31 - Slice

2 minutes de lecture

 Avec l'aisance née d'une grande habitude, il planta le couteau. Il força un peu pour faire un cercle, découpant une sorte de petit couvercle. Une fois cela fait, il l'ôta et retira la matière spongieuse révélée ainsi, d'abord à pleines mains, puis en raclant, encore et encore, jusqu'à ce que la surface soit bien évidée.

 La suite, c'était les yeux, évidemment. De nouveau, avec agilité, sa lame pénétra la chair et, en quelques gestes précis, retira de grands lambeaux triangulaires. Après quoi, il fallait s'attaquer à la bouche. C'était toujours son moment préféré. Il scia proprement les lèvres, toujours avec cette précision chirurgicale qu'il avait depuis le début. Une fois fini, il s'arrêta, considérant son œuvre. C'est à ce moment qu'une voix dans son dos le fit sursauter.

 « Alors voisin, on se fait une citrouille d'Halloween ? »

 Il se retourna. Jenkins le saluait depuis l'autre côté de la barrière. Avec un petit sourire, il s'épongea le front, se releva, descendit du porche en bois puis rejoignit son voisin d'un petit pas tranquille, le couteau toujours en main. Il s'accouda à la palissade et hocha la tête pour le saluer à son tour.

 « Vous êtes vraiment très doué. Je vous ai vu faire ça en quoi, cinq minutes ?

  • C'est juste une question d'habitude, comme tout. Une fois qu'on s'entraîne, c'est assez facile.
  • Mais les premières fois, c'est un véritable foutoir, je peux vous le dire ! Le petit à la maison est en train de massacrer toutes nos citrouilles, j'ai préféré sortir plutôt que d'avoir à subir les cris d'horreur de sa mère ! »

 Jenkins pousse un rire lourd et jovial après cela, presque comme le père Noël. Son voisin sourit toujours, imperturbable. Jenkins finit par s'essoufler, puis paraît hésiter avant de toussoter puis de reprendre, avec un air grave :

 « En parlant de massacre… Je sais que vous êtes débrouillard, mais faites attention, ce soir, d'accord ?

  • Hm ?
  • Je vous le dis parce que vous m'avez l'air d'un brave type mais c'est très confidentiel, d'accord ? Chaque Halloween, y a des gens qui disparaissent dans la région.
  • Non, vraiment ?
  • Ouais, c'est un secret de polichinelle. Vous venez d'emménager, donc vous devez pas être au courant, mais… voilà. C'est dangereux, le soir d'Halloween. Beaucoup de gens dehors, qui vont à des endroits où ils devraient pas aller, alcoolisés… on en revoit pas certains.
  • J'ai une pleine confiance en vos capacités à nous protéger.
  • Ahaha, merci, ça fait plaisir ! Mais faites gaffe ce soir si vous sortez, d'accord ? Y a des gens pas nets qui traînent la nuit d'Halloween.
  • Je n'en doute pas. Bon courage pour ce soir.
  • Merci ! Bonne soirée ! »

 Jenkins s'en va enfin. Il se dandine dans son uniforme trop serré jusqu'à sa voiture avant de partir au poste, où il passera probablement la nuit à manger des bonbons et à boire du café en attendant que sa nuit se termine enfin.

 Son voisin retourna à sa citrouille en jouant du couteau machinalement. Il ramassa un torchon et s'essuya les mains en considérant la courge proprement découpée. C'était juste une question d'entraînement, au fond. Et puis, il y avait un avantage certain avec la citrouille, pensa-t-il en rangeant ses affaires et en remettant son couteau à sa ceinture.

 La citrouille ne se débat pas, elle.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire Planeshift ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0