Londine

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Dans son bureau, le général Alessander secoue nerveusement son stylo-plume avec ses doigts. Des rides d'anxiété s'affichent sur son front. D'habitude, c'est un homme décontracté qui profite du luxe et des plaisirs qu’offre Londine. Mais là, c'est la première fois qu'un souci le tourmente. Pas n'importe quel souci. Le souci de la mort. Pourtant, il est âgé de trois cent-vingt ans : il a encore deux cents soixante-dix ans à vivre avant de mourir de vieillesse ou d'une maladie neuro-dégénérative. Malheureusement, la mort le poursuit.

Dans les livres d'horreur, la mort prend plusieurs formes : faucheur, fantôme, zombie ou alors la bête. Lors de son séjour sur Râ (pendant sa jeunesse), il a entendu plusieurs légendes chez les hommes-chats (il oublie tout le temps le nom de cette espèce). Chez eux, leur dieu de la mort à une tête d'un canidé. Ils croient qu'après le décès, des esprits sous la forme de chacals prennent les âmes des défunts pour les emmener vers le monde des morts, pour ensuite être jugés par le dieu lui-même. Bien qu’avant, il trouvait le chacal moins insignifiant que le tigre, il le craint désormais.

Il a appris la mort des Mousquetaires à Mercœur en lisant dans un journal. "Deux Mousquetaires sont morts de façon abominable et un est brûlé au dos." Le survivant a été emmené à l'hôpital. Tout ce qu'il a dit, c'est qu'il a été frappé à la nuque alors qu'il vaguait dans ses occupations. Il a raconté qu'ils tenaient une mage au cachot pour qu'elle soit jugée. La reine, suspicieuse, a décidé de s'entretenir avec lui dès qu'il serait sorti de l'hôpital, pour avoir plus d'explications.

Il est soulagé qu'il n'ait pas révélé leur secret mais un détail le tourmente. "Le chef des Mousquetaires avait des traces de morsures partout sur son corps, probablement ceux d'un loup d'après les experts." Depuis, ça l'a travaillé. Si elle a fait appel à la magie, c'est qu'elle a découvert sa nature. Si une nuit, elle apprend l'identité de l'assassin de son ancien maître, elle ne rigolerait pas avec lui ! Elle n'hésiterait pas à utiliser son don pour aller jusqu'au bout de sa quête. Et si elle le rencontre, elle le tuera.

"Pourquoi pas un magicien des lapins ou un magicien des écureuils ? Non ! Il fallait que ce soit une magicienne des loups !" se répète-il à chaque fois qu'il pense à elle. Il fallait que Sir Gauvain, le meilleur ami du roi Arthur, emmène un démon ! Il fallait qu'il l'élève comme sa propre fille alors qu'elle n'était même pas Draculienne ! Et il fallait qu'elle s'engage dans l'armée pour servir la couronne de l'empereur ! Maudit soit ce Gauvain !

Gwenda. Ce nom... Si breton. (Il s'est demandé longtemps d'où venait ce prénom.) Un nom commun chez les Morganiens du Nord-Occidental. Un nom qui inspire la pureté. “La pureté... Mon oeil, oui ! Cette rousse est un démon !” pense-t-il avec mépris.

Il jette un coup d'œil dehors. Les passants marchent dans la rue. Ils ont l'air content ou ennuyé. Comme il envie leur insouciance ! Il regarde le ciel. L'une des deux lunes, Parva, terminera bientôt son cycle. Dans quatre nuits, elle sera une nouvelle lune, symbole de mort. Il maudit encore Sir Gauvain. "Gwenda... Même en vieillissant, il n'a jamais perdu son sens de l'humour !"

Soudain, il entend un petit garçon crier dans la rue, à travers le verre de sa fenêtre : "C'est bientôt la fête nationale ! Venez tous ! Ce sera super amusant !" L'air amer, il pense : "C'est bientôt le retour de Miss Gwenda, aussi."

***

Gwenda arrive à Londine. La Grande Londine, constituée d‘une cité et de trente-deux districts, compte 9,5 millions d’habitants. La Cité de Londine a un important rôle financier et historique. Elle date du milieu du deuxième millénaire, au temps où les nomades se sont installés définitivement sur la rive nord du fleuve Tamésie. Plus tard, le Pont de Londine a été construit pour favoriser les flux commerciaux et le village s’est développée autour de ce pont. En 3018, les Londiniens décidèrent de construire d’autres ponts, voyant que les échanges commerciaux augmentaient et qu’ils créaient des bouchons sur le Pont de Londine. La ville s’agrandit alors le long du fleuve, atteignant treize arrondissements à la fin du quatrième millénaire. La cité et les douze premiers districts forment la Londine Centrale.

Tout autour de celle-ci, sont situés les vingt derniers districts, qui sont en fait les villes de la banlieue métropolitaine, sans être insignifiantes pour autant. Par exemple, Kingthames est l’un des trois districts royaux et le premier aérodrome ayant servi durant la Guerre des Vingt ans (entre les sylphes et les vampires) est bâti dans le district de Helsnow. La ville de Richard abrite le tombeau de la première reine de la Britannique, morte en 2903. Crucius est un technopôle très important en Britannique ; c’est là où on fabrique beaucoup de pièces pour la construction des vaisseaux spatiaux et les machines de guerre.

Quand Gwenda sort de la Gare de Newston, une impression de familiarité l'envahit, comme le jour de son retour d'Alfheim. Bien sûr, le jour où elle revenait de là-bas, la première chose qu'elle a fait était de pleurer, pour avoir été encore en vie. Tous les autres compagnons sont morts au combat alors qu'elle, elle a survécu. Mais là, cette fois-ci, elle ressent plutôt autre chose, car Londine n'est plus sa maison. Tout à coup, un garçon qui tient des journaux dans ses bras déclare :

- Aujourd'hui, c'est la fête nationale !

"Ah oui ! La fête nationale..." Elle l'a complètement oublié ! Elle était tellement préoccupée par sa vengeance qu'elle n'a pas suivi le calendrier ! Elle se traite d'idiote et pense : "Si ça se trouve, Alessander doit être déjà chez le roi, comme tous les ans." Elle décide alors de passer chez elle pour se préparer au bal. Elle devra régler un compte avec le général Alessander, le père de son ancien ami Damian.

Elle accélère le pas. Elle prend un tramway rouge qui l’emmène dans une rue pas loin de chez elle, qui est un HLM. Le mur doit bientôt refait car la peinture est en train de partir. Elle s’avance vers l’entrée de l’immeuble.

- Bonsoir, vous êtes anxieuse.

Surprise, elle se retourne. C'est une vampire originaire des Terres des Dragons, où ils ont les yeux bridés. Elle porte une robe violette avec des fleurs dorées pour motif, des boucles d'oreille or et un collier en forme d'étoile. Pour une femme qui va au bal, elle ne s'est pas habillée de façon extravertie. Son visage est fin et ses sourcils petits, et elle est un peu ridée. Elle lui rappelle Alfheim car, là-bas, les ennemis avaient aussi les yeux bridés.

- Oui, tout à fait, répond-elle, non ravie de parler à une étrangère.

- Moi aussi, mais sûrement pas pour la même raison, dit-elle en toute franchise.

Gwenda hoche la tête. "Evidemment, pas pour la même raison !... Mais de quoi elle parle ?"

- Vous savez ? Vous pouvez vous confier à moi. Je sais tout à fait qui vous êtes, reprend-elle.

Cette femme commence à l'intriguer beaucoup. Contrairement à elle, l’étrangère est très timide. Tellement timide qu'elle ne laisse entrevoir aucun sentiment, à part ses épaules tendus. Bien qu’incrédule, Gwenda lui demande :

- Qu'est-ce que vous voulez ?

- Je ne veux rien. Je suis juste venue vers vous pour vous aider à rentrer chez vous, sur Morgana. Bon, dit comme ça, ça fait un peu bizarre. Mais bon, je me culpabiliserais si je laissais derrière moi une personne en souffrance alors que je pouvais l’aider.

Gwenda écarquille des yeux. Elle avait l'intention d'aller sur la planète des plus puissants magiciens de la Voie Lactée, après son entretien avec Alessander.

- En fait, je ne viens pas de Morgana.

- Ah bon ? Pourtant, vous ressemblez beaucoup à une Morganienne sauf votre taille. Vous êtes plus grande qu’un Morganien. La taille moyenne d’un homme breton est de 1 m 67, et celle d’une femme 1 m 54.

“Ah oui ! En effet, je suis grande !” En résumé, Gwenda mesure 1 m 72.

- En fait, vous avez plutôt la taille de celle d’une femme de la planète Odin.

- Oui, oui, dit-elle, non intéressée. J’aimerais savoir qui vous êtes car je ne comprends rien !

- Ah... Désolée, j'ai tendance à mal m'exprimer, dit-elle en baissant le menton. Je m'appelle Mori Hana, de Morgana. Je suis une demi-elfe... Et mon prénom est Hana, pas Mori.

Gwenda est encore plus perdue. Elle ne s’attendait pas à rencontrer une magicienne autre qu’Yvie, et encore moins une demi-elfe. “Cette femme est une demi-elfe ? On ne dirait pas... à moins que ce soit des fausses dents ?”

- Quand je vous ai vu il y a une minute, j'ai remarqué que vous étiez stressée, grâce à vos mauvaises ondes.

- Ah ! Oui...

- Ah oui ! J’ai oublié ! En ce moment, j’utilise mes pouvoirs d’hypnose : je ne ressemble à une vampire pâle, grande et âgée.

“Ah ! Ça explique pourquoi !”

- Pourquoi êtes-vous sur Dracula ?

- Je ne peux pas dire pourquoi je suis ici car c’est top secret. Je suis une espionne de l’Empire d’Odin. Je dois aller au bal pour espionner le roi et ses proches. Si vous voulez, nous nous reverrons après la soir... Enfin, la matinée plutôt, vu que ça se passe en fin de nuit... Devant le château ?

- D’accord, j’y réfléchirai.

Elles se quittent. Gwenda rentre dans son appartement. Enfin, chez elle ! Elle retrouve son appartement, simple et étroit. Elle va dans la cuisine pour allumer la chaudière afin de réchauffer l'eau. Elle entre dans la salle de bain pour se laver. Ensuite, elle se choisit une robe noire avec des rayures verticales violettes, un chapeau décoré de fleurs violettes et un masque de théâtre blanc, afin de ne pas être reconnue par ses connaissances de loin.

Après, elle se couche sur son lit pour cinq minutes. Elle pense à ce qu’elle ferait après. Elle n’avait pas prévu de partir. Avant de quitter Londres, elle a prévu de tuer l’assassin de Maître Gauvain et de revenir chez elle pour reprendre sa vie. Sauf qu’après tous les évènements et les révélations imprévues, elle se rend compte qu’elle devra quitter l’Empire de Dracula pour sa sécurité.

“24 Moisson, à midi, sur le Grand Pont !” lui a dit Maître Gauvain avant de mourir. Le rendez-vous aura lieu demain. Si elle ne se fait pas prendre au bal, elle pourra s’y rendre demain. Elle se demande ce que signifie cette phrase. Est-ce un rendez-vous avec un ami de Gauvain ? Quant à la proposition de l’étrangère, elle ne sait pas si elle peut accepter. Elle ne la connaît pas donc elle n’a aucune raison d’aller la revoir. Peut-être qu’elle le fera si elle la recroise durant la fête ou que ça tourne mal ?

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