17. Darhgo

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Guidé par la lueur de la tour de Jade, Darhgo se faufilait de ruelle en ruelle. À cette heure, il ne risquait de croiser, sur l’Avenue Esten Telvah, que des ivrognes et des prostituées mais le lieutenant savait que Julian avait renforcé les tours de garde depuis le retour de son fils paria. Il valait mieux éviter les axes principaux, au cas où.

Son estomac était noué. Sa tête, pleine de souvenirs. Il se rappelait sa première rencontre avec un ambassadeur impérial. C’était il y a deux ans. L’homme qui occupait ce poste alors était un obèse, au front brillant et au pince nez ridiculement petit.

« Darhgo Lekkhar, avait dit l’ambassadeur Federic Canterra. Âge, vingt-sept ans. Lieu de naissance, Benegald, nouvelle Terrakkha. Père, Kharo Lekkhar, statut héros de la légion ophisienne, mort. Mère, statut… ah, pas de statut, morte. » Un éclaircissement de gorge et il avait poursuivi, manifestement ravi de ses découvertes. « Épouse, oui. Enfants, deux. Bas âge. Localisation…

— Quartier Ylast Syralzar », avait complété le lieutenant.

Anxieux, il tripotait la plume de paon que lui avait confié l’ambassadeur. De l’autre côté du pupitre, Canterra prenait des notes, ses yeux lorgnant au-dessus de son pince-nez comme des billes bleues et disparates.

« Les bidonvilles, avait-t-il grincé avec sa voix de crécelle.

— Les favelas. Pouvez-vous… » Darhgo avait passé son doigt dans sa moustache noire et tenté de recoiffer négligemment ses longs cheveux bruns. Une vieille habitude de charmeur enseignée par un vieil ami. Malheureusement, tout portrait à croire que Canterra se montrait insensible à ses charmes. « Pouvez-vous assurer leur transfert jusqu’à Ciudacarmina. Ma femme et mes enfants, ils ne sont pas en sécurité à Ophis.

— Personne ne l’est. »

Les bajoues de crapaud du diplomate gonflaient quand il parlait. Il avait convié Darhgo à son bureau sur l’avenue Esten Telvah en pleine nuit. L’horloge affichait deux heures trente. D’ordinaire, à cette heure, Gaella insistait pour s’amuser avec lui. Elle était encore mineure à leur rencontre, aussi Darhgo avait-il honte d’accepter leurs ébats et plus encore d’en tirer du plaisir.… Cette nuit-là, cependant, il l’avait refusée et avait versé dans sa camomille une infusion de parpiin, un puissant somnifère. La pauvre ne méritait pas un tel traitement mais Darhgo n’avait pas eu le choix. Ce rendez-vous, il n’aurait pu le manquer sous aucun prétexte.

« Surtout pas eux, avait complété Darhgo après un long moment. Je mène une vie dangereuse, je vous en supplie. Conduisez-les ailleurs et… donnez-leur de quoi vivre. Un nouvel époux à ma femme s’il le faut. Qu’ils quittent la cité. Ils ne sont…

— Pas en sécurité ici, j’ai bien entendu. Vous réclamez l’aide de l’Empire, Monsieur Lekkhar mais que pouvez-vous lui offrir ? »

Darhgo n’avait pas hésité l’ombre d’une seconde.

« Absolument tout. »

Darhgo ignorait si sa famille avait fui la cité mais une chose était sûre : elle avait disparu. Nuit et jour, le lieutenant allait prier les treize dieux de Terrakkha. Protégez-les de tout et de tout le monde, répétait-il avec ses yeux clos. Du Cobra Borgne, de la Maria-Luisa, de la Secrétaire Général, de Gaella, de l’Empire. De tout le monde.

Un jour, il avait même supplié une divinité inédite : la Déesse. Il s’était rendu à la tour de Jade, de nuit, à l’heure exacte où les façades du temple commençaient à luire d’un éclat éblouissant : minuit trente-deux. Personne ne savait pourquoi la tour s’illuminait ainsi jusqu’à l’aube mais les fidèles de Berenessa y lisaient un appel à la prière. Les notables, mineurs et paysans se tiraient de leur sommeil, les prostitués et tenanciers interrompaient leurs activités et tous tombaient à genoux, mains ouvertes et psaumes aux lèvres.

C’était la première fois que Darhgo pénétrait dans l’édifice. Il s’attendait à interrompre une messe, à débusquer des dévots, à entendre des confessions mais à aucun moment il n’aurait cru se retrouver seul ; seul entre ces murs verts aux vitraux sinistres, seul face à la Déesse Mère, Berenessa, son cœur putréfié et sa balance de cuivre entre les mains. Il avait remonté l’allée sous les réverbérations de ses bottes contre la mosaïque et s’était agenouillé au pied de la statue. Sous les centaines de tonnes de pierre de jade qui l’écrasaient, Darhgo se sentait étranger. Sur son piédestal, la Déesse elle-même le jugeait. Elle était de diamant et de pierreries et pourtant si réelle. Je n’ai rien à faire ici, songea Darhgo, et elle le sait.

Deux ans plus tard, Darhgo n’avait plus envie de prier. Il empruntait le même chemin qu’autrefois, avec la même peur au ventre, le même désir fugace de faire demi-tour, de sauter dans une galère et de s’exiler quelque part, le plus loin possible. Canterra n’avait tenu à le voir qu’une fois. Le reste de leurs échanges s’effectuaient en catimini, dans des ruelles où des bordels bondés, sous des ponts ou à bord de bateaux-mouches. Darhgo tendait ses rapports au petit assistant taciturne de Canterra et disparaissait sans demander son reste.

Malheureusement, Canterra était mort. Sa remplaçante était une femme, Oryane Decour. Darhgo avait entendu le Cobra Borgne pester quand il avait découvert que l’Empire allait envoyer. Si Julian Venator la haïssait, ce devait être une femme fort sympathique.

Darhgo trouva la porte dérobée de l’ambassade, située à l’arrière du bâtiment à colonnades de marbre. Il l’ouvrit précautionneusement et s’élança au pas de course dans les couloirs. Les peaux de bête avaient disparu. Les tapisseries, les tapis et les riches dorures aussi. Il n’y avait plus, au mur, que des bannières impériales, des plaques commémoratives et des dogmes. Beaucoup de dogmes.

« Liberté est maîtresse. Société est somme d’individus. »

En s’avançant, Darhgo remarqua que des néons bleus, au sol, suivait sa course. Autour, les portraits en noir et blanc des différents ambassadeurs le suivaient du regard. Jamais il ne s’était senti aussi observé.

Comme escompté, les couloirs de l’ambassade étaient vides. Ni serviteur ni dignitaire ne trainassait à cette heure dans les vastes halls de l’ambassade. Darhgo rejoignit sans embuche le bureau de l’ambassadrice.

« Ouvrez », héla une voix détachée lorsqu’il frappa à la porte bardée de topaze.

La pénombre envahissait le cabinet et seuls quelques lisérés de lumière verte permirent à Darhgo d’aller s’asseoir devant le secrétaire, face à deux silhouettes à peine distinguables. Si Canterra avait décoré son bureau de peaux de zèbres dorés, la nouvelle ambassadrice les avaient remplacés par de simples drapeaux impériaux : griffon sur fond saphir, brodés de la devise de l’hymne à Raldda « par-delà les vents, par-delà les cieux, par-delà l’infini. »

« Vous vouliez me voir, Madame ? », risqua Darhgo.

Oryane Decour ne daigna même pas lever la tête.

« Mon prédécesseur a laissé des caissons entiers de dossiers en suspens… et il m’incombe à moi de les refermer. » Elle leva les yeux et les plissa au-dessus de son pince-nez. « Darhgo, n’est-ce pas ? Pardonnez-moi mais j’ai oublié votre nom.

— Lekkhar.

— Lekkhar… Lekkhar... » Oryane Decour se redressa sur son siège. Un bandeau bleuté retenait en arrière ses boucles d’un roux presque blond. « Je me souviens bien du major Kharo Lekkhar, reprit-elle. J’ai beaucoup lu à son sujet. Le Hérault de Terrakkha, décoré de la médaille de la Légion d’écailles. Pourtant, bon nombre de détracteurs, parmi lesquels certains de mes plus éminents collègues, semblent penser qu’il aurait mérité un tout autre traitement. Se faire passer pour un résistant puis livrer ses camarades en pâture aux Venator. Des méthodes peu cautionnables, ne croyez-vous pas ? »

Darhgo remua sur son propre fauteuil, un vulgaire pouf rembourré sans dossier ni accoudoirs, bien loin du trône de velours argent et saphir de l’ambassadrice. Il n’arrivait pas à passer la main dans ses cheveux pas plus qu’il ne parvenait à recoiffer sa barbe.

« C’est mon père, grommela-t-il.

— C’est grâce à lui que vous êtes entré au service de Julian Venator, n’est-ce pas, lieutenant ?

Darhgo dévisagea le scribe qui grattait le papier derrière un pupitre d’acajou. Le même qu’employait Canterra. Un homme bouffi et d’une pâleur maladive, aux cheveux gras tombant sur un front anormalement enfoncé.

« Vous connaissez la réponse, il me semble. »

Oryane sourit.

« Quand est-ce arrivé ?

— Il y a neuf ans, Madame.

— Au moment de la tragédie des nouveau-nés et du bannissement de Seth Venator, n’est-ce pas ? »

Darhgo voulait partir. La nuit était chaude, comme toujours à Ophis, et il était courbaturé, fatigué. Le lieutenant n’avait guère envie de revivre l’interrogatoire que lui avait infligé Canterra, deux ans plus tôt.

« Oui, Madame.

— Qui a causé la création du syndicat des Mères ainsi que de vifs mouvements de contestation dans le pays, n’est-ce pas ?

— Très bien. »

Oryane somma au scribe d’arrêter d’écrire.

« Au département de la Géopolitique Internationale impériale, c’était à ce moment précis que nous nous étions accordés sur le fait que quelque chose clochait avec ce bon vieux Cobra Borgne. Dites-moi, Monsieur Lekkhar, avez-vous pris les armes contre les Mères ou tuer des manifestants sur ordre du Général Venator ?

— Oui.

— Quel effet cela fait, de tuer une mère de famille au nom de la défense d’une caste politique autocratique, voire tyrannique ?

— Vous devriez demander à mes camarades ce qu’ils en pensent, rétorqua le lieutenant. Pour les trouver, vous n’avez qu’à suivre les cordes et les tabourets.

— Je vois que vous êtes là devant moi, pourtant. Ni sur un tabouret, ni au bout d’une corde.

— Nous faisons tous face à notre manière. La mienne était moins délétère.

— Elle s’appelait Tyana, cette façon de faire face. Me trompé-je ? »

Darhgo sentit la colère vibrer sous ses tempes.

« Et Marco et Lyna, si vous voulez être plus précise, Madame.

— Lyna, le prénom de votre Mère. »

Darhgo se raidit. L’absence de dossier lui était très inconfortable.

« Oui, confessa-t-il. Ma mère assassinée en représailles d’évènements dont elle n’avait aucun contrôle… par les fameux rebelles que vous pleuriez plus tôt. Vous savez, ceux que mon père aurait lâchement trahis. Votre rapport doit le mentionner.

— D’autres sujets ont davantage attiré mon attention, Monsieur Lekkhar. Votre relation avec Gaella Venator, par exemple. Mon prédécesseur a noté, je cite que vous étiez proches, peut-être même trop proche. Je souhaiterais volontiers en entendre davantage.

— Je suis à son service depuis… huit ans.

— Et vous vous êtes récemment mis à la baiser, disons-le crument. » Darhgo tripota fébrilement le stylo posé devant sa place sur le secrétaire. Le métal avait remplacé la plume de paon. Oryane reprit sans lui laisser le temps de se défendre. « Nous parlons bien de la benjamine Venator, n’est-ce-pas ? Beauté douce et exotique, yeux gris, petite taille, formes plantureuses.

— Oui.

— Alors, elle devait avoir à peine dix ans quand vous l’avez rencontrée.

— Oui.

— C’est donc auprès d’un homme comme vous que mon prédécesseur cherchait ses informations. Le fils d’un traître, un tueur d’enfants, un mari infidèle et un amateur de gamine. »

Darhgo ne put contenir un râle de dégout.

« Nous n’avons commencé notre relation qu’il y a un an de cela. Une relation, à sens unique, organisée sous conseil de votre prédécesseur, Federic Canterra ! »

C’était un demi-mensonge. L’ambassadeur avait encouragé l’idée mais Darhgo en était le seul instigateur.

« Elle avait donc dix-sept ans et vous vingt-six, argumenta Oryane. Je ne pense pas que vous vous contentiez de regards langoureux. C’est sûrement vous qui avez dû la dépuceler. Je peux difficilement la blâmer, elle. En ce qui vous concerne, je pense que vous méritez une leçon de consentement.

— Peut-être que l’Edenfjord est moins tolérant qu’Araphis à ce sujet Canterra ne se préoccupait pas de ces détails. » Oryane ouvrit la bouche pour l’interrompre mais Darhgo reprit plus fort. « Notre accord stipulait que vous deviez mettre à l’abri ma femme et mes enfants en l’échange d’informations que je vous ai fournies.

— Des informations que vous avez recueillies auprès d’une gamine en manque d’amour et que vous vendiez dans son dos pour le bien d’une femme dont elle ne connait même pas l’existence ; femme que vous cocufiez sans vergogne au nom de sa propre protection. » Elle marqua une pause, amusée visiblement par la mâchoire que serrait son interlocuteur. Elle jouait avec lui. Il serrait ses poings jusqu’au sang. « Vous êtes vraiment un homme exquis, Darhgo Lekkhar. Mon prédécesseur faisait votre éloge, il parlait de vous comme un bon soldat et un père dévoué. Imaginez donc ma déception de ne trouver qu’un gorille manipulateur comme j’en ai connu tant d’autres. »

Darhgo en avait assez entendu. Il se redressa, referma sa chemise de tissu fin presque transparent et se pencha, poings sur le bureau de l’ambassadrice.

« Je me fous de l’Empire alors croyez ce que vous voulez, Madame, mais je n’ai travaillé avec vous que pour garantir la sécurité de ma famille. C’est tout. Maintenant, si vous voulez bien m’excuser. »

Il allait disparaître derrière la porte quand Oryane haussa le ton.

« En deux ans, Tyana n’a pas retrouvé l’amour mais elle le pourrait plus tôt qu’elle ne le croit. » Darhgo s’arrêta sur le seuil, entre les deux solides piliers de marbre blanc. Son cœur tonnait dans ses tympans. Il se retourna. L’ambassadrice le fixait droit dans les yeux, les mains croisées sur son secrétaire. « Nous avons tenu notre parole, votre famille est sauve. » Elle ouvrit un tiroir et répandit des photographies devant elle. « Je vous laisse voir. »

Darhgo se précipita sur le bureau. Il attrapa les photographies entre ses mains, les détailla toutes, une par une. Il sentit une larme dévaler sa joue gauche et ne prit pas la peine de la chasser. Ses yeux s’écarquillèrent tandis qu’un sourire benêt apparaissait sur ses lèvres : Marco courant après une sorte de ballon, Lyna dans un berceau, sourire aux lèvres. Et surtout, Tyana, ses enfants entre les bras, devant un grand manoir. Ils ont l’air si heureux, songea-t-il, tiraillé entre espoir et mélancolie.

« Vous dites adorer vos enfants et votre épouse, avança Oryane je vais prendre le risque de vous croire. Eux vous aiment plus que tout, soyez-en sûr… »

Elle rassembla les photographies et les prépara un dossier.

« L’Empire vous a offert le bien-être de votre famille mais notre générosité ne connait pas de limite. La mort de Canterra a rompu le contrat qui nous unissait l’un et l’autre mais vous l’aviez bien servi. Je souhaiterais renouveler notre accord avec une nouvelle offre : une nouvelle vie, pas à Ophis, pas à Ciudacarmina mais à Wortefer, la capitale d’Edenfjord. L’air y est frais, c’est certain, mais le bon Julian n’aura aucun moyen de vous atteindre. Nous vous offririons un lopin de terre, une petite ferme — l’on m’a dit que vous affectionniez le bricolage — mais surtout, nous vous offririons votre famille. Marco n’a que cinq ans mais il reconnait encore son père, l’un de nos hommes s’assure de le tenir au courant de votre… héroïsme. La petite Lyna, elle… a besoin de protection. Elle a eu la rougeole vous savez. Nos médecins s’en sont occupé. Maintenant, la pauvre n’a plus besoin que de vous. »

Darhgo posa la dernière photographie sans en détourner le regard. Quand Oryane la rangea dans son dossier, le cœur du lieutenant se serra.

« Qu’attendez-vous de moi ?

— Notre erreur a été de sous-estimer Julian Venator pendant trop longtemps, de croire qu’il était suffisamment idiot et bourru pour se laisser duper par nos espions à nous. J’applaudis Canterra de ne pas être tombé dans un tel piège et de vous avoir déniché, vous. Le seul homme au monde capable de tromper le Cobra Borgne à la fois sur ses intentions, sur ses allégeances, sur son passé et sur la nature des relations qu’il entretient avec sa fille. » Elle se leva et réajusta son bandeau. Des planches condamnaient la fenêtre derrière elle et seuls quelques filets verdâtres se faufilaient entre les trous dans le bois. « J’aurais bien besoin d’un homme comme vous.

— Ce sont des informations que vous voulez ? Gaella Venator m’en a rapporté au sujet du Soubresaut de...

— Ce sont des informations sur Seth Venator que nous voulons. Sur son exil, son retour, en passant par son procès et surtout par son passage dans l’Est. Nos espions nous rapportent qu’il a demeuré longtemps à Boreveth et qu’il aurait ensuite traversé la Maryse en direction de l’oasis d’Aryio. Comme vous le savez, les relations entre l’Empire et l’Alliance Tricéphale ne sont pas des plus cordiales or nous avons des raisons de penser que Seth Venator a été en contact avec certains des ennemis les plus retors de l’Empire. »

Elle faisait les cent pas autour devant la fenêtre condamnée, torse bombé. Darhgo la suivait du regard, sourcils froncés. Canterra était un homme antipathique mais prévisible. L’ambassadrice Oryane Decour semblait être d’une toute autre trempe.

« C’est tout ?

— Non. »

Elle fouilla dans un tiroir de son secrétaire et en sortit une fiole. Son contenu était trouble, verdâtre.

« Qu’est-ce que c’est ? demanda Darhgo.

— Du poison, pour tuer Julian Venator. »

Sur ses mots, elle se rassit. Elle extirpa un étui de cuir de son secrétaire et enfila son pince-nez. Darhgo la regarda faire, l’air incrédule.

« Vous voulez que…

— Vous tuiez un dictateur sanguinaire, oui. Croyez-le ou non, c’est une manœuvre bien plus noble que de tringler une fillette de seize ans. Et bien moins risquée aussi. Gaella Venator a reçu son invitation au gala de Meredys Incarnat, elle quitte la cité dans une semaine. En tant que Capitaine de sa garde, vous l’accompagnerez. Le poison fait effet en deux jours. Si votre stratagème est bien ficelé, vous serez déjà à Ciudacarmina quand le Cobra Borgne vomira ses premières biles. Là, vous pourrez rejoindre Tyana et les enfants et partir pour Edenfjord. Mais ne vous avisez pas de nous trahir. L’Empire a des valeurs, mais nous n’hésiterons pas à fusiller votre famille si vous vendez la mèche à nos chers amis. »

Darhgo était paralysé par la peur. Les enjeux étaient trop importants. Les services secrets d’Ophis opéraient partout. Verser une fiole de poison dans un verre n’allait pas être chose aisée. Oryane devait le savoir, sinon pourquoi ne pas confier la tâche à un espion plus qualifier. Elle voulait se dédouaner, le faire passer pour un dégénéré solitaire sans lien direct avec les intérêts impériaux. Elle se moquait bien du sort qui serait le sien si Julian découvrait ses manigances. Quel serait ce sort, d’ailleurs ? Décapitation, une balle dans la tête ou des mois, voire des années de torture ? On racontait que le donjon de l’Araphis ne désemplissait jamais, que personne n’en sortait jamais, que les geôliers étaient des sorciers et sorcières, ou des cannibales et des chamans.

Darhgo prit la fiole. Il l’examina un temps, un long moment, avant de la glisser dans sa poche. Satisfaite, Oryane retourna à ses écrits.

« Ce sera tout, Monsieur Lekkhar. Oula, bientôt trois heures du matin, j’imagine que le moment arrive pour vous d’aller bécoter une certaine fillette. »

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