Chapitre 12 : Lisztomania

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 Après nous être installés, nous partons en direction de la cafétéria, dont j’ai retenu la position car j’ai une faim de loup. Sur le chemin, nous discutons des décorations que nous allons accrochés sur les murs de nos chambres et nous demandons si le quatrième lit sera occupé un jour. Une fois à la cafet’, nous faisons la queue, plateau en main, derrière d’autres pansionnaires présumés, habillés du même uniforme que nous, et d’autres personnes en tailleur noir similaire à celui de Lucie.

  • Alors, vous en pensez quoi de ce poulet rôti et de ces patates ? demande Dylan, une fois installé, en prenant une bouchée.
  • Super bon, lâche Gabi, aux anges.
  • Vraie question : meilleure que la cuisine de Théo ou pas ? je fais en souriant.
  • Hm, c’est difficile de répondre à ça.
  • Moi je pense que celle de Théo est meilleure.

 Nous nous retournons à cette phrase, sortie de nul part. Elle vient de Théo lui-même, plateau en main, en train de rire. Il s’assoit avec nous et commence à manger comme si nous étions amis depuis longtemps.

  • ça y est, vous êtes installés ?
  • Ouais, c’était cool d’être allongé sur un vrai matelas, ricane Dylan.
  • Je comprends tout à fait, j’ai subis la même chose que vous.
  • Ah ? s’enquit Gabi, visiblement intéressé.
  • Oui, tout le monde y passe, sauf le coup des pouvoirs, c’est un peu réservé à l’élite.
  • A l’élite ? Du coup, les personnes en tailleur en ont aussi ?
  • Non, ces personnes font souvent de l’administratif alors ils ne sont pas considérés comme intéressants pour recevoir de la magie, répond t-il en riant un peu.
  • Même la directrice ?
  • Même la directrice. C’est une personne très humble d’ailleurs, elle se considère au même niveau que ses employés et mange souvent avec nous.

 Il pointe du doigt une table plus loin où se trouve Lucie.

  • Ah oui. On est des employés nous aussi ? Et si oui, on aura un contrat ? Un salaire ? je demande en me retournant.
  • Oui, un contrat et surtout une clause de confidentialité. En tant qu’agents, vous êtes tenus de ne rien dire de vos missions ou de donner des infos sur l’organisation à des civils. Quant au salaire, oui, il y en a un duquel est déduit le loyer de votre logement et vos repas à la cafet. Là vous n’avez pas payé car la personne savait que vous n’aviez pas de carte mais sinon vous en aurez une comme ça.

 Il sort une carte magnétique similaire à celle de Chang.

  • Elle vous permet d’ouvrir aussi certaines portes, comme votre chambre ou le portail de la société. On vous en donnera une cet après-midi, en même temps que les contrats et des téléphones portables.
  • Je vois, je vois. Et bien, on a pas mal de choses à voir, aujourd’hui, c’est loupé pour la petite sieste !

 Dylan et Gabi sont contents de savoir que l’on aura de l’argent mais n’osent pas demander combien, je pense que nous aurons la surprise. Nous terminons le repas en parlant d’anecdotes de notre adolescence et Théo nous informe qu’il fait une petite fête dans sa chambre ce soir, que nous sommes conviés, qu’il y aura d’autres agents. Nous acceptons malgré la fatigue, impatients de faire quelque chose d'ordinaire pour des jeunes de notre âge.

 Il est déjà 14 heures et nous n’avons pas le temps de nous demander où aller que Chang débarque, armé d’une sacoche pour pc portable, en nous faisant signe de le suivre. Nous nous exécutons et arrivons quelques minutes plus tard dans une salle munie d’un long bureau, de chaises de bureau roulantes ainsi que d’un grand écran éteint.

  • Bien, nous allons terminer vos dossiers, signer vos contrats et clauses puis je vous distribuerai un badge vous permettant l’accès à divers endroits ainsi que des téléphones. Je vais commencer avec toi, Sora. Les autres vous pouvez sortir.

 Nous nous asseyons tandis que Gabi et Dylan sortent sans comprendre pourquoi.

  • Alors, tu dois choisir un nouveau nom de famille car ton identité va être remise à zéro. Tu auras de nouveaux papiers d’identité et tu ne devras plus reprendre contact avec tes anciens amis, tu es une nouvelle personne à présent. Qui es-tu ?

 Je ne dis rien, encaissant à nouveau ce qu’on vient de me dire. C’est l’occasion de repartir sur de nouvelles bases avec un nouveau moi. Je regarde par la fenêtre, perdu dans mes pensées. Je ne sais pas du tout quoi choisir mais il y a un chanteur que j’aime bien, je pense à Corey Taylor dont j’aime énormément la voix.

  • Je suis Sora Taylor.
  • Bien, quel âge as-tu, déjà ?
  • 18 ans.
  • Ok, il me manquait juste ça. On va faire une photo, maintenant. Mets-toi contre le mur, droite, ne sourit pas, comme une photo d’identité.

 Après avoir tapoté sur son clavier et imprimé divers documents qu’il me tend, je laisse ma place à Gabi, puis à Dylan. Une fois nos dossiers imprimés et nos cartes configurées avec nos noms en impression dessus. Je regarde la mienne et je ne peux pas m’empêcher de sourire en me disant que, finalement, ce ne sera peut-être pas si mal que ça, cette nouvelle vie. Je pense au nouveau look que je pourrai m’approprier pour confirmer ce changement de chapitre.

 Une fois tout ça terminé, Chang nous informe qu’un car part plusieurs fois par jour non loin de l’organisation pour rejoindre la ville la plus proche possédant un centre commercial, ce qui peut nous permettre d’effectuer des achats, de façon raisonnable bien évidemment. Nos nouvelles cartes bancaires ont été commandées et pour le moment, nous recevons une petite somme en liquide. Nous décidons de faire un petit tour en attendant la soirée pour acheter quelques vêtements civils.

 Nous en profitons pour manger une glace sur des quais donnant sur un fleuve où plusieurs péniches naviguent doucement. Dylan tape frénétiquement sur son nouveau téléphone, occupé par un Idle Game tandis que Gabi semble absorbé par des tweets en discutant des derniers jeux qui sont sortis. Moi, je profite de l’ambiance de la ville, de la vue, adossée à un muret et j'intervient parfois dans la conversation.

 De retour au campus, il est presque l’heure de rejoindre Théo alors nous nous pressons de nous changer, étant donné que l’uniforme est obligatoire seulement jusqu’à 18h si nous avons terminé notre journée de travail, hors mission. J’opte pour un jean noir troué aux genoux, les rangers et un débardeur noir. J’ai choisi des vêtements simples car avec l’entraînement qui nous attend, je pense qu’il faudra rapidement que je m’en rachète de nouveaux !

 Je toque à la porte 205, à l’étage de notre bâtiment. Celle-ci s’ouvre sur un Théo habillé d’un t-shirt délavé rose pâle, d’un jean ajusté bleu et de tennis blanches de marque. De la musique électro s’échappe d’une petite enceinte et des visages nous sourient. La plupart de ses amis, éclairés par des néons bleus, sont assis sur des pouffes autour d’une table basse en verre, gobelets ou bouteilles en main.

 Ils se lèvent pour nous faire la bise puis Théo nous propose à boire, bouteille de bière en main. Je me dis que c’est le moment de tester et j’accepte comme les autres la boisson. Une porte fenêtre menant sur un petit balcon semble être le repère des fumeurs. Je reconnais soudain Anna et Raphaël, en train de discuter avec Ettoh.

  • Hey, je pensais que vous aviez été éliminé ! Je m’exclame en arrivant vers eux.
  • Oh, tiens ! Non, on est juste arrivés plus tard que vous, me répond Anna après une bouffée de cigarette. Tu fumes ?
  • Euh non. Enfin, je ne pense pas.
  • Ça marche. Si tu as faim, il y a de la pizza.

 Je la remercie, un peu gênée par cette ambiance qui m’est inconnue, étrangère aux soirées étudiantes et aux soirées tout court, d’ailleurs. Ettoh me sourit et nous entamons une conversation car lui aussi n’est pas dans son élément. Raphaël me demande alors si je veux fumer de l’herbe ; j’hésite, puis refuse, je pense que ce n’est pas le moment, chaque chose en son temps. Je regarde ma bière et me décide finalement à goûter. Hm, pas si mauvais que ça, finalement.

 Je retourne dans le salon en me disant que Théo a de la chance d’avoir un appartement complet et que la déco est plutôt réussie. Je le trouve en train de jouer à Mario Kart avec Dylan et Gabi, clope dans le coin de la bouche ; décidément, tout le monde fume, ici ou quoi ? Je me sens de nouveau mal à l’aise alors je reprends une gorgée de bière. Les autres sont en train de danser sur une musique que je ne connais pas. J’avance sous leurs rires et leurs chants jusqu’à la pizza, mon estomac me réclamant de le sustenter.

 Pizza aux pepperonis, nickel. Je prends une part et me place contre un mur, dans un coin. Pendant que je mange, j’observe la scène et ne peux m’empêcher de sourire devant tant de joie. Je me demande alors à nouveau si les épreuves sont bien arrivées, si ma famille est morte, si j’ai vraiment tout perdu. Je regarde mon téléphone puis mes contacts, mes messages, qui me confirment que, oui, je ne connais plus personne, que ma vie s’est effacée.

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