Damian

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Trois mois avant l'adoubement de Gwenda, Damian, le fils du général Alessander, l'avait invité dans un petit restaurant. C'était la première fois que quelqu'un l'avait convié à boire un verre. Elle avait accepté cette invitation sans savoir la raison de celle-ci.

Dans une rue bien animée, il y avait un restaurant chic. Une demi-douzaine de tables était aménagée à l'entrée. Au milieu de chaque table, était posée une bougie. Le nom de l’établissement était sculpté en bois au-dessus de l'entrée. Gros et raffiné, il affichait en rose "Au bonheur de Vénus". Gwenda connaissait à peine la mythologie atlante mais elle savait (si elle se souvenait bien) que Vénus était la déesse de l'amour. Voilà un nom qui attirait les couples d'amoureux !

Damian l'attendait, assis à une table. À son plus grand étonnement, il s’était vêtu d’habits encore plus raffinés que d'habitude : il portait un manteau en soie rouge et une écharpe blanche. Ses bottes brillaient tellement qu'elle avait l'impression qu'elles étaient neuves. Si ça se trouvait, il venait de les acheter ? Puis, sa coupe : il avait mis beaucoup de gel ! En voyant le style bien ridicule de son ami, elle s'esclaffa :

- Qu'est-ce que tu fais, habillé comme ça ?! Tu vas à une réception ou quoi ?!

- Non, pas du tout. Je suis juste habillé pour... euh...

- Ne te fiche pas de moi ! Je sais que tu as un style vestimentaire assez mondain mais tu ne t'habilles jamais comme ça ! rigola-t-elle. Allez, dis-moi : où vas-tu aujourd'hui ?

Il ne répondit pas, l'air étonné. Il regardait son amie de haut en bas et son visage exprimait de la déception. À côté de lui, Gwenda portait des vêtements du quotidien : robe de ville rouge carmin, bottes marrons un peu usés et cheveux attachés en une queue-de-cheval. La belle rousse s'assit sur la chaise devant lui et interrogea :

- Alors ? Que boit-on ?

- Euh... J'ai commandé deux verres, répondit-il en se réveillant de ses pensées. Comme tu es une femme, j'ai pris une limonade pour toi.

- Et pour toi ? demanda-t-elle, un peu vexée par son propos misogyne.

- Un verre de vin.

Le serveur arriva avec les deux verres et disparut.

- Alors ? Pressée de devenir chevalière ? lui demanda Damas.

- Oh oui ! J'ai hâte ! s'exclama-t-elle, heureuse et impatiente comme une enfant.

- Je peux bien te croire : je n'imagine même pas ce que c'est que de devenir chevalier. C'est comme si tu devenais un homme... Ou une femme.

Son ami avait un an de plus qu'elle. Il avait pris prépa pour suivre une formation d'officier juste après.

- Tu sais ? Tu mérites de devenir officière. Tu es forte, brave et intelligente. Tu as toutes les qualités requises pour devenir une grande chef.

- Oh ! Sympa comme compliment ! Mais je ne suis pas aussi parfaite que tu le crois : Gauvain dit que je suis encore trop impulsive pour devenir caporal-chef ! blagua-t-elle. Et puis, je ne suis pas Draculienne : je ne peux pas accéder à la classe des sous-officiers.

- Oui, c'est dommage, mais tu es tout de même jolie.

- Oh ! Merci ! dit-elle, un peu surprise. Puis-je savoir pourquoi tu m'as invité dans un resto qui porte le nom d'une déesse de l'amour ? demanda-t-elle.

Il ne répondit pas. Il décida de faire un pas en avant :

- Je t'aime.

Silence. Gwenda resta figée.

- Tu m'aimes ? Comme un ami ou comme un amoureux ?

- Comme un amoureux.

"Très gênant..." pensa-t-elle en grimaçant. Elle répondit, gênée :

- Désolée. Je ne t'aime pas.

Il se raidit, comme s'il avait reçu un coup de poignard en plein cœur. Elle attendit une réponse de sa part mais rien ne sortit de la bouche de Damian.

- Écoute, tu es mon ami et je t'apprécie comme tu es. Tu es le seul de l'Académie à m'accepter comme je suis, mais ça s'arrête là. Je ne suis pas amoureuse de toi... Nous ne sommes pas faits pour être ensemble.

Le visage de Damian changea d'expression : il passa de la surprise à la colère.

- Que dis-tu ?... Tu dis que tu n'es pas amoureuse de moi ?

- Oui.

- Qu'est-ce que je n'ai pas pour toi ?

- Je ne sais pas. Peut-être l'humilité ?

- L'humilité ? Je ne suis pas assez humble pour toi ?!

- Ben, c'est vrai que si tu participais à un concours d'humilité, tu serais en bas du classement. Mais ce n'est pas la question d'humilité qui pose problème, c'est que je ne suis pas du tout intéressée par toi. C'est comme ça et ça ne changera jamais.

- Alors, est-ce ainsi que j'entends : je ne peux jamais t'accéder ? Te prendre dans mes bras et te posséder ?

- Me posséder ? Non, ça, jamais de la vie ! Plutôt mourir que de vivre enchaînée !

- Alors... Tu m'as menti ?

- Pardon ?! Te mentir ?! Mais tu ne vas pas bien, toi ! Tu ne me connais pas très bien, dis donc ! Je ne t'ai jamais menti une seule fois !

- Si, tu m'as menti ! Tu m'as séduit ! Tu m'as bercé d'illusions ! J'aurais dû écouter les autres ! J'aurais dû ne jamais t'adresser la parole ! Comme cela, je ne serais pas déçu par la dure réalité ! Tu n'es qu'un mons...

Elle le frappa. C'était un réflexe instinctif. Un bref souvenir qui avait passé par son esprit et qui lui avait fait ressentir la colère d'autrefois. Un geste qu'elle avait plusieurs fois envie de donner à ses camarades de l'orphelinat. Sauf que ce geste qu'elle devait donner à eux était passé sur Damian...

Il tomba. Il cracha une canine pointue et ensanglantée.

- Qu'est-ce que...?! M'as-tu frappé ?! Toi ?!

- Oui, c'est bien moi qui t'ai frappé ! Dit-elle, rouge de colère. Tu ne t'attendais pas à ça, pas vrai ?!

- Mais... Toi qui es si douce... Enfin, à part ton caractère fort, tu ne frappes jamais !

- Ton ancien maître ne t'a donc rien enseigné ? Tu devrais savoir qu'il faut toujours se méfier de l'eau qui dort !

- Gwenda...

- Non ! Si c'est comme ça que tu me vois... Comme un monstre... Ne t'approche plus de moi !

Elle se retourna. Après avoir parcouru deux mètres, elle se retourna pour lui dire :

- Et si tu me fais encore des avances, tu perdras une autre canine et tu ressembleras à un vampire mutant !

Dire à un Draculien qu'il était un vampire mutant était une insulte. Elle le savait mais si, lui, il l'avait insulté, pourquoi ne le ferait-elle pas ? Elle quitta les lieux, au milieu de tous les regards curieux.

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