Acte 6 - Une visite inattendue

5 minutes de lecture

Camille s'empressa de réunir le dossier de sa prochaine visite qui approchait à grands pas. Le client était un homme d'une quarantaine d'années qui cherchait une maison secondaire dans un village tranquille à coté des vignes de la Champagne, un endroit calme avec un cadre pittoresque et luxuriant.

Le jeune agent immobilier avait donc décidé de lui faire visiter une maison à Avize, un petit village situé à une dizaine de minutes d'Epernay, la capitale du champagne. La demeure correspondait à tous les critères exigés par ledit client, et Camille espérait qu'elle lui conviendrait.

Une fois ses divers papier réunis, il s'empressa d'appeler un taxi pour le conduire au lieu de la visite qui se trouvait à trente minutes de Reims. Le trajet se déroulait sans encombre. Camille, submergé par le stress et l'anxiété, ne pouvait s'empêcher de se ronger les ongles et d'agiter sa jambe frénétiquement. Au cours du trajet, le paysage par la fenêtre changeait du tout au tout, passant de la ville froide et aseptisée, à la dense forêt de la montagne de Reims, puis aux longues lignes de vignes qui recouvraient des hectares et des hectares de collines. Le soleil illuminait le paysage et semblait comme embraser ces longues lignes, ressemblant à des tranchées, ses rayons recouvraient chaque espace de l'horizon. Seulsles habitations venaient arrêter leur extension. Avize faisait partie de ce regroupement de logements et se situait en haut d'une colline ce qui lui donnait une vue imprenable sur tout le vignoble.

Le taxi se gara enfin au lieu de la visite mais il semblerait que le client soit déjà arrivé, Camille vérifia l'heure sur son portable, et s'exclama :

- « 9H15... Je suis en retard bon dieu ! »

Le jeune homme régla rapidement le chauffeur de taxi et descendit hâtivement du véhicule. Il approcha du client et s'excusa avec une mine décomposée :

- « Pardonnez mon retard, monsieur ! J'ai eu un souci avec ma voiture hier et je n'ai été averti du changement d'horaire de notre rendez-vous que ce matin ! J'espère que vous n'avez pas trop attendu ! »

Le potentiel acheteur était un homme brun qui faisait son age et mesurait un peu plus d'un mètre soixante-dix. Il jeta un œil à sa montre et répondit avec un ton inquisiteur au petit agent immobilier :

- « J'espère que ce genre de retard ne se répétera pas, je suis quelqu'un d'extrêmement busy, voyez-vous. D'ailleurs, commençons la visite, j'ai cours de water-polo à 11h00. »

- « Bien entendu monsieur, allons-y, commençons ! Alors, tout d'abord, comme vous pouvez le constater, c'est une superbe maison de plain-pied. C'est très moderne et ça offre pas mal d'espace, le seul inconvénient, je dirais que c'est qu'il n'y a pas de grenier mais vous avez un très grand garage pour compenser ! Pour une habitation secondaire, ce genre d'architecture est vraiment un must-have ! Elle est bien entendu comme neuve, les anciens propriétaires ont du déménager pour des raisons personnelles, ça ne concernait en aucun cas la maison elle-même. Ensuite, vous verrez que l'intérieur est comme neuf également et qu'il n'y a plus de travaux à y faire, mais après si vous avez l'âme d'un bricoleur vous pouvez toujours retoucher certaines pièces selon vos goûts ! » - déblatéra machinalement Camille, comme s'il lisait un script. Cependant le client le coupa, toujours avec son agaçant ton dédaigneux :

- « Non, je ne suis pas bricoleur. Mais pour l'instant l'extérieur me plaît, j'aime beaucoup les murs blancs et le toit en tuiles rouges, c'est propre. »

Le plus petit ouvra la grille qui séparait la rue du terrain de l'habitation tout en répondant :

- « Heureux que pour l'instant ce bijou vous plaise ! Je vous invite maintenant à entrer et à constater l'espace jardin devant la maison ! Vous avez ici trente mètres carrés, et derrière, plus du double ! C'est un endroit parfait pour y exposer quelques sculptures ou faire pousser quelques petites fleurs. »

Le quarantenaire analysait le jardin en se frottant le menton, puis tout en pointant la porte du doigt, il déclara :

- « Bien. À présent je veux voir l'intérieur. »

- « Tout de suite, monsieur. » acquiesça Camille tout en allant ouvrir la porte d'entrée.

La porte était comme les murs de la maison, d'un blanc de lin doux et raffiné, la poignée était en acier doré et brillait de mille feux. Tout cette maison reflétait la délicatesse et l'harmonie de la nouvelle bourgeoisie. Pourtant, en ouvrant la porte, toute la beauté de ce cadre apaisant fût immédiatement anéantie. Comme un vent de mort flottait dans l'air, une odeur répugnante engouffra l'esprit des deux hommes dans un typhon morbide et méphitique. Tous les deux furent pris d'un effroyable frisson de répulsion en réponse à l'angoisse produite par cette ignoble atmosphère, suivit d'un mouvement de recul qui rappelait celui d'une proie acculée par son prédateur naturel.

De longues secondes, qui paraissaient aussi longues que plusieurs vies sur terres s'écoulèrent. Ce silence pesant fut abruptement interrompu par le claquement de la porte, qui à cause du vent dehors, s'est refermée elle même, comme pour préserver l'humanité de la noirceur que ce lieu abritait en son sein. Le client, les traits du visage tirés par la répulsion que lui procurait cette maison et son odeur, son atmosphère, prononça seulement quelques mots avant de partir sans se retourner :

- « Je ne veux pas de cette maison. »

Camille, sous le choc, le laissa partir sans rien dire. Presque palpable, cette fétide odeur qui lui était inconnue, semblait presque rôder dans la pièce, le guetter, le toucher tant elle était prenante. Mais, par courage, ou plutôt par folie, le jeune homme se décida de tirer au clair l'origine de cette émanation cauchemardesque. Il avala sa salive et décida à nouveau de pousser la porte, cette fois ci plus lentement et avec beaucoup d'appréhension. Il mit sa manche devant son nez et ne respira que très peu, par la bouche, pour éviter au maximum que l'air infect de la maison n'entre en lui, dans sa gorge ou son esprit.

Il pénétra dans la maison, qui avait l'air bien plus sordide que dans ses souvenirs lors de ses anciennes visites de celle-ci. Les volets étaient fermés, très peu de lumière pouvait s'infiltrer dans ce cloaque. Le jeune homme continuait d'avancer, les jambes tremblantes et le cœur battant à tout rompre, à tel point qu'il en imaginait ses côtes brisés. Ses pas semblaient tous extrêmement bruyants contre le sol en marbre, comme si à chaque fois que son pied touchait le sol, le vide lui même résonnait. L'entrée ne présentait pourtant visuellement rien d'anormal, alors qu'est-ce que ce lieu cafardeux et cette odeur innommable pouvaient bien ombrager ?

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire SINacte ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0