En quête de vengeance

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Le soir du samedi 14 tondis 5012, sous une pluie battante, des parapluies se promènent sur le port de Livepool, au sud-est de la Britannique. Les lampadaires illuminent à peine les rues. Un bateau-vapeur va partir vers Namantes, au nord-ouest du Royaume des Francs, dans sept minutes. Seule la mer, longue de deux cents kilomètres, sépare ces deux pays. Ce long bateau, aussi grand qu’un bâtiment, crache de la fumée par ses trois cheminées. Sur le quai, les voyageurs présentent leurs tickets à un robot humanoïde aux yeux rouges, non gêné par la pluie, devant la planche. La majorité des gens qui font la queue sont des personnes fortunées, en voyage pour des affaires commerciales, politiques ou autres.

Les gens sont vêtus de noir et de rouge, couleurs à la mode. Seuls les plus aisés s’habillent avec des vêtements en soie, et se saupoudrent exagérément le visage de teint blanc. Les hommes sont vêtus d’un justaucorps, d’un jabot blanc et d’une culotte. Les femmes, très maquillées, portent des robes flottantes et leurs coiffures, exagérément volumineuses et parsemées d’accessoires, les grandissent d'une tête. Elles portent un corset afin d’affiner la taille.

Soudain, une jeune fille apparaît. Elle est vêtue d'une veste rouge, d'un pantalon marron et de longues bottes noires. La capuche cache ses yeux. Elle tient un arc de chasse, une sacoche et une épée rangée dans son fourreau en cuir noir. Elle n'est pas du tout maquillée, à la différence des autres femmes. Elle est pâle et a un petit nez. Ses cheveux roux ondulés sont attachés en une queue de cheval sur le côté gauche. Bien qu’elle ait un visage aux traits enfantins, ses yeux bleus reflètent ses expériences passées à la guerre.

Elle arrive devant le passeur-robot. Elle sourit... La machine voit très bien par ses canines peu pointues qu'elle n'est pas originaire de Dracula. Elle lui montre son passeport. Gwenda. Gwenda tout court. Pas de nom de famille. Son regard passe de la photo au visage de la jeune fille. Elle enlève sa capuche. Ses oreilles ne sont pas pointues comme celles des vampires, et ses yeux ne luisent pas à la lumière astrale des lampadaires. Il dit :

  • Tout est en ordre. Je vous en prie, madiss.

Gwenda monte sur le pont en remettant sa capuche sur la tête. Le navire arrivera à 2 h 38 du matin à Namantes grâce à sa vitesse de croisière d'autour de vingt-et-un nœuds.

***

Gwenda arrive au Royaume des Francs. Elle connaît ce pays : elle y a déjà voyagé plusieurs fois avec Gauvain. Namantes est une ville portuaire datant de la fin du deuxième millénaire, à l'époque où plusieurs royaumes francs indépendants coexistaient. D’abord un village habité par des pêcheurs et des éleveurs d'huîtres à la fin du deuxième millénaire, elle est devenue aujourd’hui une grande ville spatioportuaire. Le centre-ville est composé de grands bâtiments modernes alors que les maisons de style néoclassique remplissent le reste de la métropole.

Elle revoit les bars jonchés d'ivrognes. Des jeunes passants marchent dans les rues en zigzaguant et en rigolant, avec une bouteille à la main. Les poubelles sont remplies de bouteilles vides à ras bord... Comme dans ses souvenirs.

Des hommes, armés de mousquets et d’épées et assis sur des robots-chevaux bleus et rouges, passent dans les rues malfamées. Ce sont les Mousquetaires Tricolores. Leur mission est d'assurer la sécurité intérieure du pays. Ils sont habillés d'une cape bleue et d'un chapeau rouge avec une plume blanche. L'insigne d’une fleur de lys d'argent trône fièrement au centre de leurs boucliers, entouré d'un anneau d'argent : le symbole de la Compagnie des Mousquetaires de la Reine-Lune.

Gwenda, ayant appris à parler la langue franque grâce à Gauvain (qui était Franc à l’origine), profite de cette occasion pour demander le chemin à ces hommes. L'un d'eux, roux, regarde les jambes de La rouquine plutôt que ses yeux, pas parce qu'il la trouve belle mais parce que c'est la première fois qu'il voit une femme porter un pantalon. Alors que 5 % des soldats britanniques sont des femmes, les Franques n'ont pas le droit d'en porter un. Il lui répond sur un ton hautain :

  • Le Domaine des Mousquetaires de Namantes, dîtes-vous ?
  • Oui.
  • Qu'est-ce qui peut amener une demoiselle à aller chez les Mousquetaires ?
  • Je cherche l'homme qui a perdu ça.

Elle lui montre l'insigne d'argent où est gravé la fleur de lys d'argent des Mousquetaires avec la trompe de chasse en bas, qui est le symbole des Mousquetaires Blancs, des traqueurs de magiciens et de croyants d'autres religions.

  • Il n'y a qu'un seul Mousquetaire Blanc qui perd ce genre de chose importante : c'est Léon Des Rossignols.
  • Le connaissez-vous ?
  • Bien sûr que je le connais ! Nous étions colocataires de chambre durant notre formation de mousquetaire ! Il oubliait même son mousquet, le bougre ! D'après ce qu'on m'a dit, la dernière fois qu'il a oublié quelque chose, c'était son propre chapeau !

Les hommes s'esclaffent de rire, qui ressemble plus à un rire jaune qu'à un vrai rire. Il reprend :

  • Le pavillon se trouve à deux kilomètres de la ville, vers le nord-ouest.
  • Mercé.
  • Je peux amener cet insigne au Pavillon de Parisia, si vous le voulez bien, madosa, dit-il sur un ton poli.
  • Ah ! Parce que ce Mousquetaire se trouve à Parisia ?!
  • Oui, tout à fait.

Elle qui allait au pavillon de cette ville portuaire ! Cela lui enlève déjà un lieu sur sa liste. Quatre domaines des Mousquetaires Blancs ont été construits sur les terres des Francs : à Namantes, où elle est présente, à Parisia, se situant au cœur du pays, à Straville, qui se situe à la frontière de l'est, et à Mercoeur, qui se trouve dans le "trou du cul du monde" comme Gwenda aime bien le dire. Pour retrouver ces assassins, elle a la carte du Royaume des Francs, sur laquelle elle a mis quatre croix rouges pour marquer les domaines des soldats de la Reine-Lune.

  • Je peux le lui ramener moi-même. Mercé lotte, macir.
  • Êtes-vous Britannique, par hasard ?
  • Oui. Pourquoi ?
  • Cela s'entend dans votre accent. Où avez-vous trouvé ça?
  • Chez moi.

Il prend un air surpris.

  • Un Mousquetaire ne voyage jamais au-delà des frontières du royaume, vous savez ? À part pour aller en vacances, bien sûr.
  • Oui, peut-être que ce Mousquetaire soit allé en Britannique pour passer des vacances, répond-elle, ironique. J'ai découvert cet insigne et je suis venue jusqu'ici.

À voir le regard du roux, Gwenda conclut qu'il ne lui fait pas confiance.

  • Y a-t-il un problème, macir ?
  • Non, pas du tout ! Je me disais juste que les femmes Britanniques ont une drôle de mode.
  • Oui, je porte un pantalon et alors ? Cela fait-il de moi un homme ? Non. Maintenant, veuillez bien m'excuser mais je dois rapporter cet objet au Mousquetaire Léon des Rossignols - si c'est bien de lui. Bonne journée !

Quand elle se dirige vers Parisia, l'un d’eux dit au chef :

  • Elle a l'air louche, cette Britannique.
  • Oui, je confirme. Je pense qu'on devrait retourner au domaine pour faire notre travail.

***

Sous les pleines lunes dorées, devant le bûcher où était couché le corps de Gauvain, Gwenda, dans sa tenue de cérémonie militaire, jouait un morceau de musique triste et lent avec sa flûte en ivoire. Elle disait au revoir à Gauvain et exprimait sa profonde tristesse, et aussi ses remords. Les autres étaient déjà partis, mais elle tenait à rester car il était son seul véritable ami... Ou elle pouvait le considérer comme son père : il était le seul à l'avoir élevée et le seul à l'avoir soutenue pendant son parcours.

Soudain, elle arrêta de jouer. La rousse observait le bûcher qui était en train de brûler. De toute sa vie, elle n'avait encore jamais assisté à des funérailles puisqu'aucun de ses proches n'était mort. Le corps du mort se consumait petit à petit, pour devenir un tas de cendres qui iraient dans une urne. Cette pensée serrait encore plus son cœur.

C'était le départ de Gauvain dans un monde meilleur, où on ne connaissait aucune tristesse et aucune souffrance. L'image typique de la mort. Bien qu’elle crût au paradis, le fait que son ami l’eût quittée pour toujours l'attristait. Il ne reviendrait jamais à la vie. Il ne pourrait plus rester avec elle. Pourtant, elle avait encore besoin de lui.

Une étrange sensation lui brûlait les entrailles. Chaque fois qu'elle pensait à lui, un mélange de tristesse et de colère se manifestait. Gauvain n’était pas mort de vieillesse ou de maladie. Non, il avait été assassiné, alors qu'il fêtait avec ses amis sa retraite militaire, qu'il attendait de longue date.

La colère prit subitement le pas sur la tristesse qui jusqu'ici, n'avait fait que rendre Gwenda inactive. Une nouvelle énergie la poussait à agir. Elle sortit son épée de son fourreau et contempla son reflet sur la lame tranchante. Elle voyait ses yeux rougis et ses joues humides. Les flammes funéraires se reflétaient dans ses yeux, brillant d'un feu ardent et dangereux. D'une voix grave, elle murmura :

  • Ils paieront de leur vie pour te l'avoir ôtée !

Elle rangea son épée dans le fourreau, puis reprit sa flûte. Elle joua un air plus sombre encore... Le genre de mélodie qui annonçait une vengeance.

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