Au commissariat de Londine (1/2)

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Gauvain était allé vers l'orphelinat. Ceci était d'une taille modeste mais assez grande pour accueillir une trentaine d'orphelins. Les murs étaient en madriers et en pierre, couverts par des bardeaux, et son toit peint en rouge. Une grille enfermait cette maison comme une prison.

Sir Gauvain était un soldat impérial bien gradé. Autrefois commandant, il avait ensuite changé de poste pour participer dans la formation académique de futurs soldats impériaux. L’empereur était déçu, connaissant les compétences utiles de son ami dans les guerres, mais Sir Gauvain était las de tous ces combats futiles. Bien qu'il fasse partie d'une classe aisée, il avait gardé son humilité, ayant vécu durant son enfance dans un milieu modeste. Ce fût pourquoi certains bourgeois ne l'aimaient pas, dont le général Alessander Marsh.

Les enfants dormaient. Dans le salon personnel de la propriétaire de l'orphelinat, la cheminée crépitait et le mobilier était simple. Plein de poupées en porcelaine, habillées en robes mignonnes et rangées sur les étagères murales, fixaient leur regard sur Gauvain. Il se sentit mal à l’aise tout d’un coup.

La Naine pria le Draculien de s’asseoir sur le canapé en cuir ; il le fit. La propriétaire était de bonne chair : elle était charmante avec ses joues roses et son petit nez, malgré son âge avancé. Interrogatrice, elle questionna Sir Gauvain en rouskien :

  • Est-ce que je peux savoir ce qui amène un soldat impérial dans un orphelinat ?
  • J'ai vu une petite fille se battre contre deux garçons. J'ai été très impressionné.
  • Ah oui ? L'un de nos élèves est destiné à servir l'Empire? Dans ce cas, qui est-ce ? dit-elle, excitée.

Quand un soldat impérial venait frapper à la porte pour dire qu'un enfant avait attiré son attention, c'était pour dire que ce dernier serait amené sur Dracula pour suivre une formation militaire. C'était un grand honneur dans l'Empire.

  • C'est une petite fille avec une veste rouge. Elle est très grande, aussi.

Son visage changea d'expression.

  • Ah, oui... Elle...
  • Pourquoi cet air sombre ?
  • C'est la géante... L'enfant sans parents, sans origine... Un petit monstre...
  • Un petit monstre ?
  • Oui, un petit monstre ! Elle ne sait pas se tenir en place! Elle n'écoute jamais les adultes ! Elle fuit l'orphelinat dès qu'elle en a l'occasion ! Pour jouer aux je-ne-sais-pas-quoi ! Puis, elle est bizarre.
  • Bizarre ?
  • Oui, bizarre. Un hiver, dix-huit orphelins ont été infecté par la grippe. Normalement, la grippe se guérit en trois semaines. Elle, elle a guéri au bout de cinq jours !
  • Génial ! L'armée a besoin de soldats aussi résistants qu'elle ! Je ne vois pas en quoi c'est mal de...
  • Le problème, ce n'est pas que c'est une dure à cuire, lui coupa-t-elle la parole. Le problème, c'est qu'elle n'est pas normale !
  • Pardon ?
  • Oui, pas normale ! Plus elle grandit, plus elle devient forte ! La fois où elle et ses camarades ont été infectés par cette saloperie... Elle était la seule à avoir survécu, cette petite peste !

"À croire qu'elle veut sa mort." pensa-t-il.

  • Un jour, en revenant de la forêt, elle a emmené un animal... Brr ! Ça me fait froid dans le dos rien qu'à y penser !
  • Racontez-moi depuis tout le début, s'il vous plaît. Je veux avoir tous les détails.

***

L'inspecteur Scott avait ramassé un indice très important sur la scène du crime : un insigne avec une fleur de lys et une corne de chasse. Il avait envoyé un mail aux Mousquetaires Tricolores pour qu’ils interrogent les Mousquetaires Blancs mais ils ne le crurent pas (ou alors, ils cachaient quelque chose). Gwenda, à bout de patience, alla le voir pour savoir où il en était. Il raconta que la police londinienne avait abandonné l’affaire. Alors, la jeune femme eut une idée et l'exposa à l'inspecteur Scott qui répondit :

  • Aller au Royaume des Francs avec l’insigne des Mousquetaires de la Reine-Lune ? Avez-vous d'autres idées farfelues en tête à me raconter, Miss Gwenda ? Je croyais que vous ne deviez plus y retourner !

Le bureau de l’inspecteur était modeste : ordinateur, boîtes à stylos, lampe... Dont la photo de sa femme et de sa fille et un gros appareil photo. Beaucoup de photos en noir et blanc, prises par l'inspecteur, étaient accrochées sur le mur de gauche. L'une d'elles était celle de la grande cloche du futur palais qui siègerait le parlement britannique.

L'inspecteur Scott avait des cheveux gris dégarnis et il était imberbe et un peu costaud. Contrairement aux clichés sur les policiers, il détestait le donut. Un grain de beauté se voyait sur sa joue droite.

Les cheveux roux de Gwenda étaient coiffés en chignon. Elle portait des petites bottines noires, des gants d'équitation et un chapeau. Sa veste de cavalier était mise par-dessus sa robe rouge bordeaux.

  • Des idées farfelues ? Non, je n'ai que des idées claires, répondit-elle, outrée.
  • Ah oui ? Je n'en ai pas l'impression. Je sais très bien que vous voulez venger votre ami. Même si je reconnais que notre assassin est un Mousquetaire Blanc, il serait difficile de convaincre la Reine-Lune que c'est lui.
  • Oui, ça, je n'en doute pas, répondit-elle, mais il ne faut pas ignorer la preuve ! Et la flèche d’argent, alors ?
  • Nous avons interrogé tous les forgerons. L’un d’eux nous a dit seulement qu’un homme masqué lui avait commandé deux flèches d’argent : une qui a raté votre ami et une qui l'a tué en plein cœur. Je vous assure que je veux arrêter cet assassin autant que vous...
  • Pourquoi abandonnez-vous cette enquête, alors ?
  • Imaginez que nous découvrons l'assassin. Que se passerait-il quand nous révélerons son identité à la Reine-Lune ? Elle nous accuserait de conspiration contre l'Etat franc et déclarerait la guerre contre la Britannique ! Et puis, peut-être que la Reine-Lune a à voir avec cet assassinat...
  • Pourquoi serait-elle responsable de l'assassinat ?
  • Il n'y a qu'elle qui peut contrôler les Mousquetaires. Elle les aurait très bien ordonné d'assassiner vous, et non Sir Gauvain, pour se venger de la fois où vous avez lancé la médaille d'honneur sur elle.
  • Mais elle m'a condamnée à ne plus retourner dans son royaume ! Ça ne suffit pas ?!
  • Oui, je reconnais que mon hypothèse est un peu farfelue...
  • Et comment savez-vous pour la médaille d'honneur ?!
  • J'ai lu votre dossier.
  • Ah. Oui, bien sûr... Écoutez, inspecteur, tout ce que je veux, c'est que justice soit faite !
  • Je compatis pour vous : vous devriez être très proche de lui pour vouloir venger sa mort, mais croyez-moi : la vengeance n'est pas une solution. C'est une chose qui se fait à double tranchant. Et je dis ça parce que j'ai déjà arrêté des criminels qui étaient des anciennes victimes de harcèlement, de viol...
  • J'assumerai les conséquences ! déclara-t-elle. Quel qu'en soit le prix, je me vengerai ! Pour la justice !
  • Pour la justice ou pour votre compte personnel ?
  • Ne me cherchez pas ! Vous ne me connaissez pas très bien pour me juger ! Le bien-être des autres me tient toujours à cœur, et le fait qu'ils l'aient tué de sang-froid... M'a dégoûtée !
  • Je vous comprends, Miss Gwen...
  • Non, vous ne me comprenez pas ! Avez-vous déjà perdu quelqu'un de très cher ?
  • Si, vous n'êtes pas la seule à avoir perdu quelqu'un, Miss Gwenda. D'autres gens ont perdu leurs parents, leurs enfants, leurs amis à cause de la Soif du Sang. Moi-même, j'ai perdu quelqu'un. Si je vous dis de ne pas vous venger, c'est parce que j'en ai marre de vous mettre en tôle.

Gwenda ne dit plus rien. Après avoir participé à la guerre sur Alfheim, elle était retournée à Londine et avait commencé à boire. Elle se bagarrait souvent dans les restaurants et l'inspecteur Scott l'enfermait derrière les barreaux. Cela avait duré un mois avant qu'elle arrête de boire.

  • Bon, faîtes comme vous voulez..., capitula-t-il devant le silence de la jeune femme. Mais réfléchissez-y avant de faire quoi que ce soit car, après ça, votre vie ne sera plus comme avant.

[À suivre]

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