Chapitre XXVII

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Chaque fois que je repense aux soirées que j'ai passé avec les autres, je me dis toujours « Celle-là, c'était la meilleure ». Mais parce qu'elles étaient toutes géniales. Non, si je ne devais en retenir qu'une ; ce serait celle-là.

***

Nous allons à toute vitesse jusqu'à la voiture de Learth. Mon sourire ne veut plus s'en aller. Même lui affiche sa joie sur ses lèvres. Juste avant d'atteindre le véhicule, il me lance ses clefs. Je les attrape de justesse.

- Tu veux conduire ? Moi je suis claqué.

- C'est un peu risqué sur la route, non ?

- On s'en fout, y'a personne à cette heure-ci.

Je souris davantage et me place coté conducteur. Je ne suis pas habitué à être ici. C'est très déroutant. Comme la dernière fois, je règle le siège, les rétroviseurs et je mets ma ceinture. Il applaudit.

- Une vraie pro.

- Chut. J'ai pas encore démarré.

Je tourne la clef en souriant et appuie progressivement sur la pédale d'accélération.

Je roule doucement mais avec plus d'assurance que la dernière fois. Peut être est-ce dû à l'adrénaline. Quoi que la dernière fois, nous sortions tout juste d'une course poursuite, là je sors d'un lit. Learth m'indique les directions à prendre en regardant son téléphone.

- Tu envoies des messages à cette heure-ci ?

Il me regarde puis observe son téléphone. Il se met à rire.

- Non, y'a un GPS dans les portables.

- Houla. Je suis complètement larguée quand il s'agit de technologie.

- En même temps, t'as rien chez toi. Je suis sûr que vous vous éclairez aux bougies.

- Non, quand même pas. Mais mon père a un ordinateur et une wifi sécurisée dans son bureau. Il est le seul à y accéder.

- Ah parce que vous avez des prises électriques !?

Je ris si fort que la voiture part légèrement sur le coté. Il reprend le volant et redresse ma conduite. Il me sourit en fronçant les sourcils.

- Ok, je te parle plus tant que t'as un volant dans les mains.

Je ris encore. Il n'a pas tort. Je peux être une vraie catastrophe.

Au bout d'un petit temps de route, il me fait signe de tourner pour sortir de la ville. Je me demande où il m'embarque.

- On sort de la ville ?

- Ouais, mais c'est plus très loin.

Je m'engage sur une route que je ne connais pas et m'éloigne de plus en plus de la ville. Mais je vois enfin un signe de civilisation au loin.

- Le zoo ?

- Ouais. Y'a un truc que je veux faire depuis longtemps. (il se tape les cuisse du plat des mains) C'est l'occas'.

Je suis sur le point de m'engager sur le parking.

- Arrête-toi là deux secondes.

Je tire le frein à main doucement. Il me sourit et le tire plus fort.

- Tu sais combien ça pèse une bagnole ? Faut tirer fort là-dessus.

Il sort de la voiture et va à l'avant pour y coller quelque chose. Il fait pareil à l'arrière. Il remonte et me fait signe d'avancer. Je prends beaucoup de place sur le parking, mais il n'y a personne alors bon...

Avant de sortir, il me tend un sweat-shirt noir et un bandana rouge. Lui sort un keffieh noir et blanc et l'enroule autour de son visage pour couvrir sa bouche et son nez.

- Couvre-toi. Y'a des caméras partout ici.

Puis il sort. Il m'emmène dans un endroit truffé de caméras ? C'est très risqué ! Mon cœur bat plus fort d'un coup. Je me couvre le visage à mon tour avec le bandana rouge et enfile de sweat-shirt noir. J'ai l'odeur de Learth plein les narines, c'est troublant. Je sors sans lâcher mon bandana, le tenant fort contre mon visage. Je remarque qu'il a recouvert ses plaques d'immatriculation avec du sparadrap noir. C'est bien pensé, on sens qu'il a l'habitude de se balader dans des lieux interdits. Il sort du coffre un nouveau tapis, pour remplacer l'ancien déchiqueté, et le pose sur son épaule. Il ferme à clef sa voiture et ouvre la marche.

Nous faisons le tour et arrivons devant un grillage avec du barbelé au sommet. C'est plus haut que la dernière fois, il fait au moins trois mètres. Learth met des gants en cuir et commence à grimper. Il s'agrippe aux barbelés et envoie le tapis. Il doit être très fort pour réussir à escalader avec un tapis aussi lourd à bout de bras. Il me fait signe de grimper. Je commence mon ascension avec crainte. J'ai si peur de tomber que je harponne fort mes doigt dans les trous du grillage. Heureusement qu'il est solide. Learth attrape mon bras quand je suis à sa hauteur et m'aide à passer par-dessus la grille.

J'atteins le sol la première et regarde Learth, encore en haut. Il enjambe le tapis et descend à son tour. Je me retourne et vois un animal en train de dormir à coté de moi. Je commence à paniquer. On est dans un enclos ! J'entame une marche à reculons mais j'en vois un autre en me retournant. Il y en a partout. Learth me rejoint et voit la peur dans mes yeux. Il se met à rire.

- Sérieux ? T'as peur des cerfs ?

- Ça a des bois, ça peut charger !

- Mais ils dorment. Ils en ont rien à foutre de toi.

Il rit et cherche quelque chose. Je le suis.

- On ne pouvait pas passer par la porte d'entrée, celle spécialement pour des humains ?

- Non, y'a trop de sécurité. Je peux niquer une serrure ou un cadenas, mais j'ai rien pour cramer des circuits électroniques.

Il longe la clôture.

- En plus y'a des activistes de la cause animale qui viennent des fois, ils renforcent la sécurité à chaque fois. Mais ça fait un moment qu'ils se sont pas montrés. Je suis pas venu avant parce que je voulais pas les croiser. Ils sont capable de m'engueuler pour mes conneries alors que je veux faire la même chose qu'eux. Plus ou moins.

Il pose la main sur un portique, sûrement destiné aux soigneurs, et crochète le verrou. La porte s'ouvre et il passe. Je suis sur le point de fermer derrière moi.

- Non, laisse ouvert.

Je ne sais pas ce qu'il veut faire, mais j'ai un mauvais pressentiment.

Il va dans la remise et trouve un sac de graines. Il les prends en soufflant et retourne dans l'enclos.

- Ils les nourrissent avec des graines. C'est des herbivores, bande de connards.

Il siffle à m'en déchirer les tympans. Les animaux ouvrent les yeux et se lèvent. Il lance des poignées de graines et forme une route avec. Il va jusqu'à la sortie qui mène à l'intérieur du parc, là où circulent les visiteurs, et éparpille des graines. Les animaux commencent à sortir. Learth me sourit.

- Viens, on va en faire sortir d'autres.

- Ce n'est pas un peu dangereux ?

- Je vais pas faire sortir les lions, je suis pas teubé non plus.

- Mais même, tous les herbivores au même endroit, ça pourrait devenir dangereux...

- Mais non ! Du moment qu'on fait pas sortir les singes et les éléphants ça passe.

Il passe devant, serein. Il se retourne sans arrêter sa marche.

- Et pour info, au Japon y'a des cerfs sauvages qui se baladent dans la rue. Tu peux même les caresser.

Il se retourne et navigue sur le sol bétonnée.

Nous arrivons à l'enclos des girafes. Je ne suis pas rassurée. Elles sont si grandes, c'est peut être vraiment dangereux cette fois. Il me vois hésiter, encore. Il me sourit, comme à une enfant.

- Qu'est-ce qui y'a cette fois, tu as peur qu'ils mangent tes cheveux ?

- Ils pourraient nous marcher dessus accidentellement.

Son rire s'envole.

- S'ils marchent pas sur leurs petits, ils vont pas te marcher dessus.

Il crochète le portique et s'engage dans l'enclos. Il s'arrête.

- Si, tu as raison, y'a un risque.

Il a un regard très sérieux.

- Ils ont des pulsions homosexuelles. T'approche pas des femelles.

Il entre en riant. Il ne cesse de ce moquer de moi à la moindre occasion. Je m'en fiche. Les prochains animaux, c'est moi qui les ferai sortir !

L'enclos suivant a été celui des zèbres. Je les ai attirée dehors, mais ils se sont mis à courir. Alors j'ai couru aussi, de peur de me faire piétiner. Après nous avons libéré un tapir, nous avons faillie libérer un ''glouton'' avant avoir lu sur sa fiche qu'il était carnivore, Learth a voulu libérer des ''grand koudou'' parce que leur nom est sympa, mais leurs cornes immense l'en a dissuadé. Puis vint le grand tamanoir.

- Ah non, on le laisse pas sortir celui-là ! j'exige.

- Pourquoi pas ? Il bouffe que des fourmis.

- C'est super moche ! Et il me fait peur avec sa longue bouche.

Learth m'a donc lancé sur son épaule et m'a enfermé dans l'enclos avec lui. J'étais prête à sauter dans l'eau pour qu'il ne m'approche pas. Il a fini par m'ouvrir, mais je n'arrêtais plus de lui taper l'épaule.

Nous avons libéré pas mal d'espèces. Il ne reste que les singes, les carnivores et les gros herbivores comme les rhinocéros. Par bon sens, nous ne les avons pas fait sortir. Mais il en reste encore quelques uns.

- On va voir les oiseaux ?

Learth grimace et fait non de la tête.

- Pourquoi tout le monde est fasciné par ces sales bêtes ?

- Tu n'aimes pas les oiseaux ?

- Pourquoi tout le monde m'appelle ''ma caille'' à ton avis ?

Je n'y crois pas. J'ai l'impression que c'est plus que du dégoût.

- Tu n'aurais pas peur des oiseaux par hasard ?

- Ça va, pas la peine de le crier sur les toits !

Je pars dans un fou rire gras et incontrôlable. Learth, ce garçon intimidant, rebel, tatoué, j'm'enfoutiste, fort et attrape-filles a peur des oiseaux. Je n'y crois pas. Je n'y crois pas !

- Mais c'est quand même incroyable ! Comment on peut avoir peur des oiseaux ?

- T'as déjà regardé un Grand Duc dans les yeux ? Moi oui.

J'ai mal au ventre tant je ris.

Des spots s'allument au-dessus de nos têtes. Des hommes se faufilent entre les animaux pour nous atteindre.

- Merde !

Learth me prend la main et part en courant. L'adrénaline aidant, j'arrive à suivre son rythme. Nous courons à nous en déchirer les poumons. Nous zigzaguons entre les animaux. Je saute même au-dessus d'un faon. Learth me lâche et glisse sous une girafe. Il tire un panneau victime de dégradation et le pivote pour faire obstacle à nos assaillants. Il me rattrape en quelques secondes et me reprend la main. Je le vois pivoter sur le coté et faire une balayette à un homme que je n'avais pas vu. La chute du gardien fait tomber un de ses collègues. Nous rions à cette images. Notre fuite devient un jeu très prenant. Nous nous éloignons des spots et nous cachons dans l'un des enclos en sautant par-dessus la barrière, derrière un rocher. Nous attendons le calme. Je chuchote.

- Learth, c'est quel enclos ici ?

- Je sais pas.

Il se retourne et se relève. Il y a d'énormes tortues ici. Elles viennent vers nous.

- Viens, j'aime pas trop leur façon de nous mater.

Je ris doucement et me relève. Nous faisons le tour en évitant les monstres centenaires et nous sortons. Nous marchons vers notre sortie et croisons un autre homme avec une lampe. Nous nous remettons à courir vers la droite. On ne sortira jamais ! Je ne sais pas pourquoi je ressens de l'amusement. C'est grave ce qu'il se passe !

Nous faisons le grand tour du parc et retrouvons enfin l'enclos des cerfs. Mais la porte est fermée. Learth me fait la courte-échelle pour me faire passer par-dessus la clôture et je tombe dans la fosse. J'arrive à grimper jusqu'en haut pendant qu'il saute assez loin pour ne pas tomber dans la fosse. Il tombe sur le ventre et se relève en grimaçant. Je le tire jusqu'au grillage. J'escalade à toute vitesse et réussi à passer par-dessus le grillage. Il saute après moi en embraquant le tapi, et sans le déchirer cette fois. Nous sautons avant d'être en bas. Nous courons jusqu'à la voiture. Il me lance les clefs. Mauvaise idée.

- Non conduit toi !

- On a pas le temps et le siège est réglé pour toi !

J'ouvre la voiture et vais à l'avant alors qu'il plonge à l'arrière. J'enclenche la marche arrière et fais un dérapage sur le parking terreux. Je remets la première et roule à toute vitesse. Mais une barrière en métal a fait son apparition pendant notre absence. Je ralentis.

- Non non ! Accélère !

- T'es fou !

- Accélère j'te dis !

Je passe la troisième et accélère. Je crie quand la barrière cède sous la vitesse du véhicule. Je tourne pour reprendre la route à temps. Je vois dans le rétroviseur central des hommes sortir du parking et s'arrêter au milieu de la route.

Je retire le bandana et la capuche du sweat-shirt. Learth grimpe à l'avant de la voiture et se pose. Il est essoufflé. Nous nous regardons. Puis nous rions. Trop de pression d'un coup. Mes poumons ont dû perdre cinquante pour-cent de leurs capacités. Nous arrivons à retrouver notre calme avec peine. Je roule sans savoir où je vais. Learth me regarde.

- Tu roules mieux sous pression. Pilote de Formule 1 je te dis.

Je pousse un petit rire en secouant la tête.

- J'étais possédée.

- C'est ton excuse ?

- Non, c'est mon explication la plus logique.

Nous rions. Je montre le volant d'une main.

- Tu as vu ce que j'ai fait ? C'est pas moi ! Je n'ai conduit que rarement quand Lokian a eu le permis, et la dernière fois avec toi et Heinesy. C'est impossible de réussir à faire ça en si peu de temps !

- Si, y'a des gens qui apprennent plus vite que les autres. C'est tout.

Nous avons dépassé la ville, mais on peut encore la rattraper plus loin. Je me tourne vers lui.

- On va où maintenant ?

Il réfléchit quelques instants. Il hausse les épaules.

- J'ai une idée. Faut retourner en ville.

***

Nous roulons jusqu'à la zone industrielle de la ville. C'est un coin mal fréquenté. Il y a souvent des mauvais bougres par ici. J'ai peur de tomber sur quelques uns, mais en théorie je ne risque rien avec Learth. Nous roulons jusqu'à un endroit voué à la démolition. La ville compte réaménager cette partie pour la réinsertion des jeunes en difficulté financière, sociale ou familiale. Nous en avons très rapidement parlé en géographie.

Il m'indique un endroit où se garer. Nous sortons de la voiture et marchons jusqu'à un bâtiment interdit au public. Nous montons tout en haut, dans l'obscurité. Nous allons jusque sur le toit. Il ouvre la porte et me la tient. Je souris.

- C'est ton toit.

- T'as pas oublié à ce que je vois.

- Comment oublier ? Tu dors sur un toit !

Il y a une tente assez grande salie par le temps et un petit meuble. Je me demande ce qu'il met dedans. Il se dirige vers un vieux matelas que je n'avais pas vu sous sa bâche. Il s'assoit dessus et me fait signe de venir. Je n'ose pas trop aller là-dessus. Il doit y avoir pleins de microbes. Il rit et me nargue.

- T'inquiète. Tu risques juste de choper le tétanos et une hépatite.

Je ris, mais ne suis pas convaincue. Il me pince le mollet et quand je me penche pour le frotter il me tire vers le bas. Je tombe sur le matelas. Bon, au moins mon jean me protège. On voit le beau coté de la ville d'ici. Décidément, je l'aurai vus sous tous les angles ce soir. Il sort son paquet de cigarette de sa poche et en allume une.

- Pourquoi tu fumes cette horreur ?

- J'ai commencé au collège pour faire le grand. Maintenant je suis accro.

- Ta mère a un cancer et toi tu fumes.

- Je réfléchissais pas comme ça à l'époque.

Il ricane et aspire une grande bouffée de fumée.

Maintenant que j'y pense ; il m'avait dit qu'il me parlerait du cancer de sa mère. Mais je n'ose pas lui demander. C'est impoli d'imposer au gens une explication qu'il n'ont pas à donner. Je ne dis rien, mais la curiosité me ronge ! Il me regarde du coin de l'œil et sourit en balançant sa main vers son dos.

- C'est bon. J'ai compris. Vu que t'oses pas demander je vais t'en parler direct.

- Hein ?

- Ma mère. Je sais bien que t'oses pas me demander de te parler de son cancer.

- Comment ?

- T'es loin d'être insondable. Et puis on vient de parler de cancer, de ma mère... c'est logique.

Il arrive toujours plus ou moins à lire dans ma tête. Il est devin ou je suis aussi prévisible qu'il le prétend ? Il se penche en arrière et s'appuie sur sa main gauche.

- Comme je te l'ai dit, on a découvert son cancer y'a cinq ans. J'allais avoir quatorze ans, mon père était encore là, mais pas trop présent. Il bossait comme un dingue pour ramener de la tune. Elle a commencé sont traitement, puis y'a eu l'opération. Aujourd'hui elle met des prothèses pour le cacher, sauf chez nous. Quand elle a commencé la chimio, mon père est complètement parti en couille. Il allait presque plus au boulot, il dormait jamais et il se renfermait sur lui-même. Ma mère déclinait de plus en plus, et mon père le vivait encore moins bien qu'elle. Elle a toujours été plus forte que lui. Un jour, il est retourné au travail, mais je le voyait jamais dormir.

J'imagine déjà le pire quand Learth se tourne vers moi.

- Il est mort de fatigue quand j'avais quinze ans.

Une chose pareille me paraît impossible. Comment peut-on se passer de sommeil au point d'en mourir ? La douleur psychologique doit être monstrueuse. Les nuits où je n'arrive pas à dormir, je me sens tellement mal, je ferais tout pour quelques minutes de repos. Il sourit, amèrement.

- Le pire, c'est que ça a aidé ma mère. Elle a commencé à aller mieux quelques mois après. Je lui en voulais pour ça. Mais un jour, elle m'a dit qu'elle avait pas le choix. Qu'elle devait vivre pour moi. C'est là que j'ai compris qu'elle était l'une des femmes les plus fortes du monde. À cette période, j'en avais rien à foutre des filles, je les prenais puis les jetais. Mais après ça, je me suis senti tellement mal. Une vraie ordure. Et la situation s'est retournée : maintenant c'est moi le pigeon de ses dames. Je suis sorti avec des meufs qui m'insupportaient parce que je voulais pas les vexer en disant la vérité, que je les aimais pas. Et très vite y'a eu Zakia. Je suis devenu son pigeon attitré. Mais il faut bien être trash parfois.

Je comprends beaucoup mieux son rapport aux femmes, et pourquoi il restait avec Zakia. Mais je n'ai pas de détails sur le pourquoi du comment. Tant pis, c'est déjà beaucoup d'information. Je ne vais pas insister. Il hausse les épaules.

- Ma mère a repris le boulot à ma rentrée en Première, j'allais avoir seize ans. Ça allait, elle gérait le truc. Mais on a appris cet été qu'il restait des cellules cancéreuses. Elle a rechuté et c'est de nouveau la merde. Le plus horrible dans un cancer, c'est pas qu'il te détruise. C'est qu'il détruit les gens que tu aimes.

- Mais... je ne comprends pas. Si tu admires autant ta mère et que tu as peur pour elle, pourquoi tu l'évites ?

Il regarde au loin sans répondre. Je suis sûre qu'il va me dire « C'est compliqué ». Il avale de l'air, suspend sa respiration et expire. Il inspire dans sa cigarette.

- Tu ressens quoi quand tu penses à ta mère, toi ?

Sa question me prend au dépourvue. Je réfléchis quelques secondes.

- Je ne sais pas. Je ne peux pas dire que je la hais, même si je le pense pendant les pires moments. Elle reste ma mère. Elle m'a mise au monde, elle m'a élevé, aimé comme elle a pu. Même si ça n'a pas suffit et qu'elle fait n'importe quoi aujourd'hui à cause de la peur de ma mort, au moins elle a toujours été honnête avec moi. Je l'ai déçu du début jusqu'à la fin. Et je sais que dans mon dernier souffle, elle sera aussi déçue qu'aujourd'hui. Parce qu'à ses yeux, je n'ai pas été ce qu'elle souhaitait. Je me sens coupable de ne pas avoir répondu à ses attentes. Mais elle reste ma mère, et je l'aime.

Il reprend sa cigarette entre ses lèvres et créait un nuage toxique.

- C'est la même chose pour moi.

Quoi ?

- Je déçois ma mère. Je la déçois quand je lui dis que je sais pas quoi foutre plus tard. Je la déçois quand je ramène des notes pourries alors qu'elle sait que je passe plus de temps à me saboter qu'à réussir. Je la déçois quand elle me voit fumer. Je la déçois quand je lui dis que j'en ai rien à foutre de demain, parce que ça a autant de chance d'être de la merde qu'aujourd'hui et qu'hier. Je la déçois constamment et pour un rien. Parce que je suis paumé et que je sais pas ce que je veux. Alors je ralentis le temps comme je peux. Et j'ai fait exprès de foirer mon bac, parce que je savais pas quoi foutre une fois sorti de cette école de merde, à part glander. Et elle le sait, du moins elle s'en doute.

Ces révélations me permettent d'ajouter de nouvelles pièces au puzzle de Learth.

Il se sabote, parce que c'est plus facile de dire ''j'ai essayé en vain''. Et je comprend tout à fait. J'ai essayé d'arrêter d'être ce que ma mère me faisait devenir quand j'étais petite. Je ne faisais plus aucun effort. Quand elle m'a demandé de m'expliquer, j'ai juste dit que j'en avais marre, que c'était trop dur. Je n'oublierais jamais sa réponse. « La vie est dure. La vie est injuste. Le seul moyen de surmonter ça, c'est de démarrer dans la vie en faisant son maximum, et une fois au sommet de devenir injuste. Les gens justes ne s'en sortent jamais. » Elle avait raison. Je suis quelqu'un de juste, et je vais mourir. Learth est quelqu'un de juste, et il a tant souffert au court de son existence si courte. Il est perdu. Mais s'il prenait sa vie en main, peut-être qu'il pourrait s'en sortir. Il lui suffit tout simplement de changer. Il serait bien meilleur s'il changeait. Il souffle.

- On peut parler d'un truc moins déprimant ? Sinon on va pas tarder à sauter du toit.

Il arrive à m'arracher un hoquet de rire. Je secoue la tête.

- Je ne sais pas... tu n'avais pas fini de me raconter ta rencontre avec le fameux grand duc aux yeux terrifiants.

Il se met à rire à son tour. C'est officiel, nous ne parlons plus de choses tristes.

Learth m'a dit qu'il avait été dans une réserve d'oiseaux, enfant. Il a été dans un enclos particulièrement sombre, le décor lui faisait penser à la fuite de Blanche Neige dans le dessin animé, même si cette précision est pour moi inutile, ne connaissant pas la référence. Il avait levé les yeux pour chercher une lumière au plafond quand il a vu un genre de hibou énorme aux yeux oranges. L'animal a déployé ses ailes pour s'étirer, il faisait au moins deux mètres cinquante d'envergure d'après lui. Puis on l'a informé que l'oiseau mangeait des souris et des rats en général. Depuis, il ne supporte plus les oiseaux, et il est terrifié par les rapaces. Puis au lycée, ils ont fait une sortie scolaire dans une ferme. Il y avait des paons, des faisans, des colombes et des cailles. Il refusait d'entrer dans l'enclos, et Heinesy lui a demandé s'il avait peur des cailles. Depuis, c'est resté, mais il s'en fiche. « Si ça leur fait plaisir. Et du moment que j'en touche pas. »

Et puis, sans vraiment s'en rendre compte, nous avons commencé à reparler de ce qu'il s'était passé avec Gorka. Learth m'a dit que sa sœur avait fait plus ou moins la même chose. Elle le collait sans arrêt, elle faisait tout pour l'impressionner et elle essayait de leur trouver des points communs. À part le dernier point, les conditions sont les mêmes. La différence, c'est qu'il a trop bu un soir, et qu'elle en a profité. Le lendemain, il a bien fait mine de ne pas comprendre, mais elle refusait de lâcher l'affaire. Et finalement, ils ont fini ensemble. « Je te l'ai dit ; je suis un faible avec les femmes... et j'ai un peu honte de moi aussi. »

Nous avons parlé de tout et de rien. Et la nuit a commencé à être moins sombre. Learth à regardé son téléphone, il était presque sept heure. C'est ainsi que nous sommes parti pour chez Heinesy, Learth reprenant le volant.

***

Learth a appelé Heinesy avant que nous arrivions chez elle. Sans elle, nous ne pouvons pas entrer dans la maison. Elle a demandé si elle devait réveiller Lokian, j'ai répondu que non. Je ne veux pas le déranger, ils ont dû rentrer tard eux aussi. En arrivant, j'ai d'abord pris une douche puis je me suis brossée les dents. J'ai pris des vêtements propres et j'ai refait ma valise. J'ai demandé un briquet et un fil de nylon à Heinesy, elle me les a donné. Il faut bien que je fasse un système pour remettre la clef dans la serrure. Je m'enfermerai à clef dans ma chambre puis ferais passer le fil dans la serrure jusque sous la porte où le réceptionnerai le bout pour l'accrocher à l'extrémité de la clef. Je tirerai sur le fil jusqu'à ce que la clef soit dans la serrure. Après, je couperai le fil et brûlerai le bout qui dépasse. Ni vu, ni connu. J'ai beaucoup réfléchi là-dessus. Il faut que ça marche maintenant.

Je descends avec ma valise, prête à partir. Une fois en bas, je regarde Heinesy. Je me sens tout de même mal pour Lokian.

- Dis à Lokian que je suis désolée. J'espère le revoir bientôt. J'espère tous vous revoir bientôt.

- Oui, bien sûr.

Je sens de l'émotion dans sa voix quand elle me prend dans ses bras. Je sens les larmes monter. C'est peut être la dernière fois que je les vois. Je n'ai pas envie de partir, mais il le faut avant que le jour ne soit trop clair. Je lui souris une dernière fois et sort de chez elle. Learth lui dit une dernière chose et me suit jusqu'à sa voiture.

La route est longue, et le soleil se lève paresseusement. Plus il fera clair quand j'arriverai, plus j'ai de chance de me faire repérer. Learth ouvre la fenêtre et s'allume une cigarette. Il souffle.

- Merde, il commence à pleuvoir.

Comme si rentrer chez moi n'était pas assez pénible.

Nous arrivons enfin en ville. Learth s'arrête juste devant chez moi, à quelques mètres près et sur le trottoir d'en face. Il tire le frein à main et coupe le moteur. Je regarde si il y a des voitures. Mince, il y a celle de ma mère. Je regarde Learth, gênée.

- Elle n'est pas encore partie. D'habitude à cette heure elle est au marché ou chez une voisine.

- Elle va peut être pas tarder. Stresse pas. De toute façon, à part amener ma mère au centre de repos, j'ai rien à foutre de ma journée.

- Tu veux vraiment qu'elle y aille.

- Ça pourrait l'aider. Et en plus je me prendrais moins la tête pour elle. C'est aussi bien pour elle que pour moi. Mais elle refuse de sortir de sa maison.

Je pose ma main sur la sienne.

- Ne l'oblige pas à y aller. C'est dur pour elle. Elle a vécue tant de choses en si peu de temps.

- Et moi alors ? J'ai eu le même bordel.

- Mais elle doit être forte pour toi. Elle doit s'épuiser à faire en sorte que tout aille bien, mais elle ne contrôle plus rien à cause de sa maladie. N'oublie pas que c'est une victime, autant que toi, voire plus.

Il hoche la tête. Je vois ma mère sortir de la maison et entrer dans sa voiture. Je me baisse pour ne pas être vue, mais Learth se moque de moi.

- Tu crois qu'elle peut te voir d'ici ?

- Elle a un radar, je ne veux pas prendre de risques.

Il rit en fixant ma mère. Il me tire vers le haut.

- C'est bon, elle est partie. Tu peux sortir.

Je me relève doucement en guettant dehors. La pluie tombe violemment sur la voiture. Je n'arrive pas à voir l'extérieur avec toute cette eau. Mais je lui fais confiance et me redresse. Je m'attache les cheveux pour mieux les protéger de la pluie.

Je suis sur le point de sortir. Mais c'est le moment idéal. Nous sommes coupés du monde par ce torrent, et pour seule protection de la taule et du verre. Je me tourne vers Learth et lui souris.

- Ce que tu m'as dit cette nuit. C'est faux. Tu n'es pas quelqu'un de décevant. Au contraire. Tu es la personne la plus surprenante que je connaisse.

Il ne réagit pas, sauf ses yeux qui détaillent mon visage à la recherche d'un sourire ou d'une moquerie. Je secoue la tête.

- Il ne faut pas que tu baisses les bras. Tout le monde peut changer. Il te suffit de découvrir ce que tu veux devenir et comment y parvenir. Tu es quelqu'un de bien, mais tu peux être meilleur encore.

Il ne réagit toujours pas. Il finit par ouvrir la bouche, le regard incompréhensible. Je sens qu'il a du mal a exprimer une réponse. Il me sourit, mais pas comme je l'aurais souhaité.

- Qu'est-ce qui te fait croire que je veux changer ?

Ma vision se brouille, il me regarde intensément, mais pas avec bienveillance.

- Je... tu as dit...

- J'ai pas dit que je voulais changer, Numidia. Depuis que je suis gosse on me demande d'être parfait, de changer, comme quoi j'en ai les capacités. Mais j'ai peut être pas envie d'être ce qu'on attend de moi.

- Je pensais que...

- Tu pensais rien du tout.

Je sens de la colère dans sa voix. Je n'arrive pas à la comprendre.

- T'as cru qu'on était pareils. Je te le dis tout de suite : c'est faux. On est pas pareils. J'ai rien à voir avec toi. Je me suis jamais écrasé de peur, je suis un battant.

Sa colère est contagieuse.

- Ah, tu es un battant. C'est pour ça que tu as préféré redoubler plutôt que d'affronter la vie d'adulte ?

- C'est pas le sujet !

- Si ! Justement ! Tu détestes ta vie et tu ignores de quoi sera fait ton avenir. Tu vis dans un brouillard constamment et tu cherches des réponses. Ce que tu n'as pas compris, c'est que tu ne les trouveras qu'en changeant ce que tu es !

Il sourit avec dédain.

- On parle de moi ou de toi là ?

Je me rends compte à l'instant que j'ai tout inversé. Je ne parle pas de lui, ou seulement en partie. Mais je ne me laisse pas avoir.

- On est pas pareils, mais on se ressemble. L'idée ne me plaît pas vraiment, parce que je ne veux pas finir comme toi. Mais ce dont je suis sûre, c'est que j'ai la volonté d'aller de l'avant, et toi non.

- Si c'était le cas, tu serais pas ici, dans ma caisse, sur le point de retourner chez ta mère.

- Tu ne comprends rien !

- Ce que je comprends, c'est que t'es pathétique. Tu sais que tu vas crever et pourtant tu continues de te faire baiser par tout le monde. Alors avant de me donner des conseils de merde, remets-toi en question.

J'ouvre la portière en mettant ma capuche et la claque fort derrière moi. J'ouvre le coffre pour prendre ma valise et part devant. Je l'entends siffler derrière moi. Je me retourne. Il n'est même pas sorti pour s'excuser, il a juste ouvert la fenêtre.

- Tu veux pas finir comme moi. Rassure-toi, ma vie est bien mieux que la tienne.

Il démarre et part à toute vitesse. Je reste plantée là, sous la pluie. Je remets mon masque d'insensibilité le temps de retourner dans ma chambre.

J'ouvre la porte de derrière et ne veille même pas à cacher les traces de mon passage. Je monte les escaliers, trempée jusqu'aux os. Un fois en haut, je jette ma valise au sol. Je n'enlève même pas ma veste. Je sens le goût familier et métallique du sang dans ma bouche, pour l'avoir mordue sans cesse depuis la rue. Je ferme la porte et garde les jambes plantées dans le sol. Je fais preuve d'une force incroyable pour ne pas craquer. Mais je suis seule dans cette maison immense.

Je hurle si fort que j'en casse presque ma voix qui se brise dans mes sanglots. Pourquoi suis-je revenue ? Je ne veux pas rester ici, faible et stupide. Parce que je suis stupide. Je me laisse faire, j'attends que la vie fasse son chemin jusqu'à ma mort. Et je ne fais rien pour aller mieux. Pourquoi je fais ça ? Learth a raison, j'ai une vie horriblement triste et morne. Ma vie n'en vaut pas la peine. Je n'en vaux pas la peine.

J'entends la porte d'entrée s'ouvrir dans un coup de tonnerre. Je me tais par réflexe. J'entends des voix, deux pour être exacte. Une voix de femme et une voix d'homme. Mon père ne rentre que demain, ça ne peut pas être lui. Puis j'entends des sons étranges. J'entrouvre la porte. Des gémissements. D'accord, en fait mon père a dû rentrer plus tôt. Je referme la porte, mais avant...

- Fais moins de bruit, elle risque de nous entendre.

Cette voix...

- Non, ne t'en fait pas, elle ne nous entend jamais. Continue.

Cette fois, c'est ma mère. Mais l'autre voix. Je vais regretter ce que je vais faire.

Je descends les escaliers à toute vitesse. J'ai beau faire du bruit, les couinements de ma mère couvre mon vacarme. J'arrive dans le salon. Ma mère est couchée sur le ventre sur la table, se tenant fermement aux bords, alors qu'elle est en train de... Oui, elle baise sur la table, je ne rêve pas. Le pire, c'est de voir qui est derrière elle.

- Qu'est-ce que c'est que ça !!!

Je ne peux m'empêcher de hurler.

Ma mère remonte sa culotte et remet sa robe. Le Pasteur Daniel range son matériel lui aussi. Il ne me regarde même pas dans les yeux. Elle, est furax.

- Qu'est-ce que tu fais là, toi !?

- Je te retourne la question.

- Ça ne te regarde pas ! Et surtout tu es punie ! Retourne dans ta chambre avant que je ne t'enferme une semaine de plus !

- Non mais je rêve là ! Toute ma vie tu m'as fait la morale sur le bien et le mal, et maintenant tu t'envoies en l'air avec le pasteur !? Tu trompes ton mari et tu mens à ta fille !

- Tais-toi et va dans ta chambre avant que je ne te fasse regretter tes paroles !

- Non !

Elle se redresse et sourit. Elle vient vers moi à toute vitesse. Elle me gifle fort, mais je bouge à peine. Voyant ma résistance soudaine, et recommence, et encore. Mais je la pousse en arrière. Elle frôle la chute avec ses talons. Je serre les poings. Avec tout ce que je viens de le prendre dans la tête, plus rien ne m'effraie. Et cette fois, c'est pour de bon. Je ne peux que hurler.

- Tu me bats ! Tu me séquestres ! Tu me fais culpabiliser ! Tu me prives de tout ! Tu m'empoisonnes la vie ! Tu me dis ce que je dois faire ! Mais de quel droit !?

- Tu baisses d'un ton, tout de suite !

- Non !

- Écoute ta mère, Numidia.

En formulant cette phrase, il me fait plonger dans mes souvenirs. Combien de fois a-t-il dit ça ? Une seconde... et s'il était du coté de ma mère depuis tout ce temps...

- C'est vous qui lui avez tout dit... chaque fois que je venais vous voir, elle passait juste après moi. Vous lui faisiez votre rapport. La moindre confidence, le moindre doute...

- Numidia, je t'en pris...

- TAISEZ-VOUS !!!

Ma voix n'est qu'un réceptacle de haine. Je les hais, tous les deux. Un rire hystérique sort de ma gorge.

- Dire que pendant tout ce temps, je croyais que c'était papa la balance. Si j'avais su... il est au courant au moins ?

- Numidia...

Elle bout de rage. Je ris plus.

- Évidemment qu'il l'ignore. Tu ne vas pas hurler sur les toits que tu baises le pasteur.

- Numidia...

- Toi, la femme si respectable.

- Stop.

- Qui est tant à plaindre.

- Arrête ça.

- Avec ton mari alcoolique et ta fille cancéreuse et décevante.

- Tout de suite.

Je ris, mais j'ai envie de hurler, de pleurer, de lui arracher la tête. Mais je sais quoi faire.

- C'est bon, je me suis assez défoulée. Je vais dans ma chambre.

Elle a été tellement surprise qu'elle n'a même pas remarqué que j'étais trempée par la pluie.

Je monte, ferme la porte et prends ma valise. Je redescends aussi vite que possible, prends les clefs de la voiture de luxe de ma mère et sors en courant. Je l'ouvre avec difficulté. Ma mère sort de la maison en hurlant mon nom quand elle me voit partir au volant de sa voiture.

***

Je roule le plus loin et le plus vite possible. Il faut que je parte de là. Je ne dois pas y retourner. Il faut que je fuis. Je ne dois pas faire marche arrière. Des larmes sourdes coulent abondamment sur mes joues. Je me sens tellement mal. Je préférerai être morte plutôt que de ressentir ça. Je roule jusqu'à la forêt. Je me gare au bord de la route et pars m'y réfugier sans fermer la voiture.

J'arrache l'élastique dans mes cheveux et cours presque, me prenant des branches sur le chemin. La douleur physique ne pourra jamais être aussi forte que celle que je ressens. Je vais jusqu'au bord de la falaise, j'y cours à toute vitesse. Mais je freine juste avant. Pourquoi je n'y arrive pas !? Je hurle comme je ne l'ai jamais fait. C'est fort, c'est douloureux, ça arrache mon cœur. Je le serre de ma main, mais elle tombe sur un objet froid et métallique. Je touche ma croix et sans hésiter une seconde, je l'arrache et la jette dans le gouffre. Je hurle de plus bel. Je pleure. Je suis désespérée. Personne ne pourra calmer la tempête en moi, identique à celle au dessus de ma tête qui vient s'insinuer entre les arbres. Je ne sais pas quoi faire. Je suis perdue. Je suis détruite. J'ai été détruite par une femme sans scrupule ni honneur. Une femme qui m'a volé ma liberté et mon âme.

J'arrête de hurler sans cesser de pleurer. Sans vraiment savoir ce que je vais faire, je retourne vers la voiture pour rouler sans fin.

***

Je suis trempée, autant de larmes que de pluie, quand j'arrive devant sa porte. Voilà presque deux heures que je suis rentrée chez moi. Je sonne. Mais pas de réponse. Je frappe à la porte et sonne encore. Qu'est-ce que je fais ? Je crie son nom, la voix pleine de désespoir. La porte s'ouvre. Il me regarde de haut en bas, sans comprendre ma présence.

- Numidia ? Qu'est-ce que tu fais là ?

Je me jette sur Learth et me perds sur ses lèvres.

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