Le génocide

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Après le jour de son adoubement, Gwenda fût expatriée sur Alfheim. Là-bas, une grande guerre régnait entre les Elfes Blancs et les Draculiens. Les Elfes Blancs se situaient au Nord-Ouest et étaient nocturnes alors que les Elfes Noirs se situaient au Sud-Est et étaient diurnes. Ces deux peuples formaient deux superpuissances.

La raison de cette guerre était avant tout l'extermination des Elfes, qui se défendaient pour leur vie. De plus, le plus compliqué dans l'histoire était que les sylphes les avaient abandonnés à leur propre sort, trop occupés par la guerre d'indépendance sur Morgana, la planète des grands magiciens, et la défense des colonies sylphes sur Echo, le monde des nymphes. Contrairement aux Elfes du Sud, les Elfes du Nord n'utilisaient jamais leurs capacités d'hypnose, par morale, ce qui les rendaient faibles face aux Draculiens. Ces derniers voulaient tout d'abord s'occuper de ceux-là avant les Elfes Noirs, qui, eux, étaient plus puissants.

La végétation sur Alfheim était de couleur bleue, comme sur Dracula. Contrairement à la faune draculienne, vivaient autant d'animaux diurnes que d'animaux nocturnes. Ensuite, la planète étant un peu plus grande que Dracula, et la température moyenne un peu plus haute, la flore était plus dense. Trois satellites naturels tournaient autour de cette planète : Artémis, Sélène et Hécate.

La jeune recrue était donc sur une planète belle grâce à la faune et la flore mais agitée à cause de la guerre. Elle était excitée à l'idée de tuer des ennemis, pas parce qu'elle aimait faire couler du sang mais parce qu'elle était fière de servir son empire. Plus tard, elle avait fait de nombreux exploits : elle avait tué cent cinquante soldats ennemis en deux batailles et grâce à elle, ils ont franchi la barrière invoquée par les Elfes. Enfin, là-dessus, elle avait exposé son idée à son commandant qui s'en était appropriée...

En conséquence, ils gagnèrent du terrain et une soirée en son honneur fût organisée par les proches de Gwenda, avec des bouteilles de whisky et quelques boîtes de conserve. Elle ne s'était jamais sentie aussi admirée par les autres ! D'habitude, c'était "Qui es-tu ? D'où viens-tu ? Pourquoi tu n'as pas de dents ?" Mais là, c'était "C'est toi qui as tué cent cinquante Elfes en deux batailles ? Incroyable!"

Elle était très heureuse jusqu'au jour où tout chamboula.

Le Mercredi 27 Battiblé, Gwenda sortit au clair de lune. Elle avait été appelée par le commandant qui l’avait informé qu'on avait besoin de ses compétences. Elle était insérée dans une compagnie qui comptait environ cent militaires. Celui qui menait le groupe était le Capitaine Asshol (elle se souvenait d'ailleurs des blagues de ses compagnons qui le surnommaient "Capitaine Trou-du-Cul"). Ils marchaient vers un village elfe. Le capitaine avait annoncé qu'ils allaient éliminer des ennemis.

Quand ils arrivèrent devant le village, ils se cachèrent derrière les arbres. Différemment des autres soldats, Gwenda avait des lunettes à vison nocturne. La bourgade n’abritait pas loin de trois cent villageois. C'était principalement des cultivateurs de riz qui y habitaient. Des lanternes volaient dans le ciel étoilé : elles brillaient de toutes les couleurs de l'arc-en-ciel ! L'adolescente les admirait. Elle n'avait jamais rien vu de joli !

Le capitaine brisa la bonne ambiance :

- Quand je donne le signal, vous attaquez.

- Qui ? demanda Gwenda, confuse.

- Les villageois ! Quelle question !

- Pardon ?! s'exclama-t-elle, choquée. Je croyais qu'on allait éliminer nos ennemis !

- C'est ce qu'on fait, soldate !

- Mais ils ne sont pas armés !

- Ils sont dangereux ! Ils ont des pouvoirs magiques !

- Mais ils n'ont rien fait de mal à ce que je sache !

Il s'approcha d'elle, l'air menaçant.

- Pas encore mais ils le feront une nuit.

Elle n’objecta pas.

- Si vous voulez, vous restez ici. Il n'y a pas de problème. Par contre, nous aurons un entretien.

Elle réfléchit puis répondit :

- D'accord. Je viens.

Il se tourna vers les autres soldats.

- Go !

Ils partirent. Quand ils entrèrent dans le village, des cris s'élevèrent. Les soldats impériaux attaquaient un par un. Ce fût un vrai massacre ! Les Elfes Blancs ne pouvaient se défendre contre eux : ils étaient plus rapides qu'eux. Malgré leurs pouvoirs magiques, ils ne pouvaient pas rivaliser contre leur technologie bien avancée. Les combattants les plus riches possédaient un pistolet à canon unique. Le tir était plus impressionnant que celui des arcs et des arbalètes.

Puis, il restait les machines de guerre. Cette nuit-là, ils avaient deux robots avec eux. Ils avaient été emportés pour être testés. Ils ressemblaient beaucoup à des chevaliers. Ils mesuraient deux mètres de hauteur. Leurs armures étaient noires comme la nuit. Ces chevalier-robots portaient des coups impressionnants : ils écrasaient les Elfes comme des mouches et les flèches elfiques ricochaient sur leurs armures.

Rien à faire ! Les Elfes nocturnes étaient condamnés à mort ! La jeune soldate regardait autour d'elle sans agir. Elle était pétrifiée par ce qu'elle voyait. "Pourquoi me suis-je engagée dans l'armée ? Est-ce la vie d'un soldat, ça ?" Elle comprit à ce moment-là pourquoi Maître Gauvain voulait partir. La voix de Capitaine Asshol la surprit :

- Soldate ?! Que faîtes-vous plantée là ?! Servez-vous de votre épée, bon sang !

Quand il la poussa sur son épaule, elle réagit en s'exclamant :

- Non ! Je ne peux pas !

- Si, vous le pouvez ! Vous qui avez tué cent cinquante Elfes...

- Non, je ne peux pas faire ça !

- Bon, d'accord. J'ai une idée pour remédier à cela...

Quand le combat s'acheva, Gwenda vit avec surprise que les soldats emmenaient des otages. Pourquoi les avaient-ils gardés en vie ? Quelques gouttes rougeâtres décoraient leurs armures. Les otages, eux, étaient couverts d’ecchymoses et de sang. Le capitaine s'avança vers elle, le sourire aux lèvres.

- Soldate Gwenda ! Si vous ne pouvez pas tuer des Elfes Blancs durant le nettoyage, vous pourriez au moins exécuter des otages ?

- Pardon ? Des otages ? dit-elle, étonnée.

- Oui. Alors, qu'en dîtes-vous ?

Elle jeta son regard sur les otages puis sur le capitaine. Les Elfes avaient peur alors que le capitaine n'éprouvait que du plaisir. On disait sur Dracula que seuls les Draculiens malades avaient soif de sang. Là, elle obtint la preuve du contraire !

- Non, je ne veux pas faire couler du sang d'un innocent !

- Ils ne seront plus innocents pour très longtemps ! Tous les soldats Elfes étaient civils avant, comme nous tous ! Alors, vous me ferez plaisir de les tuer avec votre épée !

- Non !

Il empoigna son bras. Rapidement, il la mena vers les otages.

- Tuez-les !

- Non ! Allez-vous faire foutre ! s'exclama-t-elle en se dégageant de lui.

Les soldats poussèrent des cris de consternation. Cpitaine "Trou-du-Cul" devint rouge de colère. Il s'avança doucement vers elle. Puis, sa bouche s’approcha vers son oreille. Il avait une haleine fétide qui lui donnait la nausée !

- Soldate, écoutez votre raison. Si vous me désobéissez, vous serez considérée comme une traîtresse. Vous ne voudriez pas perdre votre belle réputation, n'est-ce pas ?

- Je préfère perdre ma réputation que mon honneur.

- Et Sir Gauvain ? Vous avez pensé à lui ? Vous ne voudriez tout de même pas le faire décevoir.

Elle ne l'avait pas pensé, en effet...

- Alors ? Bien réfléchi ?

Il s'éloigna d'elle. Le cœur de Gwenda battait contre sa poitrine. Tout d'un coup, elle avait froid. À travers ses lunettes à vision nocturne, elle voyait les gens terrifiés, qui attendaient son jugement. Ils marmonnaient des mots incompréhensibles. Elle ne savait pas parler leur langue mais elle devina qu'ils priaient.

À contrecœur, elle s'approchait des civils. Ses pas étaient lourds : sa bonne conscience lui disait de reculer, alors que sa mauvaise conscience lui disait d'avancer. Elle s'avançait vers eux pour Maître Gauvain. Est-ce qu'il approuverait sa décision ? Elle l'ignorait. Tout ce qu'elle savait, c'était qu'elle ne tenait pas à le décevoir.

Elle tremblait. Elle ne voulait pas commettre cet acte-là ! Pourtant, elle devait le faire ! Pour Maître Gauvain ! Elle était partagée entre le devoir et son principe. C'était un vrai dilemme ! Elle s'arrêta. L'otage était un homme qui avait une grande carrure.

- Pourquoi pas le petit garçon ? lui proposa le capitaine. Si tu commences par le plus facile, tu ne pourras pas faire le plus difficile après.

Elle devint encore plus effrayée. Comme si elle n'avait pas la vie assez difficile ! Elle avait envie de tuer plutôt lui. Le capitaine Asshol. Le capitaine Trou-du-Cul !

- Allez, si vous commencez par le petit garçon, je vous promets que vous n'auriez pas de sanction. En résumé, vous garderez votre poste.

Mais pourquoi fallait-il qu'il en soit ainsi ?! Le petit garçon était au bout de la file, à gauche. Il pleurait à chaudes larmes. Les soldats étaient indifférents : ils admiraient le spectacle avec joie. Gwenda avait pitié de lui. Elle marchait vers lui aussi lentement qu'un faucheur.

Elle s'arrêta face au petit Elfe. Il avait une chevelure blonde et des yeux bleus. Ses oreilles plus pointues que celles d'un Draculien dépassaient ses cheveux qui touchaient ses épaules. Il lui manquait une dent (sûrement une dent de lait qui était tombée). Soudain, sa mère, qui se tenait à côté de lui, fit obstacle à elle. Elle implora qu'on lui épargnât sa vie. Sûrement qu'elle était prête à prendre sa place.

- Couche-toi, idiote ! lui cracha un soldat en donnant un coup sur la poitrine avec son pied.

Elle tomba sur son dos. Gwenda était presque sur le point de craquer : elle avait envie de jeter son épée et de déserter ! Mais il fallait qu'elle allât jusqu'au bout ! Alors, elle sortit son épée. Le poignet était doré et la lame était aussi fine qu'un cure-dent. Elle observait les yeux bleus du petit blond. À force de pleurer, ses yeux avaient rougi. Il paraissait si fragile...

Comme elle souffrait de voir le petit garçon pleurer, elle ferma les yeux. Elle entendait encore la mère hurler, en plus des pleurs de l’enfant. Elle se construisit un vide autour d'elle. Non, en elle. Il fallait qu'elle mette de côté sa gentillesse. Il fallait qu'elle obéisse à son capitaine. Il fallait qu'elle change. Il fallait qu'elle devienne autre chose.

Elle leva son épée.

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