Cazanotz

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Gwenda marche dans la forêt. Les feuilles paraissent noires sous le ciel étoilé, ce qui rend cet endroit encore plus lugubre. Maître Gauvain lui a raconté : "Je me souviens de cette impressionnante forêt ! Même sous le soleil de midi, les feuilles étaient noires comme la nuit ! En conséquence, mes collègues et moi appelions cet endroit "la Forêt Noire". Ses arbres étaient incroyablement grands : entre quatre-vingt et cent trente mètres ! Nous n'avions jamais vu de tels ! Les animaux qui étaient petits sur Dracula étaient grands, et inversement. Tu pouvais croiser un dragon de la taille d'un oiseau ou encore un lynx plus gros qu'un tigre. Magnifique et sombre, la forêt cachait ses mystères. Ce fût pourquoi nous appelions cette planète "Niflheim", qui veut dire en langue sylphe "Monde de la Brume"."

Gwenda aurait bien aimé visiter cette forêt. Voir les arbres aussi grands que des tours et les animaux aussi magnifiques que dans les livres. Voir le ciel rouge écarlate à l'aurore et la plus grande lune de la galaxie illuminant la nuit. Maître Gauvain lui a tant décrit cette planète, jusqu'aux moindres détails. La seule chose qu'il n'a pas pu raconter était la population Native, douée dans la discrétion.

Pendant ce temps, des yeux blancs l'observent avec intérêt. Dans l'ombre, ils paraissent menaçants : ils ont des grandes ailes et des griffes acérées. Tout à coup, l'un d'eux se lance rapidement sur Gwenda pour l'emporter dans le ciel ! Surprise, elle secoue ses jambes et ses bras. Elle lève les yeux au ciel : c'est un chiropien ! Il a un corps d'homme mais des ailes et un visage de chauve-souris. Ce sont des créatures malfaisantes : ils kidnappent des gens pour ensuite les manger. "Je ne veux pas finir dans la bouche d'un de ces monstres !" pense-t-elle, paniquée.

Elle regarde en bas : ils sont à deux cents mètres de hauteur ! Son cœur bat très vite et sa tête tourne. Elle lève son menton pour ne pas avoir de vertige. Elle ne sait pas quoi faire dans les griffes de ce monstre : les pieds griffues serrent ses bras tellement fort qu'elle a mal !

- Lâche-moi, sale monstre ! ordonne-t-elle.

- Ah oui ? Tu as envie de tomber dans le vide ? rigole-t-il.

- Oh oui ! Ce serait vraiment marrant ! répond l'autre qui se trouve à sa droite. Entendre ses os craquer et voir le corps rebondir comme un caillou ! Viens, qu'on essaye !

- Non ! Le maître la veut vivante !

"En plus, je serai le repas du roi !" se dit-elle, mécontente.

Ils arrivent dans une grotte. Ils parcourent une bonne centaine de mètres avant d'entrer dans un "hall" où la lumière lunaire illumine le grand rocher, en passant par le trou au plafond. Ils la lâchent comme un sac. Elle tombe sur ses genoux. La chute crée des trous dans le pantalon de la jeune fille.

- Eh ! Doucement, espèce de brutes ! s'énerve-t-elle. Votre maître veut peut-être aussi me voir en un seul morceau !

- Ah ! Enfin ! Ce n'est pas trop tôt ! s'exclame quelqu'un.

Elle se retourne, surprise par la voix grave et suave. Elle voit seulement deux gros yeux globuleux. D'autres yeux nyctalopes l'observent aussi, mais ils sont loin et en hauteur. Ils sont autour d'une centaine voire plus. Cela lui fait froid dans le dos !

- Qui êtes-vous ?! Le maître ?! dit-elle, énervée. Je vous préviens que j'ai une épée !

- Eh ben, tant mieux ! J'aime bien les défis !

- Quoi ?

Mais cette créature poilue ignore sa question.

- Je me présente : je suis Casanotz, maître des Chiropiens de la Gabalie.

- Casanotz ?

Elle pouffe de rire.

- Pourquoi ris-tu, étrange créature ?! s'emporte-il.

- Parce que votre nom sonne avec "Casanova" et "noces" ! Sérieux, vos parents auraient dû vous choisir un autre nom : ça ne fait pas crédible avec votre position dans la hiérarchie !

Les autres chiropiens retiennent leurs rires car ils ont trop peur de subir le courroux de leur maître. Différemment d'eux, Gwenda rit, insouciante de celui qui se tient en face d'elle : il a les joues rouges, les dents découvertes et les yeux pleins de méchanceté.

- Pour qui te prends-tu, sale garce ?! lève-t-il la voix. Je suis le maître et toi une vermine !

- Vous n'avez pas l'air de savoir qui je suis, dit-elle avec un air de défi, en retenant son rire au passage.

- Oui, c'est vrai, je ne sais ni qui tu es, ni d'où tu viens, baisse-t-il la voix. C'est pourquoi j'ai voulu te recevoir ici, apprendre qui tu es.

- Pourquoi voulez-vous savoir qui je suis ? questionne-t-elle, étonnée.

- Je le dis parce que personne n'a la même odeur que toi. Je connais l'odeur d'un vampire, celui d'un homme-animal, celui d'un homme aquatique et celui d'un petit homme : tu n'es pas l'une d'eux. Je n'aurais pu conclure que tu viendrais de l'une des planètes où la magie domine sur la technologie, mais je me souviens aussi de leurs odeurs, ayant trois cents ans. Tu n'es ni une femme aux oreilles pointues, ni une femme verte, ni une femme volante, ni une femme douée aux arcanes. Alors, j'ai plein de questions à ton sujet. Qui es-tu ?

Gwenda reste silencieuse. Elle répond :

- Je ne sais pas.

- Comment ça "je ne sais pas" ? l'imite-il.

Elle entend le public rire.

- Je... Ce ne sont pas vos oignons ! Je ne sais pas, point barre ! Je n'ai pas d'origine !

- Ah bon ? Pas d'origine ? Pourtant, tout a une origine. Il n'y a pas de fin sans début. Il n'y a pas d'arbre sans graine. Nous, les chiropiens, descendons d'un ancêtre commun aux vampires. Nos créateurs nous ont fait en hommes-chauve-souris et les autres en vampires.

- Vos créateurs ?

- Tu ne le sais pas ? N'as-tu pas entendu parler de la civilisation des Anciens ? Vous, les êtres humains, croyez que c'est une légende, mais nous, les chiropiens, n'avons jamais oublié d'où nous venons.

- Vous savez à propos des Anciens ?

- Oui, nous n'oublions jamais ceux qui nous ont fait : des créatures puissantes mais haïes par les autres. Ils avaient le pouvoir de changer les êtres vivants grâce à la technologie. Ils avaient le pouvoir de voler. Aussi, le pouvoir de tout détruire en une seconde. Ils étaient les plus avancés de tous, et c'est cette technologie qui les a mené à leur perte.

- Ah oui ? Vraiment ?

- Oui, tu n'imagines pas l'ampleur de la technologie qu'ils avaient. C'est peut-être mieux ainsi : si un jour, les vampires s'emparaient de cette technologie, ce serait la fin de tous. Le temps a modifié la version de notre Histoire, mais je me souviens d'une chose : c'est que pour vivre sur la planète Dracula, l'Homme a décidé d'hériter une part de la chauve-souris. Nous, nous sommes les échecs du grand projet d'évolution de l'Homme. Enfin, c'est ce qu'ils croyaient. Nous savons voler contrairement aux vampires.

- Ah oui... Chouette histoire !

- Oui, tu n'as encore rien entendu. Il y avait trois grands fondateurs de la civilisation des vampires : Europe, Asie et Afrique. Europe fonda sa civilisation sur Greenland, Asie s'installa sur la Terre des Dragons et Afrique sur Goldland.

- Sérieux ? Vous vous souvenez même des noms de vos premiers ancêtres ? dit-elle, moqueuse.

- Oui, pendant que les vampires construisent leur avenir, nous, les chiropiens, nous nous préoccupons du souvenir de notre passé.

- Ah oui ! Pendant que nous, nous avançons, vous, vous ressassez de vieux souvenirs pour nourrir votre haine envers les vampires.

- Qui es-tu pour critiquer nos ancêtres ?!

- Je ne critique pas, je donne juste mon avis. Moi aussi, j'aimerais bien savoir le nom de mon ancêtre : ce serait vachement trop cool. En fait, connaissez-vous l'histoire des autres peuples de la Voie Lactée?

- Non, je connais que la nôtre.

- Ah ! Dommage... Bon, ben, je m'en vais, alors ! dit-elle en partant. Superbe votre histoire, en fait !

- Oh non ! Tu ne partiras pas sans faire ton défi !

Elle retourne sur ses pas.

- Pourquoi ?

- On ne t'a pas emmené ici pour rien. Tu va devoir te battre contre moi.

- Génial ! Un combat ! dit-elle, sarcastique. Et le perdant meurt, je parie ?

- Il sert de repas.

Elle soupire.

- Pourquoi moi ?

- Je t'ai vu ce que tu étais capable de faire. Tu as exécuté un Mousquetaire en appelant les loups. Alors, j'ai appelé mes chasseurs pour t'amener ici. Dis-moi : ne serais-tu pas une mage par hasard ?

- Quoi ? Non ! Je ne suis pas une magicienne ! répond-elle, confuse.

- Ah oui ? Ce n'est pas toi qui as fait venir les loups sans lever un petit doigt ?

- Euh... Non...

- J'ai trois cents ans. Je sais ce qu'est un magicien. Tu as appelé les loups pour les tuer.

- Ah oui ? Franchement, vous avez perdu la tête pour dire ça ! En plus, croyez-vous que je vais appeler des loups dans votre grotte ? Dans ce cas, vous serez déçu !

- Non, je ne veux pas rencontrer tes loups : je veux voir autre chose. Je ne t'ai jamais vu te battre. Je veux connaître les caractéristiques propres de ton espèce, et savoir si toi et les tiens sont dangereux ou non pour notre espèce.

- Ah oui ? Pour ça ? N'est-ce pas plutôt pour vous amuser ?

- ... Oui, aussi.

- Je vois. Alors, je pars.

- Eh ! Attends ! Si tu pars, ce sera la mort assurée.

Elle jette un coup d'oeil sur les chiropiens qui sont pendus en hauteur. Ils l'observent, l’eau à la bouche. Elle capitule :

- Bon, d'accord. Je vais me battre contre vous mais je vous préviens : je suis une dure à cuire.

- Oh oui ! Je vois que tu es une dure à cuire, avec ta jambe blessée, se moque-t-il, entraînant le rire général de l'assemblée. Voilà les règles du combat chez nous, c'est...

- Oui, l'un gagne quand l'autre meurt, dit-elle comme si elle récitait un poème.

- Sale garce ! Tu ne pouvais pas me laisser finir ma phrase ?

- Non, puisque j'aime bien embêter les gens qui s'appellent "Casanova", le provoque-t-elle.

Tout à coup, il lui donne un coup de griffe sur la joue. Elle tombe sur le côté et atterrit sur son épaule droite. Les spectateurs rient. Elle se relève. Sa tête tourne vers lui... Le silence s'installe.

- Quoi ?! Tu n'as rien ?! Même pas une petite égratignure ?! s'exclame Cazanotz, choqué.

- Je vous avais dit que j'étais une dure à cuire, dit-elle, le sourire aux lèvres.

Soudain, elle enlève son œil droit à l'aide de son épée. Il lâche un cri strident qui fait mal aux tympans. Il s'exclame :

- Tu m'as enlevé mon œil !

- Vous devrez vous estimer content : ça n'aurait pu être vos deux yeux.

- Toi... Tu vas crever, sale chienne !

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