Chapitre 3 : sugar honey ice & tea

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 Le soleil nous aveugle, mes yeux piquent. Ma vision se rétablit enfin, il y a un campement avec un chapiteau sous lequel plusieurs tables de pique-nique en bois sont disposées et plusieurs tentes un peu plus loin. Un feu trône au milieu de la parcelle de terre asséchée par le soleil cuisant de ce début de juin. Des individus de mon âge s’affairent à mettre la vaisselle en plastique sur chaque table. Certains sont assis sur de grosses branches cassées et disposées autour du feu afin de profiter de chamallows grillés. D’autres s’occupent de mettre en place des sacs de couchage près des tentes. La pression commence à descendre mais j’ai toujours l’impression de ne pas être là, mais dans ma tête. Un homme aux traits asiatiques s’approche de nous, les mains derrière le dos, vêtu d’un costume élégant simple bleu. Son visage est fin et plutôt jeune, des cheveux noirs sont rabattus sur son crâne avec une précision affligeante. Il sourit et se racle la gorge.

  • Bravo, vous avez réussi la première épreuve. Vous allez pouvoir vous reposer, à présent, dit-il d’une voix calme et chaleureuse.
  • On a le droit à des explications ou… ?
  • Je suis profondément navré de ce qui est arrivé à vos parents. Notre agence a besoin de jeunes gens courageux et pleins de vie pour mener à bien des missions partout sur le globe. Tout ça est très nouveau j’en ai bien conscience (Il commence à marcher, nous le suivons), allons donc nous asseoir (Il sourit et prend place à une table de pique-nique). Allez-y, allez-y ! (Nous nous asseyons) Au fait, je suis Monsieur Chang ! Je dirige les épreuves de recrutement de Seeds.
  • Euh… Ça fait un peu kidnapping, quand même, fait remarquer Dylan.
  • (Ping rigole fortement) Je comprends mais nous avons besoin, de vous ! Ce monde est peuplé de personnes et de créatures malveillantes dont il faut s’occuper.
  • Des créatures ? Vous faites référence au Minotaure qu’on a croisé dans la grotte ? demande Gabi, sceptique malgré ce qui nous est arrivé.
  • Oui, entre autres. Je sais que c’est un peu fou mais vous l’avez vu de vos propres yeux, insiste Chang.
  • D’accord, d’accord… Bon, on se tire, déclare Gabriel.
  • Je crains que ce soit impossible, Gabriel. Nous sommes dans un endroit très éloigné de toute population et errer dans les bois serait inutile. Et dangereux.

 Gabi nous regarde à tour de rôle, comme pour demander notre approbation. Je lui réponds donc de vive voix :

  • Personnellement, je suis désespérée, alors ici ou ailleurs…
  • Pareil pour moi, dit le rouquin. Et ça peut être fun.
  • Sérieusement ?! s’indigne le brun. Et on fait quoi dans votre… Camp ? Moi je vois juste un type louche un peu fou qui kidnappe des gosses pour s’amuser.
  • Gabriel, que tu le veuilles ou non, il est vrai, je ne vous donne pas le choix, dit fermement l’asiatique. J’ai ouïe dire que vous cherchiez les responsables de l’incident qui est arrivé à vos parents. Je peux vous aider.

Ah, donc eux aussi, leurs parents sont décédés… Peut-être que tout ça a un lien ?

  • Un incident ? C’est un meurtre, oui ! s’indigne Gabi. Non mais vous entendez ce qu’il dit ou vous êtes sourds ?
  • Mec, si ce type peut nous aider à nous venger un peu, je dis pas non. Puis devenir super fort, c’est le rêve de n’importe quel gosse, non ? dit le rouquin en fixant son ami, une main sur son épaule, d’un air sûr.
  • Dylan, je veux pas me venger, je veux vivre ma vie, de façon normale, dans un monde normal, pas combattre des Minotaures toute la journée.
  • J’comprends mais… Notre vie normale, elle craint. On vit dans la rue, j’te rappelle, dans la rue !  Notre famille a été décimée, notre maison aussi. On a plus rien. Plus rien du tout ! explique Dylan, les larmes aux yeux en prononçant le mot « famille ».

 Gabi ne dit plus rien, il regarde simplement son camarade d’un air maussade. Je ressens de la peine pour eux ; on est en fait tous dans la même situation. Je vois l’homme s’impatienter du coin de l’œil et les autres membres du camp continuer leurs tâches malgré la pseudo engueulade ici présente. Gabi fixe alors Chang et soupire… Avant d’accepter sa « proposition ».

 Le soleil se couche à l’horizon tandis que nous partageons notre premier repas, composé de merguez et de frites. C’est un gars aux cheveux châtains qui retourne les saucisses devant un petit barbecue, dégageant une odeur fort agréable. Chang est assis avec trois autres adultes d’une trentaine d’années à quelques mètres de nous. Autour, il y a juste quelques groupes de jeunes adultes dans la vingtaine emplis de rires et de sourires. Tout paraît normal et c’est affligeant… Personne ne semble se poser de questions. Gabi a le nez dans ses merguez et ne lève jamais la tête, il garde un air renfrogné. Dylan raconte des anecdotes sur des conneries faites quelques mois plus tôt à des filles et des garçons assis à côté de lui. Moi, je commence tout juste à comprendre que tout ça est tiré par les cheveux mais bien réel, je me suis pincée au moins cinq fois pour vérifier et ça fait mal...

  • Hey, tu te rends compte que ça cloche tout ça, non ? lance soudain Gabi à mon égard, sans lever la tête de son repas.
  • Bah… Oui, mais comme je le disais, je suis désespérée. Je suis juste triste, tu sais. Juste triste et en colère, je lui réponds mollement.
  • Je comprends. Moi, c’est juste la colère. J’ai juste une envie constante de détruire tout sur mon passage, à chaque seconde de cette putain de vie.
  • Waw, c’est un peu extrême, tout le monde ne te veut pas de mal.
  • (Il lève la tête et me regarde droit dans les yeux) Je suis rentré chez moi, c’était en avril, le trente. J’ai vu ma mère, la gorge tranchée, nue, des traces de viol, par terre, dans le salon. Mon beau-père était empalé contre le mur. Ça pissait le sang. Comment tu veux que je réagisse autrement après ça ?
  • (je prends le temps de digérer ce que je viens d’entendre et déglutis) Je vois. Moi, c’était un incendie et tout était cramé quand je suis arrivée. Les pompiers avaient fini d’éteindre le feu, mais pas de débarrasser les corps, je dis d’une voix tremblante en baissant les yeux, me remémorant chaque instant de ce moment. J’ai donc vu deux corps calcinés, noirs de cendre, le visage choqué et appelant à l’aide. J’ai ensuite appris que mon père et mes grands-parents avaient connu le même sort.
  • Waw, pas cool non plus. J’ai hâte qu’on retrouve les salauds qui ont fait ça, même si je soupçonne que Chang ne soit pas très innocent dans cette histoire, rétorque-t-il en fusillant l’asiatique du regard.
  • Je te l’accorde, c’est louche. Je pense qu’on devrait à tout prix rentrer à Seeds pour glaner des informations et surveiller Chang, et peut-être aussi les autres personnes à sa table.
  • Hm… C’est vrai qu’en s’infiltrant, on gagnera la force de se débarrasser d’eux et on trouvera qui est derrière tout ça.

 J’ai fini mon repas, ça fait un bien fou. Je me perds à observer Gabi. Le soleil couchant se reflète dans ses pupilles bleues. Ses lèvres fines, ses tâches de rousseurs, ses cheveux bruns avec des reflets caramels. Bref, il n’est pas mal, quoi. Nous finissons notre repas et Gabi se lève. Je décide de le suivre, jetant au passage les assiettes dans un sac poubelle traînant non loin. Apparemment, il faut aller se coucher. Nous nous rejoignons puis allons vers les tentes et sacs ; de ce que j’ai compris, les tentes sont pour les organisateurs, allons donc dormir à moitié par terre...! Gabi s’assoit sur un des bouts de tissu, les jambes pliées et les bras ballants dessus, l’air toujours aussi grognon. Dylan prend place à sa gauche et moi à sa droite. Personne ne nous a adressé la parole, à part le cuisto du barbecue. Aucun mot par rapport à cette journée n’est prononcé. Au bout d’un moment, mes yeux se ferment, je ne sais absolument pas ce qui va se passer et ça me fout les jetons.

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