30 - Jolt

6 minutes de lecture

 Le combat fait rage dans la salle du trône de la liche. Les quatre aventuriers voient leurs forces s'épuiser en même temps que celles de leur ennemi. Tous sentent que la fin est proche, d'une manière ou d'une autre : ces assauts seront les derniers. Ils n'ont plus qu'une seule chance, qu'un seul essai. Danariel décide de tenter le tout pour le tout : l'elfe tire une flèche spéciale de son carquois et murmure une brève incantation. Son arc, un trésor des temps anciens, plus vieux que les elfes eux-mêmes, une impossibilité faite de morceaux d'obsidienne articulés aux reflets pourpres qu'elle a mis des années à maîtriser, s'embrase d'un coup, un feu bleuté baignant l'encoche. La flèche fuse, part…

 … atteint son but.

 C'est un cri de victoire que pousse le groupe lorsque dans un tourbillon magique, le torse de la liche s'enflamme. L'elfe lâche son arc par réflexe, celui-ci se désintégrant entre ses doigts : cette relique inestimable n'est plus que poussière, les derniers morceaux de magie qui la rendaient possible réduites à néant. Mais nul n'y prête attention : tous observent la liche, espérant enfin son ultime et véritable trépas avec une ferveur qui plairait aux plus dévôts des dévôts.

 Un souffle glacial éteint aussitôt leurs espérances.

 Le feu magique se dissipe sous la puissante volonté de la monstruosité immortelle. Elle part d'un long rire machiavélique en voyant le désespoir dans les yeux de ses ennemis. Pour autant, elle n'est pas invincible : elle a visiblement subi des dégâts. Il lui faut clôturer ceci au plus vite. Et le moyen le plus rapide est de briser pour de bon tout espoir de ces mortels, un coup terrible dont ils ne pourron se remettre. Ses orbites vides où brillent une lueur verte maléfique se tournent vers…

 … Burcan, le clerc.

 Pendant une terrible seconde, le temps semble suspendre son vol. La liche lève un doigt squelettique et, après une invisible hésitation, lance son infâme sort, sans prendre même la peine de prononcer une quelconque incantation.

 Un éclair noir, dévoreur de lumière et de vie, aux contours argentés qui brûlent la rétine.

 Burcan n'a qu'un instant pour esquiver…

 … mais cet instant n'est pas assez long.

 La foudre nécrotique s'abat sur lui et lui transperce le corps, en plein dans la poitrine. Il s'effondre au sol, les yeux grands ouverts.

 Le désespoir frappe aussitôt les trois autres héros, mais des années d'aventure, à affronter des monstres et à voir d'autres compagnons d'armes passer de l'autre côté du voile leur ont appris à faire face, malgré l'horreur de la situation et la tragédie de ce qu'il vient d'arriver. Dans un hurlement bestial qui ferait frémir même les plus sauvages démons de l'Outre-Monde, Derskull le barbare se jette sur la liche, dans une rage folle qui s'empare de tout son être.

 Il attaque…

 Et encore…

 Et encore…

 Nul n'arrête plus ses coups, même lui n'aurait pu s'il l'avait voulu. Chaque attaque de sa gigantesque hache est terrifiante de brutalité, grostesque même, mais chacune frappe au but. Certes, la liche est dotée de protections magiques. Elle ne saurait se laisser abattre par un simple enragé, par une arme aussi commune et risible.

 Mais toutes les barrières ont leurs limites.

 Dans un ultime cri, sacrifiant les dernières réserves qui lui restent, Derskull abat son arme en plein sur le crâne de la liche.

 Le temps semble s'arrêter de nouveau.

 La lame s'arrête sur le crâne pendant un bref moment…

 … puis le transperce et le brise en deux.

 Dans un souffle macabre et un sifflement suraigu, la liche pousse son cri d'agonie, transperçant tout aussi bien les tympans que les âmes de tous ceux présents. Ce bruit, ce hurlement sinistre, restera avec eux pour le restant de leurs vies, hantise cruelle, certes, mais un rappel éternel de leur victoire sur la bête immonde et amorale. Lorsque le cri cesse enfin, il ne reste plus que le silence d'un triomphe aux airs de funérailles.

 Déjà, Goldéon le mage s'élance vers son fidèle ami Burcan, sûrement pour lui dire ses derniers…

 « Tiens bon, Burcan ! »

 … mais, Burcan est très clairement mort, son cœur s'est arrêté suite à la décharge nécrotique qu'il a subi, et le seul qui aurait les dons de ramener Burcan serait Burcan lui-même. Triste ironie du sort, que le mage…

 « Tu vas t'en sortir ! Je déchire ses vêtements pour accéder à sa poitrine. »

 Les… vêtements du clerc sont déchirés, sous le regard perplexe du barbare et de la rôdeuse.

 « Goldéon, arrête, que crois-tu faire ? demande-t-elle. »

 Le mage répond, fébrile, après avoir placé ses deux mains à deux endroits stratégiques, une sur l'épaule droite, l'autre sur le côté de la poitrine.

 « Je vais tenter de réanimer Burcan !

  • Mais… tu ne peux pas ! Tu n'es pas un clerc ! s'exclame Derskull.
  • Non, mais je veux dire, réanimer, réanimer. Enfin, pas comme ça. Un peu comme des électrochocs, vous voyez. »

 Séastien recule sur sa chaise et se frotte les paupières, remontant ses lunettes. Il prend une profonde respiration avant de demander :

 « Je présume que tout ceci n'est plus roleplay ?

  • Oh, pardon, oui, non, répond Gabrielle. Théoriquement, avec un choc électrique au travers du corps, je devrais pouvoir relancer son cœur et au moins le ramener à un état stable si c'est juste un arrêt cardiaque, et étant donné que ce n'était que des dégâts nécrotiques et qu'il n'y a pas d'autres dégâts, je présume que…
  • Non mais arrête, l'interrompit Océane. Comment tu expliques que ton mage sache ça ?
  • Une excellente question, remarqua Sébastien, merci.
  • Il pourrait juste savoir par vertu qu'il a une connaissance de l'anatomie humaine par ses compétences en survie et en nécromancie ? tenta Théo.
  • Buahaha, vraiment ?! s'exclama Élisa en riant, mais sans méchanceté. Est-ce que mon barbare a aussi des connaissances en anatomie à force d'étriper des gens ? continua-t-elle sur le même ton, avec un sourire hilare.
  • Excuse-moi, mais s'il peut sauver mon clerc, moi, je prends, hein ! répondit Théo en riant. »

 Sébastien hésite. Il regarde son groupe, indécis. Océane hausse les épaules avec une moue amusée avant de lui dire :

 « C'est toi l'chef, chef. »

 Le maître de jeu roule des yeux.

 « Bon, très bien, d'abord, tu vas me faire un jet pour savoir si tu as les connaissances nécessaires, que ce soit au niveau de la relation électricité-cœur, et pour savoir précisément ce que tu fais, d'accord ?

  • Pas de problme ! »

 Les dés roulent…

 …

 « Je peux le ramener ! Vous voyez, on a remarqué que la foudre avait des effets… intéressants sur le cœur des gens ! Alors oui, ça l'arrête, mais ça peut le relancer ! Et si j'arrive à le faire… Burcan n'est peut-être pas perdu ! »

 Goldéon a les mains moites. Ce n'est pas l'idéal, mais le temps presse.

 « Maintenant, viens le moment délicat. Je n'ai droit qu'à un essai. »

 « Bon, je lance les dés ? Je dois faire combien ?

  • Je te dirai si tu réussis. Lance. »

 Goldéon pousse une longue expiration. Il se concentre un bref instant. Serre les dents…

 Une secousse violente traverse le corps de Burcan. Le barbare comme la rôdeuse observent la scène avec des yeux plein d'espoir. Une seconde passe. Puis une autre. Puis encore une.

 Mais Burcan ne revient pas.

 « Non, non, non ! Burcan, non ! »

 Goldéon laisse toute sa peine le submerger, abat ses poings sur le corps de son ami. Il redresse la tête, les yeux plein de larmes.

 « Burcan, tu étais comme un frère ! Je ne peux te laisser partir ! S'il le faut, j'utiliserai de la nécromancie pour te ramener !

  • Goldéon, NON ! Enfin, on vient de tuer une liche !
  • Tu ne comprends pas !
  • Pense à ce que Burcan voudrait !
  • Il voudrait être en vie ! Voilà ce qu'il… »

 Un toussotement difficile les interrompt.

 Il vient de Burcan.

 Inanimé, inconscient, à la limite de la mort.

  Mais il vit.

 La table entière hurle de joie.

 « Vite, donnez-lui une potion de soins !

  • J'en ai une, c'est bon !
  • Gabrielle, je t'aime !
  • Moi aussi je m'aime !
  • WOUHOU ! ON A VAINCU LA LICHE ET PERSONNE N'EST MORT ! »

 Sébastien lève les yeux au plafond, mais même lui ne peut s'empêcher de sourire.

 Avec eux, les parties sont toujours vraiment agitées, c'est sûr.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire Planeshift ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0