pas un point faible ? Rien qui puisse te blesser ?

Encore cette question. Comme avec la reine.

- Non.

- Ou une allergie peut-être ?

Si, elle en a bien une. Quand elle part acheter quelques babioles, elle porte des gants sur elle. Mais pourquoi répondrait-elle à cette question ? En plus, ils se moqueraient d'elle si elle disait qu'elle était allergique à la monnaie draculienne.

- Je prendrais ça pour un "oui", dit le Mousquetaire.

Le sourire aux lèvres, il sort et ferme la porte à clé, en la laissant seule et enchaînée. Elle se sent déjà oppressée par l'enfermement et le noir. Elle murmure :

- Shit !

***

Gwenda reste emprisonnée pendant deux nuits. Quelques fois, des rats passent. Elle les éloigne avec ses pieds pour qu'ils ne la mordent pas. Qui sait quelles maladies ces rongeurs contiennent ? Elle n'a plus la notion du temps et de l'espace. Elle est seule ; personne ne peut venir la secourir. Elle a cherché plusieurs solutions dans sa tête pour sortir, en vain.

Elle repose sa tête contre le mur, lasse. Tout à coup, la porte en bois s'ouvre. Ses yeux se plissent devant la lumière jaune. Une silhouette s'avance vers elle. Elle reconnaît la voix :

- Alors ? Comment ça va ?

C'est Sofiane Rougebarbe, accompagné de deux autres Mousquetaires. Elle reconnaît l'un d'eux : le livreur de plats. Tous les jours, il pose un plat qui dégage une bonne odeur devant elle, sans qu’elle puisse pour autant le goûter avec ses chaînes. Dans l'armée, elle a été entraînée à toutes sortes de souffrance... Sauf à ça !

- Allez vous faire voir ! lui répond-elle.

- Eh bien ! On dirait qu'elle s'est levée du pied gauche ce matin ! Qu'est-ce qu'elle est grognonne ! On va te faire souffrir pour ce que tu as fait à nos collègues ! Puis, tu mourras !

- Ouh ! J'ai peur ! Qu'allez-vous me faire ? Me chatouiller avec une plume ?

- Peux-tu me dire quel est ton point faible ? lui demande-t-il.

- Pourquoi vous le dirais-je ? Sinon, vous aurez l'arme pour me tuer.

- Pas bête, la jeune, commente le roux qu'elle ne connaît pas.

- Oui..., grommelle le blond. Tu vas me le dire ou sinon...

- Sinon quoi ? Vous ne pouvez rien faire sur moi de toute façon : je suis une dure à cuire. J'ai été entraînée pour ne pas céder.

- Oui, je sais ça : tu as été entraînée dans l'armée impériale après avoir grandi sur Nidaheim.

- Comment savez-vous qui je suis ? Vous avez fait des recherches pour connaître mon passé, non ?

- Elle t'a eu ! rigole le gringalet.

- Tais-toi !

- Alors ? interroge Gwenda. Trop lâche pour me dire ?

- Toi... Tu souffriras ! C'est moi qui te le confirme !

- Puis-je savoir pourquoi vous voulez connaître mon point faible ? Sérieux, autant me jeter au bûcher comme on fait aux sorcières ! Ça ira plus vite !

- Oui, elle a raison, dit le roux. Elle est trop dangereuse !

- Non, pas question qu'on attire l'attention. La reine te protège alors que nous, nous ne voulons laisser aucun sorcier en vie.

- Alors, vous croyez que je suis une mage ?

- Elle t'a eu ! s'exclame le roux.

- Mais vous pouvez arrêter de m'agacer ainsi ?! (Il se tourne vers elle.) Oui, je suis au courant. Et alors ?

- Alors ? Vous êtes comme les Nains ! Dès que quelqu'un est différent, ça y est, c'est un sorcier !

- En fait, tu ne sais pas qui tu es ?

Elle ne répond pas.

- Nous, les Mousquetaires, nous ne voulons pas d'ennui avec la reine. Déjà que nous ne sommes plus aussi importants qu'il y a cent vingt-et-un ans car il n'y a plus beaucoup de mages à exterminer, nous ne voulons pas non plus faire de la mauvaise publicité sur notre compagnie. En plus, nous avons besoin de connaître un peu plus sur ton espèce, dont vos points faibles. Alors, dis-moi : quel est ton point faible ?

- Allez vous faire foutre.

Il lui donne une grosse baffe sur la joue.

- Dîtes-moi, dit-elle, pourquoi être allé en Britannique ? Pourquoi Sir Gauvain ? Il n'était pas mage !

- Tu veux savoir, hein ? La vérité, c'est que nous étions venu pour Sir Gauvain et toi.

- Quoi ? dit-elle avec de gros yeux.

- Ça t'étonne, hein ? Eh oui ! Quelqu'un nous a promis beaucoup d'argent si nous tuions toi et ton ami ! Nous ne pouvions pas laisser cette occasion pareille !

- Bande de cupides !

- Et toi ? Tu te crois pure ? Tu as tué nos collègues ! Pour quoi, hein ? Ils n'ont rien fait ! Nous étions juste une demi-dizaine à aller en Britannique, et toi, tu as tué une trentaine d'entre nous ! Au hasard en plus ! Alors, dis-moi : qui entre nous deux est le plus sanguinaire ?

Elle ne dit rien. Sans raison, elle reçoit une autre baffe. Sa joue rougit à l'impact.

- Est-ce que vous savez qu'on ne frappe pas les femmes ? sermonne-t-elle.

De nouveau une baffe, plus forte cette fois-ci.

- Toi ? Une femme ? Peut-être mais tu n'as pas d'honneur, salope !

Sous le coup de la colère, Gwenda donne un coup de pied sur sa partie génitale. Il se plie sur lui-même et pousse un gémissement de douleur.

- Désolée, c'est parti tout seul ! répond-elle, pas peu fière d'elle.

Il la regarde d'un air mauvais. Il dit :

- Toi... Tu vas bientôt mourir ! s'exclame-t-il avec un regard mauvais. Mais évite de pousser le bouchon trop loin ou sinon, tu regretteras !... Sir Gauvain était un lâche qui n'avait pas de valeur !

- Gauvain ?! C'était un homme d'honneur ! Il ne trahirait jamais sa planète !

- Oh si ! Malheureusement ! Ton maître était un traître. Il t'a emmené sur Dracula au lieu de te tuer comme il devait le faire. Il a menti à son supérieur. Il a protégé une mage. Toi !

- C'est faux ! Je ne suis pas une mage !

- Si, c'est vrai ! Tu en es une ! L'as-tu déjà entendu une seule fois critiquer l'armée voire l'Empire ?

Gwenda ne répond pas. Si, elle l'entendait souvent critiquer le système politique.

- Alors ? Tu ne vois plus ton maître sous le même œil ? Comprends-tu maintenant pourquoi ton maître est mort ?

- Oui, je comprends : vous l'avez tué pour rien.

- Ha ! Ha ! Ha ! Tu ne manques pas de cran ! Tu es têtue comme une mule ! Pourquoi persister à croire à une illusion ? Pour le confort et la paix intérieure ? La vérité est là : ton maître était un traître et il t'avait recueilli parce que tu étais une mage. Autrement, il t'aurait laissé pourrir sur Nidaheim.

Elle n'arrive pas y croire. Maître Gauvain... Un traître...

- Pourquoi ce silence ? Tu ne veux pas le croire ? Très bien ! Fais comme tu veux. Crois que tu n'es pas une mage.

- Je ne suis pas une mage ! Combien de fois devrais-je le dire ?!

- Tu le dis mais tu n'en es pas sûre. Ça se voit dans tes yeux.

Elle ne répond pas. Il expire :

- Ah ! Tu parais forte mais tu es faible. Pendant qu'on s'occupe de nos affaires importantes, toi, tu pourris dans ce cachot.

Quand lui et ses collègues se dirigent vers la porte, Gwenda dit sur un ton grave :

- Bon nombre de gens m'ont sous-estimé... Jusqu'à ce qu'ils reçoivent un poing dans la figure.

Sofiane Rougebarbe plisse les sourcils et se retourne :

- N'est-ce pas une menace que je viens d'entendre ?

- Oui. Par exemple, vous, le roux, dit-elle en le désignant du menton, je vous attacherai sur un radiateur. Vous, le gringalet, je ferai plonger votre tête dans une assiette bien riche en calories. Et vous, Sofiane Rougebarbe, je vous jetterai dans la gueule du loup.

- C'est bien de faire des menaces à ses adversaires mais pas quand on est enchaîné.

Ils rient en fermant la porte. Quand elle n'entend plus leurs pas dans le couloir, la rousse écarte ses jambes pour laisser voir un trousseau de clés. Cet imbécile l'a fait tomber quand il a reçu son coup de pied. Pourtant, ce Draculien est censé avoir l'ouïe fine ! Ce n'est pas tout : quand il a fermé la porte, il a oublié de la verrouiller avec la clé ! Elle a alors profité de prendre le trousseau de clés avec son pied et de le cacher sous ses jambes. Gwenda rirait presque en y pensant !

Elle prend l'objet avec son pied. Étant souple, elle lève le pied vers la main droite qui attrape le trousseau de clés. Elle cherche la clé pour ouvrir la serrure. Le plus difficile, c'est d'enfoncer la clé dans la serrure sans lumière. Après cinq minutes d'effort, elle réussit à ouvrir la chaîne qui fait mal à son poignet. Heureuse, elle s'occupe de l'autre menotte.

Libérée et soulagée, elle se lève. À force d'être assise sur un sol dur pendant deux jours, ses muscles fessiers souffrent. Elle s'approche de la porte et l'ouvre tout doucement. Elle voit un petit couloir, avec plusieurs portes en bois. Des torches allument ce couloir désolé. Au fond, il y a une entrée s’ouvre aux escaliers en spirale. Déterminée, elle pense : "Bon ! Action !"

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