Chapitre 5 : Animal

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 Après ce petit malaise, Chang nous octroie une pause d’une dizaine de minutes. Théo distribue des gâteaux à toutes les équipes, ce qui permet de redonner un petit coup de booste. Nous suivons ses supérieurs jusqu’à la deuxième épreuve, un stand de tir. Nous nous postons dans l’ordre devant une longue planche de bois où des équipements nous attendent, composés d’un casque anti-bruit, de lunettes de protection et de pistolets similaires à ceux obtenus la veille. En face, des plaques représentant des silhouettes masculines armées sont accrochées sur une structure de bois modeste.

 Au feu vert de Chang, nous commençons à tirer sur les cibles immobiles. Nous avons 5 minutes pour le faire, jusqu’à vider le chargeur. Le recul est assez léger et même avec mes petits muscles, j’arrive à tirer sans problème. Le premier coup me fige le cœur. Sec et brutal à la fois, bruyant, c’est quelque chose qui marque. Le ventre de la silhouette se troue, mais je ne me sens pas plus mal que ça, c’est un dessin, après tout.

 J’enchaîne les tirs sans réellement réfléchir, prise par le temps. J’essaye d’imaginer que c’est un zombie pour me motiver à viser correctement. Voila, je pense que tout le chargeur y est passé. Je pose l’arme puis jette un œil aux autres, qui ont l’air d’avoir quasiment terminé aussi. Je regarde Dylan et Gabi postés à côté de moi, bras tendus, sourcils froncés, ils ont la classe, même si ça me semble bizarre de penser ça. Les autres participants posent leurs armes, casques et lunettes.

 Le troisième épreuve, de la natation, se situe au lac, c’est une sorte de 50 mètres, il s’agit simplement de nager le plus vite possible et d’atteindre le plot au fond de la limitation en corde.

  • On n’a pas de maillot, fait une petite rousse vers le fond de la rangée.
  • Vous avez des sous-vêtements, c’est bien suffisant, répond Chang en réajustant son costard blanc, toujours aussi souriant.

 Personne ne rechigne à cette annonce. Nous nous plaçons en file, toujours dans l’ordre, devant nos serviettes utilisées plus tôt, un papier numéroté dedans indiquant notre équipe et position.

  • C’est un simple exercice physique. Je ne veux en aucun cas de triche ou de blessure envers les autres candidats.

 A son départ, on se précipite dans le lac et nageons avec ardeur. Je commence à me prendre au jeu et maintenant, j’ai envie de gagner. J’oublie vite ma gêne d’être presque nue devant des inconnus et donne le maximum de ce que permet mon corps tandis que mon souffle bruyant fait des bulles à chaque mouvement de crawl. Arf, je me fais distancer. J’augmente la vitesse d’un cran, mais la douleur dans mes bras et dans mes jambes est insoutenable ; je souffre et prie pour que ça se termine vite.

 A la première personne arrivée au plot, un grand musclé aux cheveux noirs de jais bouclés et à la peau mate, Chang donne un coup de sifflet sorti de nul part qu’il n’a jamais utilisé jusqu’à présent. Il nous encourage à continuer et siffle au fur et à mesure des arrivées. Lorsque tout le monde est là, il nous invite à revenir tandis que ses collègues prennent des notes, sans doute sur notre performance et l’ordre d’arrivée.

 Je sors, passe une serviette autour de mes cheveux et une autour de mon corps, que je maintiens au niveau de la poitrine. Chang annonce une petite pause d’une dizaine de minutes, j’en profite donc pour aller rejoindre Dylan et Gabi, tous deux en caleçon assis sur leur serviette, un peu plus loin sur la berge.

  • ça va pour l’instant ?
  • ça va, mais ça rime toujours à rien, rétorque Gabi d’un ton maussade.
  • T’es jamais content, toi ! ricane Dylan en lui mettant un petit coup de coude.
  • C’est pas ça, je me demande toujours c’est quoi ce délire. Hier des zombies, maintenant un pentathlon militaire… c’est qu’il est sérieux, Chang, là.
  • Un pantalon ?
  • Non, idiot, un pentathlon. C’est un regroupement d’épreuves militaires, un peu comme aux J.O.
  • Ahhhh…! s’exclame Dylan.

 Je les observe pendant qu’ils se taquinent. Je remarque que Dylan a un petit nez retroussé, des tâches de rousseur et un grand sourire blanc comme dans les pubs de dentifrice. Les deux m’ont l’air d’être de bonnes personnes, j’aimerai les connaître un peu plus, surtout si on est amenés à bosser ensemble.

 Chang annonce la reprise des épreuves. La suivante se passe sur un terrain sablonneux et est à base de tir de poids. Derrière un muret, il suffit de lancer le plus loin possible. 550 grammes pour les mecs, 350 grammes pour les filles. Chacun passe à tour de rôle, un seul essai possible.

 Lorsque c’est à moi, je me mets en position, hoche la tête vers Chang, qui siffle d’un coup pour m’indiquer le départ. Je lance de toutes mes forces. Le résultat a l’air satisfaisant, même si je n’ai aucune idée de la distance, on verra bien.

 La dernière épreuve est une course de 4 kilomètres. Là, pas grand chose à dire, c’est dur, on sue, on est rouge, certains s’arrêtent pas mal de fois (dont moi). Sans musique, ça passe très lentement, je ne suis clairement pas adepte des marathons. Peut-être que ça sert à jauger le mental ? D’ailleurs, je pensais abandonner bien avant, mais je suis curieuse de voir ces fameux “pouvoirs” et la carrière promise par Chang. Je ne sais toujours pas dans quoi je m’embarque et pour l’instant, je me laisse simplement portée mais ça me stresse pas mal. Beaucoup de changements me tombent dessus et il faut que je digère tout ça. Pour l’instant, je pense que je suis dans le déni.

 La course se termine enfin pour moi et pour bien d’autres. Chang annonce la fin de la demi-journée. Je n’ai aucune idée de l’heure qu’il est, je n’ai aucun repère temporel hormis le soleil, je ne sais pas quel jour on est, peut-être qu’on est carrément le mois d’après, c’est assez perturbant. En fait, je ne sais pas vraiment comment réagir. Mes jambes, mes pieds, mes poumons me font affreusement mal. Je tente de reprendre mon souffle, mains sur les genoux, penchée en avant, un goût de sang dans la bouche, de la salive qui afflux dedans. Pas très glamour comme image mais le marathon, ça n’a jamais été très sexy, à mon sens !

 Nous retournons au camp, menés par l’équipe de tortionnaires et de Théo qui les suit sans relâche. Je l’ai surpris plusieurs fois nous regarder, Dylan, Gabi et moi ; je crois qu’il nous aime bien. Je meurs de faim et de soif. Je suis épuisée et je suis complètement trempée de sueur. Chang nous indique une glacière remplie de bouteilles d’eau fraîches et Théo nous explique que l’on va pouvoir manger. Je m’allonge avec les gars dans nos sacs de couchage, histoire de récupérer un peu. Nous parlons du repas, complètement affamés. Je viens de capter que Dylan avait son téléphone mais Gabi et moi non.

  • T’as toujours ton téléphone, Dylan ?
  • Euh ouais, pourquoi ?
  • Je l’ai pas moi, il m’a été pris, apparemment. Tu peux me dire quel jour on est et l’heure qu’il est ?
  • Ah, bizarre... On est le 3 juin, il est 13 heures.

 Théo arrive vers nous, une broche de barbecue à la main, un tablier vert sur accroché sur lui, couvrant son t-shirt bleu et son pantalon noir.

  • Le repas est prêt. Si vous voulez manger, c’est maintenant !
  • Tu m’étonnes, on a super faim ! s’exclame Gabi en se levant d’un coup.

 Nous rejoignons les autres participants au niveau des tables de pique nique et entamons le repas. Quelle journée intense, j’ai peur de voir la suite. Est-ce qu’une autre épreuve nous attend ? Est-ce qu’on a terminé ? Est-ce qu’il va y avoir des éliminations ? Tant de questions et de mystères pour l’instant sans réponse. J’essaye de profiter du repas pour me détendre un peu et ne plus penser à rien. Je regarde les oiseaux dans le ciel, et à cet instant, je rêve d’être comme eux.

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