Chang referme la porte derrière lui. Celle-ci disparaît et l’homme nous fait face.

• Pourquoi est-ce que vous avez fait ça ? je demande, hors de moi.
• Toutes les créatures sont dangereuses, il faut les exterminer.
• C’est faux, elle était forcée de faire ça.
• Ah oui ? Comment le sais-tu ?
• Je l’ai senti dans son regard qu’elle appelait à l’aide.
• (il rit) Bien sûr, les monstres ont un cœur et elles appellent à l’aide.

 Je le fixe d’un air mauvais. Il ne me prend pas au sérieux et ça a le don de m’agacer ; pourquoi faire couler du sang pour rien ? Sous prétexte qu’un était mauvais, tous le sont ?

• ça fait partie du job, habitues toi.

 Je ne dis rien, bouche-bée par sa réaction extrêmement froide et malveillante. Il tourne les talons, mains dans le dos, démarche pressée. Théo vient à notre rencontre et me regarde d’un air fataliste.

• Je suis désolé, c’est une vie qui ne laisse pas de place aux émotions.
• Je vois ça, et j’en veux pas, de ce job. On est des êtres humains, merde.
• On a pas trop le choix, à moins que tu préfères dormir dehors et te faire agresser ou mourir de faim, intervient Dylan, qui semble se battre contre lui-même pour ne rien exprimer.

 A nouveau, je ne réponds rien, incapable de prendre du recul sur une situation aussi irréaliste à l’instant présent. Je dois donc être un robot pour vivre ? Le groupe de participants, qui nous regarde, intrigué, commence à suivre Chang en direction du camp.

 Je repense à ma vie avant tout ça. Se retrouver à la rue, ce n’est pas la joie. C’est dangereux, compliqué et la vie normale me manque. Mais est-ce que je suis prête à m’engager dans quelque chose qui va à l’encontre de ce que je ressens, ce que je pense ou de ma morale ? Je repense à ma famille, aussi. Est-ce que je me sentirais mieux si je me vengeais ? Si je savais pourquoi ils ont subi ça ?

 Je décide finalement de mettre mon cerveau en stand bye, rattrapée par la fatigue qui s’accumule désespérément. Arrivés au camp, nous allons chacun notre tour nous laver, nous changer avec les mêmes vêtements -mais propres- avant de se rejoindre devant Chang au point pique-nique.

• Bien, les épreuves sont terminées. Certains ont échoué, d’autres non. Ces résultats vont nous permettre d’établir les équipes qui seront les plus à même de s’affronter en duel demain.

 En duel ? Il s’est cru dans Yu-Gi-Oh, ou bien ?

• Ces duels se feront en un contre un, par tirage au sort. Vous saurez si vous avez été sélectionné demain, ainsi que l’heure de votre passage. Bien, maintenant, profitez d’un bon repas et d’une bonne nuit de sommeil. Bonne soirée.

 Pendant le repas, notre groupe discute avec les autres participants des épreuves. Nous apprenons à faire connaissance et je discute particulièrement avec un d’eux nommé Ettoh, cheveux mi-longs noirs embellis d’une mèche bleue électrique nommé Ettoh, qui aime les mangas et a les mêmes goûts musicaux que moi ainsi que mon âge. Les gars, eux, s’entendent particulièrement avec Raphaël, celui qui avait gagné l’épreuve de natation. S’ensuit un bon bain, puis nous partons nous coucher, épuisés par tous ces évènements. Je n’ai fait que pensé à la wyvern et à son triste sort, en me jurant de combattre les injustices que je croise, si je le peux.

 Le lendemain, nous prenons un bon petit déjeuner et enfilons de nouveaux uniformes avant de tous se rejoindre aux tables de pique-nique. C’est de nouveau Chang qui prend la parole, à croire que les autres adultes avec lui sont juste là pour décorer et observer.

• Bien, voici les équipes qui ont été retenues et qui vont s’affronter. Tout d’abord, l’équipe 9, qui affrontera... l’équipe 7.Les participants qui ne sont pas sélectionnés vont être ramenés chez eux. Vous irez voir Mme West, elle se chargera de vous. Quant à ceux qui participeront aux duels, voici l’ordre de passage de chaque membre : Anna, Raphaël, Théo contre Dylan, Sora et Gabriel. Vous passerez à 10h, soit dans 30 minutes, nous nous rejoindrons ici même pour aller sur le terrain d’affrontements.

 Je prends note mentalement de toutes ces infos et me demande si on a eu de la “chance” d’être dans les qualifiés, d’ailleurs on est clairement contre des mastodontes. Et Théo ? Je croyais qu’il était simplement genre, soigneur, un truc comme ça. Depuis quand est-ce qu’il participe aux épreuves ? Je ne l’ai pas vu une seule fois faire les épreuves avec d’autres personnes… ou alors, c’est encore un de ses “pouvoirs” ? Les personnes éléminées rejoignent une femme aux cheveux courts bruns et aux yeux noisettes qui semble être Mme West ; je me demande ce qu’il va se passer pour eux ensuite...

 Je regarde le reste des participants restants et il semblerait qu’Anna soit la rousse qui avait posé la question sur le maillot de bain hier. Théo est toujours avec Chang et semble vraiment hors compétition. Dylan et Gabi semblent perplexes, entre la satisfaction d’une victoire et la déception que ce soit pour quelque chose d’aussi morbide et peut-être peu enviable. Nous nous retrouvons à une table, histoire de partager notre ressenti sur la situation.

• Bon, cette victoire ? demande Gabi en mangeant une banane.
• Je sais pas ce que j’en pense, répond Dylan en passant son doigt sur le bois de la table de façon aléatoire.
• Moi non plus.

 Un silence s’installe et nous continuons nos activités en silence, puis nous nous regardons, comme si nous avions une révélation.

• Ok, on est tous d’accord pour dire que c’était hyper glauque et horrible ?
• Oui, même si c’était des “créatures”... Bon, déjà des “créatures”, on se croirait dans un mauvais RPG, faut encore le digérer, ça. Ensuite, je pense ne pas être fou quand je dis que Théo a utilisé une sorte de magie sur moi, non ?
• C’est ce que je me suis aussi dit, mais si tu penses la même chose, ça semble se confirmer.
• En espérant qu’on soit pas tous healeurs, plaisante Dylan.
• Il doit bien y avoir autre chose, sinon, je vois mal comment on peut se débrouiller. Même si on s’en est sorti sans pouvoirs, pour l’instant.
• C’est vrai que je me demande à quoi ils peuvent servir, autrement.
• On verra bien à la fin de la partie, sourit Gabi en essayant de faire un petit jeu de mots aussi.
• Ou alors on perd pour rentrer chez nous, je propose soudain.

Ils me regardent un peu dépités, comme si j’avais dis quelque chose qu’il ne fallait pas, en arrêtant ce qu’ils faisaient.

• Perso, sans façon, répond Dylan sans plus d’hésitation.
• Pareil, j’ai envie de voir toute cette histoire de mes propres yeux et puis bon, être agent secret, ça doit pas être si craignos que ça, ajoute Gabi en terminant sa banane.

 Je hoche la tête, me posant la question à moi-même. Je suis toujours mitigée entre la possibilité de vivre de grandes aventures dangereuses et vivre une vie “ordinaire”. Nous allons chercher nos armes laissées aux sacs de couchage et nous regroupons aux tables de pique-nique pour rejoindre Chang, qui a revêti un costume bleu flamboyant, à faire mal aux yeux. Il nous amène dans un coin de la forêt, un peu plus loin, comme pour les autres épreuves.

• Bien, placez vous dans l’ordre de passage, un à un, face à face sur les repères au sol blancs (il désigne les traits inscrits sur la terre sèche) et quand je lancerai le top, vous vous affronterez. Le principe est simple : le premier à déclarer forfait perd et c’est le participant suivant qui le remplace jusqu’à ce que l’équipe ne puisse plus combattre. Tous les coups sont permis, hormis les blessures mortelles, donc restez corrects.

 Son habituel sourire narquois me fait croire qu’il y a déjà eu des morts et qu’ils n’ont pas envie que ça se reproduise, donc c’est très rassurant (non). Dylan se place face à Anna, qui semble très sûre d’elle. Elle possède deux pistolets comme lui donc je pense que ça va se jouer surtout aux poings. D’ailleurs, elle lâche ses armes au sol, et Dylan fait de même en comprenant qu’il va devoir frapper une fille qui n’a rien demandé. Gabi et moi nous plaçons non loin de Chang en retrait et l’encourageons tandis que Raphaël fait de même pour Anna. Le combat va commencer et j’ai mal au ventre ; j’ai peur d’avoir mal, de me blesser, et surtout, j’ai du mal avec la violence, surtout gratuite. Autant dire qu’on se demande encore une fois ce que je fais là.