Chapitre 8 : Animals

7 minutes de lecture

 Nous franchissons la porte avec peine et posons Gabi sur le sol. Chang s’approche et fait un signe à Théo.

  • J’ai vraiment mal…
  • T’inquiètes pas, je vais te remettre en forme, dit Théo en examinant les jambes.

 Il pose ses mains et ferme les yeux. Sa concentration semble intense et une énergie semble se dégager de ses mains, c’est assez énigmatique. Nous le regardons tous avec attention, y compris les autres participants, dont quelques-uns sont également blessés. Habituellement, ils sont amenés dans un coin infirmerie du campement et de ce que j’ai vu, c’est plutôt à base de pansements, bandages et compagnie, pas de rituel vaudou ou d’énergie spirituelle. Ce serait donc ça les “pouvoirs” ? Pas d'apparence mais plutôt un ressenti, je sais qu’il se passe quelque chose mais je ne le vois pas.

 Le visage de Gabi se décrispe peu à peu et il semble bien plus serein. Théo retire ses mains et reprend son souffle, comme s’il avait couru. Nous le remercions et Chang lui indique de s’occuper des autres.

  • Tu vas mieux ?
  • Oui, je pense… En tout cas, la douleur est partie, répond Gabi en se redressant difficilement.
  • Une fois que tout le monde sera soigné, nous allons reprendre, intervient Chang.
  • C’est un peu rapide, quand même ! je m’indigne.
  • Ne vous inquiétez pas, nous sourit-il.

 Il s’en va sans un mot de plus. On se croirait vraiment à l’armée, comme si on était des robots. On se blesse ? Pas grave, un petit coup de magie et c’est reparti ! Ben voyons… Qu’est-ce que c’est que ce délire, vraiment ? Je me plains beaucoup mais c’est vraiment n’importe quoi.

 Une dizaine de minutes plus tard, Théo a terminé de soigner les autres participants. Nous nous remettons en route pour la troisième épreuve des clés. Chang nous amène dans une autre partie enfoncée de la forêt. Des portes nous attendent, à la grande surprise générale, bien sûr. Une fois derrière l’une d’entre elles, nous arrivons dans une sorte de… forêt, comme si on n’avait pas changé de dimension, cette fois.

 Nous avançons comme toujours avec hésitation. Gabi semble avoir un peu de mal à marcher donc je commence à le surveiller.

  • Ils se sont pas foulés, cette fois, lance Dylan avec un sourire en coin.
  • C’est clair, cette porte ne servait à rien.

 Un léger vent fait bouger les feuilles et nous rafraîchit dans le même temps. Une petite maison pointe le bout de son nez en haut d’une petite colline dans la plaine alors que nous sortons de la forêt. Nous nous approchons rapidement de celle-ci, tout de même sur nos gardes. C’est une petite maisonnette en pierre et tuiles rouges. La situation me rappelle vaguement quelque chose, tiens… Je sens qu’on est en train de faire un remake de la première épreuve, à croire qu’ils ne se sont pas foulés, ils n’avaient plus d’idées.

  • ça va aller pour te battre, Gabi ?
  • je vais faire ce que je peux, je promets rien.

 Le sol tremble. Un bruit inquiétant retentit. Oh-oh, c’est l’heure du monstre. Gabi et moi dégainons nos katanas et Dylan ses flingues, qu’il recharge rapidement. J’ai hâte que ça se termine, la fatigue mentale et physique sont difficiles à tenir. Le sol se rompt, et une sorte de wyvern proche d’un dragon jaillit de terre. Blanche, ailes bleues, écailles, long visage allongé, grands yeux de dragon, dents acérées, taille imposante, mais "raisonnable".

 Ma tete me fait super mal d’un coup, mes oreilles me lancent et ma gorge est irritée. Arf, c’est pas le moment, mon corps ! Je manque de me faire embrocher, mais comme d’habitude, Gabi est beaucoup plus rapide que nous et sauve Dylan et moi de justesse en nous jetant à terre, puis en parant avec sa lame l’aile qui aurait servie d’arme du crime.

 Nous le remercions et nous mettons en garde. Je vais essayer d’éviter de penser à la douleur, mais ça ne sera pas mission aisée. La wyvern-dragon nous jette un regard menaçant, mais triste à la fois. ça me percute ; ils auraient donc des sentiments et ne seraient pas une sorte de simulation beaucoup trop réaliste ? Je ressens un mal dans mon cœur, comme si son regard m’avait transmis ses émotions. Nous nous fixons quelques secondes, avant d’être interrompus par des tirs de Dylan en direction de ses ailes.

  • Dylan ! Cette créature souffre, on peut pas continuer de lui faire du mal comme ça.
  • Hein ? Mais elle nous a attaqué et on doit aller cher…
  • On s’en fout de la clé ! Est-ce que ça vaut le coup de blesser et de faire autant de mal ?

 La wyvern donne d’autres coups de bec et d’ailes. Je commence à courir vers la maisonette que l’on a aperçu plus tôt, ce sera plus confortable pour discuter. Les gars me suivent après un petit temps de latence et je regarde la montre : il reste quinze minutes, ça devrait le faire. Arrivés près de la maison, j’essaye de l’ouvrir, mais ça ne fonctionne pas. Dylan se met contre la porte, imité par Gabi, et ensemble, ils donnent quelques coups d’épaule violents. Le bois cède et nous entrons rapidement à l’intérieur du refuge.

  • Bon, on fait quoi, maintenant ? D’habitude, quelqu’un s’occupe du monstre, entame Gabi.
  • Je sais bien mais, vous devez me croire, elle est triste. J’ai l’impression, qu’on l’a force à se battre contre nous et qu’elle ne veut pas.
  • Ah tu fais de la télépathie avec les créatures, maintenant ? se moque Dylan et fouillant sous une table basse poussiéreuse. Ces épreuves se ressemblent toutes.
  • Pas de la télépathie, je suis simplement hyper empathique, je ressens facilement les émotions autour de moi, pas tout le temps, mais régulièrement.
  • Ah, t’aurais peut-être pu nous prévenir ! s’indigne Dylan en levant les yeux de sa lecture d’un magazine, affalé sur un canapé en velours marron.
  • Bon, il faut qu’on trouve un plan, fait Gabi en croisant les bras.
  • Je sais bien. Il faut tout de même trouver la clé, mais sans blesser la créature ; elle ne mérite pas ça. Il faut se battre de manière défensive, pour laisser le temps aux autres de…

 Je n’ai pas le temps de terminer ma phrase que le toit se fait arraché et qu’un bec écaillé attrape Dylan sur son canapé. Celui-ci crie de surprise alors qu’il se fait trimbaler à l’extérieur de la maison.

  • Bon, plan B, on n’a pas le choix.

 Gabi et moi sortons rapidement et rejoignons la wyvern, armes en main. La créature nous fait face, serrant Dylan dans sa gueule. Celui-ci se débat, mais rien n’y fait, elle ne veut pas le lâcher.

  • Rends-le nous, s’il te plait ! je demande, au cas où.

 Elle me regarde et m’écoute, mais je n’arrive pas à savoir ce qu’elle pense.

  • Il est désolé de t’avoir fait mal, je viens juste de les prévenir que tu n’étais pas méchante. J’ai vu que tu souffrais. On te force à nous attaquer, je me trompe ?

 La wyvern fait un petit bruit, comme une sorte de “Oui” quand on a la bouche pleine.

  • Alors laisse nous partir. On prend la clé et on y va, ok ?

 Elle semble comprendre ce que je dis, puisqu’elle se décide à déposer Dylan sur le sol. Ouf, un bain de sang évité. Elle s’allonge par terre, se met en boule et ferme les yeux ; je crois que ça veut dire qu’on a le champ libre. Je m’approche d’elle avec hésitation, tend ma main vers son visage, et caresse ses écailles. Elle me regarde à nouveau et fait mine d’apprécier.

  • Merci, j’espère que tu seras libre, un jour. Malheureusement, je ne peux pas t’aider, je lui explique, les larmes aux yeux.

 Elle refait un petit bruit et se remet en boule. Je rejoins les gars, qui m’attendent devant la maison, et sèche rapidement mes larmes. Je pense que j’ai juste besoin de pleurer. Parfois, il suffit simplement de ça pour aller mieux. Je suis à bout. J’ai tant de questions et si peu de réponses. Je fais quelque chose de complètement surréaliste et je dois simplement l’accepter, sauf que c’est compliqué, mais je suppose que c’est ce qu’on appelle la “survie”.

 Nous fouillons la maison à la recherche de la dernière clé, pressés de nous reposer (si on le peut) et de manger, boire, nous laver, bref, faire autre chose que tuer et ressentir de la douleur. Dylan la trouve dans une boîte en fer, posée sur la cheminée ; pas super compliqué, dis donc.

 Je regarde la montre, il nous reste cinq minutes pour sortir de cet endroit. Nous nous mettons en route, et arrivés devant la porte de retour, je me retourne et fait un signe à la wyvern, qui se relève et fait des bruits en guise d’adieux.

 Un bruit violent retentit. Le bruit d’une balle. Percutant, bruyant, choquant. Le poitrail de la wyvern se couvre de rouge. Mon cœur s’est arrêté, mon esprit s’est brouillé. Quelqu’un vient de lui tirer dessus, alors que je lui disais au revoir… Je tourne la tête en direction du bruit. C’est… Chang. Chang vient de lui tirer dessus, en toute impunité. Il tient un fusil dans la main gauche. Les gars sont aussi abasourdis que moi. Chang nous lance un regard très froid, un qui veut dire “Cassez-vous”. On s'exécute, l’estomac noué. Je regarde une dernière fois la wyvern, qui s’écroule dans un cri de douleur qui me transperce le cœur.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire ShuunMoon ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0