Un combat entre amis

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Gwenda se retourne brusquement. C'est Damian ! Le fils du général Alessander ! Et son ancien ami...

Ils restent immobiles, à se regarder dans le blanc des yeux. Alors que Gwenda ne réagit pas parce qu'elle est désolée d'avoir commis le meurtre, Damian est pétrifié car il vient de perdre son père. Eh oui ! Elle a tué le père de son ancien ami ! Même s'ils ne sont plus amis, leur lien reste fort. Ceci vient de se briser par une coulée de sang.

Les larmes commençant à couler sur ses joues, l'orphelin s'exclame d'une voix étranglée :

- Tu as trahi l'Empire ! Tu as tué le général de l'armée impériale ! Tu as tué mon père !

- Ecoute, Damian...

- Non ! Toi, écoute ! Tout ça... Tout ça pour quoi, hein ? Pour venger la mort de Sir Gauvain, ton ancien maître ? Ton plus proche ami ? Cette quête de vengeance t'a fait complètement perdre la tête!

- Damian, ton père était un assassin !

- Non, c'était un héros ! C'est toi, l'assassin ! C'est toi qui as tué les Mousquetaires ! Maintenant, ta dernière victime est mon père !

Gwenda regarde le corps d'Alessander. Elle aurait bien aimé que cela se passe autrement...

- Tu es un monstre, la juge-t-il.

Elle sent la culpabilité peser sur ses épaules. Malgré son envie de succomber à la tristesse, elle garde son sang-froid. La tête haute, elle répond :

- Parce que ton père ne l'était pas ? Il a tué tant d'innocents durant les guerres qu'une purge ne suffirait pas à laver tous ses crimes.

- Des innocents, tu dis ? C'était des mages qu'il a tué ! Des mages, tu entends ? Des fils du Seigneur du Feu !

- C'est ce qu'il te fait croire, mais ce sont des gens comme les autres. Ils sont normaux.

- Pourquoi te mets-tu à les défendre tout d'un coup ?! Tu as pris de l'affection pour ces... Démons ?

- Oui, j'ai pris de l'affection pour eux car ils valent mieux que vous, soldats impériaux. Vous êtes si arrogants que votre propre gloire vous mènera à votre propre chute, un jour.

- Pour qui te prends-tu ?! Tu n'es qu'une... Qu'une...

- Qu'une vermine ? Qu'une abomination ? dit-elle en s'avançant vers lui

Elle se trouve maintenant nez à nez face à Damian. Elle le regarde avec un air de défi. En refusant de se laisser intimider par ses yeux d'assassin, il soutient son regard.

- Ou alors, qu'un mage ?

Choqué, ses yeux grossissent. Que vient-elle de lui dire ? Qu'un mage ? "Donc, c'était donc cela ? Elle espionnait l'Empire pendant tant d'années ! Pourquoi ?" Déterminé et loyal envers son empire, il dévoile l'épée qu'il a prise près du corps d'un garde mort et touche l'abdomen de la meurtrière... Il se rappelle alors que les armes blanches ne lui font rien. L'épée brisée glisse de sa main.

- Tu as oublié le plus important ? rigole-t-elle. Il faudra que tu relises les livres à un de ces quatre !

Elle lève son arme. Le fils du général évite son attaque en reculant. Elle fait un autre coup latéral. Il l'esquive en la contournant. Il court vers le corps de son père pour saisir le couteau. Ce n'est rien mais au moins, il a quelque chose pour se défendre.

Quand il se retourne, la meurtrière n'est plus là. Une seconde plus tard, il la revoit passer devant la porte, poursuivie par trois gardes qui viennent de l'ascenseur. Il les suit. La fuyarde court le plus vite possible. Ces Draculiens sont plus rapides qu'elle. C'est pourquoi son ancien ami prend la porte sur le nez quand elle la ferme derrière elle pour aller aux escaliers de secours.

Elle gravit tous les trois pas de l'escalier. Le coeur battant, elle arrive tout en haut en une minute. Ses poursuivants montent aussi vite que des chats. Elle ferme encore une porte derrière elle, histoire de les gêner un peu durant leur course.

Une fois dehors, elle regarde autour d'elle. Elle est sur la terrasse, sur le toit de la tour principale. Haute de cinquante étages. "Pourquoi suis-je montée au lieu de descendre ?! Je suis bête !" s'énerve-t-elle.

Soudain, la porte s'ouvre. Damian et les trois gardes royaux sortent. Ils portent des uniformes rouges et des longs chapeaux noirs, avec une chauve-souris argenté sur le front. Gwenda se dresse face à eux, la tête haute.

- Tu fais ta fière ? dit Damian. Tu es une contre quatre !

- Le nombre ne m'a jamais posé de problème, répond-elle, déterminée.

Ils foncent tous sur elle. Elle court vers eux. Elle saute sur la tête de Damian. Elle lève son épée et atterrit sur l'un des gardes qui est derrière lui. Elle enfonce son arme derrière la clavicule droite. Des gouttes de sang tombent sur les feuilles bleues des plantes.

Elle se bat contre les autres. Sous la grande lune presque ronde, elle esquive et contre-attaque les coups de ses ennemis avec une telle agilité qu'elle paraît inhumaine. Elle désarme l'un des hommes et coupe sa main. Il crie de douleur. Elle évite le coup latéral du troisième garde en se baissant et donne un coup de pied sur ses parties intimes. Il se plie en quatre. Elle frôle le coup de Damian, qui doit-elle reconnaître, est le plus rapide.

Celui qui vient de perdre sa main l'attaque en utilisant cette fois-ci la main gauche, mais elle le décapite. Ensuite, elle touche la jambe gauche du troisième garde et donne un coup de pied sur son nez pour qu'il s'évanouisse.

Maintenant, Gwenda est seule contre son ancien ami. Leurs épées se croisent sans cesse. Elles font des étincelles blanches dans les ténèbres. Ni l'un ni l'autre ne se fatigue. Ils sont acharnés sur leur combat ! Alors que Damian veut à tout prix tuer la traîtresse, cette dernière est prise entre deux choix. Soit elle le tue, soit elle l'épargne parce que c'est son ami. "Mais il n'est plus mon ami ! Il est mon ennemi, maintenant !" Mais c'est plus facile à dire qu'à faire.

Soudain, il réussit à toucher sa tête. Elle perd l'équilibre. Sa robe dévoile ses belles jambes qui portent un collant noir. Le jeune Draculien ne bouge pas son regard de son corps pendant un moment. Elle est si forte, si belle qu'on pourrait la comparer à une déesse... “Mais elle est juste une sorcière, rien de plus !” Se ravise-t-il. Il pousse un rire mauvais.

- Comme le premier jour à l'Académie, tu es ridicule ! Tu ne peux rien contre moi : tu es faible ! Nous, les Draculiens, nous dominerons dans l'Univers et plus aucun autre peuple ne vivra ! Il n'y aura que nous ! Tu entends ? Que nous ! Parce que, vous, nains, anthropomorphes, sylphes et autres, vous n'êtes que des vermines ! Vous êtes indignes de vivre !

Il tourne autour d'elle, la menaçant avec l'épée.

- Tu as deux choix : soit l'abandon, soit la mort.

- Dans ce cas, je choisis la mort. Mais je n'ai pas fini : je peux me battre encore, dit-elle en se levant.

- Ah ! Avec ta robe ?! Tu es ridicule dans cette tenue.

- Pas aussi conne que toi.

- Sale chienne ! Tu vas mourrir ! déclare-t-il en levant son épée.

Contre toute attente, elle rit, ce qui fait arrêter son geste. Il fronce les sourcils : il a l'impression d'avoir affaire à une folle.

- Tu oublies qui je suis, commence-t-elle. Je suis l'orpheline qui a survécu à la rage noire !

Il écarquille des yeux et recule devant elle qui avance.

- Ah ? Tu ne savais pas ça, pas vrai ? Eh bien, maintenant, tu le sais ! Je suis la soldate impériale qui a tué beaucoup d'Elfes Blancs durant la guerre d'Alfheim, d'où je suis sortie en un seul morceau ! Je suis la vengeresse qui a tué des Mousquetaires à Namantes, à Parisia, à Straville et à Mercoeur ! À moi toute seule ! Je serais la première à lever l'épée contre les deux empires, celle qui mènera des guerriers vers la justice ! Nous serons les neuf planètes unies en une seule compagnie : Odin, Morgana, Echo, Alfheim, Dracula, Nidaheim, Poséidon, Râ et Niflheim !

Le jeune homme tremble de tous son corps : elle n'est plus celle qu'il connaît, l'adolescente qui paraît épanouie alors qu'en réalité, elle ne s'aime pas. Devant lui, se tient une femme sûre d'elle, qui assume entièrement ce qu'elle est... Effrayante. Il manque de perdre l’équilibre : il se trouve désormais au bord du toit. Il fait un pas en avant pour être en sécurité.

- Donc, je ne suis pas une sale chienne. Je suis Gwenda Coeur d'Argent, de Niflheim et je suis Meneuse de loups !

Sur ce, elle lui enlève son œil gauche avec son épée, faisant gicler des gouttes de sang dans les airs. Le borgne pousse un cri strident et protège son orbite vide avec sa main. Soudain, une image d'Yvie repasse dans l’esprit de la jeune fille : elle la revoit, le visage brûlé, l'œil gauche manquant.

Damian profite de son manque d'attention pour la saisir et la projeter dans le vide. Par réflexe, elle saisit le bord grâce à sa main droite. L'épée de la guerrière disparaît dans le vide. Pour trouver l'équilibre, elle s'accroche avec l'autre main. Regrettant aussitôt son geste, Damian s'avance vers elle pour la rattraper. Gwenda crie :

- Non ! Ne t'approche pas de moi !

- Gwenda, s'il te plaît, remonte !

- Après tout ce que tu as dit sur les autres peuples ? Même pas en rêve ! Je préfère mourir par la chute que par le feu !

- Gwenda... Je t'aime trop pour te laisser mourir.

- Alors, suis-moi si tu m'aimes assez !

Sur ce, elle se laisse tomber dans le vide. Damian crie "Non !" et essaie de l'attraper avec ses mains mais c'est trop tard : elle est déjà loin. Il la regarde s'éloigner. Il la compare à un pétale qui chute d’un cerisier. Les fleurs sont jolies mais elles périssent vite.

- GWENDA !!!

Sereine, la guerrière sent le frottement du vent sur son corps provoqué par la chute libre. Elle observe la tour, les étoiles et la lune Magna. La chute s'accélère de plus en plus. Le vent devient de plus en plus violent. Elle se dirige tout droit vers le sol. Elle ferme les yeux et se remémore.

Tout son passé se défile. Du plus ancien au plus récent souvenir. Gwenda qui s'amuse avec ses amis d'enfance, Eduard, Akim et Katia. Gwenda qui prend soin de Mimi le petit chien blessé. Gwenda qui apprend à se battre à l'épée et au tir à l'arc grâce à Maître Gauvain. Gwenda qui s'excuse auprès de Damian dans sa chambre d'hôpital. Gwenda qui se réconcilie avec celui qui était comme son père, dans sa chambre d’adolescente. Gwenda qui rit avec Nikita et Vlad autour d'un feu de camp militaire, avec des boîtes de conserve dans les mains. Gwenda qui joue avec Louna la louve. Gwenda qui écoute les histoires d'Yvie tout en contemplant les constellations.

Ainsi, c'est son passé. L'histoire de toute sa vie. Celle qui a fait d'elle ce qu'elle est aujourd'hui. Et elle s'achève ici.

Tout à coup, au moment où elle se trouve à cinquante centimètres du sol, tout l'environnement change comme par magie. Splash ! Elle plonge dans l'eau. Des bulles dansent autour d'elle et remontent vers la surface. Seul le reflet de la lune à la surface du fleuve brille faiblement les profondeurs sombres, faisant apparaître des milliers d’étoiles. La surface du milieu marin ressemble à un ciel rempli de constellations. Malgré sa vue floue, elle est émerveillée par la vue. Tout ce qu’elle vient d’éprouver jusqu’à maintenant disparaît d’un coup. Tout n’est que vide désormais. Juste elle et les étoiles.

Elle aurait pu mourir mais le destin en a décidé autrement. Elle est soulagée d’être encore en vie. Maintenant qu’elle a accompli sa quête, reste à savoir ce qu'elle fera demain.

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