Acte 7 - La flaque

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Camille décida d'aller inspecter les autres pièces du foyer, en passant une porte qui se trouvait à droite. D'après ses souvenirs, cette pièce devrait être le salon. Quand il posa ses yeux sur celle-ci, une sensation désagréable et inconnue le parcourait. Pourtant, la pièce n'avait rien de différent comparé à la dernière fois qu'il l'avait visitée, c'est son atmosphère qui avait changé. Qu'avait t-il pu arriver à cette maison pour qu'elle devienne si hostile ?

L'aventureux jeune homme inspectait donc le salon de fond en comble, mais rien ne pouvait expliquer cette odeur étouffante incrustée dans l'air de la pièce. Soudain, comme le son du tonnerre dans une église, le bruit d'un objet en verre qui se brise résonna et arrêta net le rythme lancinant des pas de Camille. Ce dernier se tourna en sursautant dans la direction du bruit. Il tenait son cœur qui s'emballait de plus en plus, comme s'il voulait s'enfuir. Son souffle s'accélérait, ses pupilles se dilataient, son corps tout entier était prêt à détaler, ses instincts les plus primaires étaient en effervescence. L'éclat du bruit venait de la chambre, qu'est-ce qui a bien pu se briser ? Un vase ? Un miroir ? Pour Camille il n'y avait qu'un seul moyen de le savoir. Bien que son corps, ses muscles, ses hormones et toutes les différentes sécrétions que produisait son cerveau lui hurlaient de s'enfuir immédiatement, il continua, poussé par la curiosité, s'approchant de plus en plus d'un danger qui semblait prendre vie, un danger qui devait peut-être rester loin du regard d'un humain, un danger qui devait rester inconnu de ce monde. Mais aussi contradictoire que cela puisse paraître, pour le jeune Camille, il fallait savoir ce qui donnait naissance à toutes ces sensations insupportables.

Il avançait donc en direction de la chambre, tremblant et respirant rapidement. Il sentait et entendait les battements incessants de son cœur qui résonnaient dans son corps. Il traversa le salon de toute sa longueur et rejoignit un couloir dont les murs étaient de couleur crème. Au bout de ce couloir se trouvait une porte entrouverte, blanche et immaculée. Cette vision, si banale qu'elle semblait être, était pourtant rudement traumatisante. Le blanc, pur, léger et séraphique était entremêlé avec cette atmosphère et cette odeur obscène, grouillante et méphistophélique, offrant un dérangeant spectacle illogique aux yeux du jeune homme. D'une voix tremblotante, la gorge nouée par les larmes et l'effroi, Camille interrogea :

- « Il y a quelqu'un ? »

un long et bourdonnant silence qui était pire que n'importe quelle réponse imaginable pour Camille suivit cette question. Constatant qu'il n'était plus qu'à quelques pas de la porte de la chambre, il sentait qu'à présent il ne devait plus reculer. les murs du couloir semblaient comme se resserrer et emprisonner le jeune homme, l'étouffant par leur proximité, celui-ci se sentait oppressé. Ses derniers pas semblaient aussi pénibles que des kilomètres sous le soleil pesant d'Egypte, chacune de ses inspirations était aussi difficile qu'au sommet glacial de l'Himalaya, chacun de ses mouvements semblait l'enfoncer peu à peu au fin fond des abysses.

Il finit par réussir la traversée du couloir, il était désormais devant la porte blanche, mais celle-ci n'étant qu'entrouverte, ne laissant discerner qu'une petite partie de la chambre. L'odeur y était d'ailleurs encore plus intense, pour Camille pas de doute, son origine se trouvait derrière cette planche de bois pâle. Dans un effort qu'il ressentait alors comme surhumain, il leva son bras, agrippa la poignée de porte. Elle était glacée et semblait comme recouverte de dizaines de lames de rasoir. Il poussait lentement cette porte qui pesait étonnement le poids d'un homme adulte, et une fois qu'elle fut totalement ouverte, il put voir l'intégralité de la chambre.

Il expérimenta alors une vision au-delà du réel et de la logique. Il discernait ce qui pourrait être décrit comme une flaque noire, étalée dans un coin de la pièce, sur le sol et contre le mur. Le plus troublant était que le pied d'une armoire à côté était comme enfoncé, piégé dans cette flaque, comme si elle était en train de lentement dévorer le meuble. Intrigué, Camille s'approcha de cette étrange flaque et vu de plus près ce qui se déroulait sous ses yeux. Le noir de cette matière était intense, et paraissait aspirer la lumière qui normalement aurait dû rebondir dessus. Le fond de cette chose sombre possédait néanmoins des nuances incompréhensibles, allant bien au-delà de notre spectre visible des couleurs, cela pouvait ressembler à un amalgame irisé de taches d'essences et de cristaux de Bismuth. Plus il fixait cet abîme, plus il sentait que l'abîme regardait en lui.

Cette vue et l'odeur inqualifiable désormais à son apogée, infligèrent une violente migraine et un brutal étourdissement à Camille, qui tituba, et tout en se cognant sur les murs du couloir sorti au plus vite de la maison. Une fois arrivé à l'extérieur, il chuta lourdement à genoux, vomit sur le sol, puis respira enfin l'air qui lui paraissait d'une fraîcheur et d'une pureté sans égale à présent. Ses vertiges se dissipaient, mais la noirceur grouillante de ce qu'il a vu ne lui quittait pas l'esprit. Il se releva, et sentait malheureusement encore quelque chose, ou quelqu'un l'épier, cette fois-ci pas dans la maison mais ailleurs.

Complètement perturbé, il souhaitait à présent s'éloigner de cet endroit menaçant le plus vite possible. Il se mit à courir dans le village tout en appelant un taxi avec son téléphone. L'idée de prévenir la police ne lui venait pas à l'esprit, personne ne devait voir ce qu'il y avait à l'intérieur de cette maison, cette chose devait rester inconnue aux yeux de tous. C'est ce que se dit Camille sur le moment. Quelques minutes plus tard, un taxi arriva enfin pour le sauver de ce lieu abject.

Il monta à bord du véhicule, recouvert de sueur, encore essoufflé, sous le choc et des flots d'émotions venaient s'écraser sur les roches de son esprit. Il se ressassait des centaines de fois les divers événements, essayant de leur trouver une logique ou une explication. Peut-être était-ce un phénomène naturel très rare ? Ou bien une sorte de coïncidence, et que l'odeur venait d'un animal mort ? Aucune de ces explications ne satisfaisait totalement Camille tant il était choqué, mais il préférait tout de même se reposer sur la thèse du phénomène naturel, rien que pour se rassurer.

Une fois de retour sur son lieu de travail, il se précipita dans le bureau de son patron, monsieur Emile Girardeau. C'était un homme d'une cinquantaine d'année, assez fort, grand, et légèrement dégarni. Ses cheveux grisonnants étaient plaqués en arrière avec de la gomina, ce qui leur donnait un effet gras assez dégoûtant, et ses yeux étaient d'un bleu vitreux extrêmement clair. Après avoir repris son souffle, la boule au ventre, Camille le salua puis lui annonça :

- « Monsieur, je ne sais pas comment dire ça, mais la visite ne s'est pas passé comme prévu, le client est parti lorsque nous avons senti une mauvaise odeur dans la maison, je vous assure qu'elle n'était pas là lors des autres visites ! »

- « Une mauvaise odeur ? » Répondit Emile en fronçant les sourcils.

- « Oui, je suis parti également et je n'ai pas osé vérifié l'intérieur. » Mentit le jeune garçon, ne voulant pas détailler la vérité, de peur qu'on le prenne pour un fou.

- « Et t'as appelé quelqu'un pour ça, au moins ?! » Demanda alors le patron du plus petit, d'un ton agressif.

- « Et bien, non. Pour tout vous dire, j'ai eu peur et je suis parti le plus vite possible... » Dit Camille en baissant la tête.

- « Mais c'est pas possible, quel abruti ! Bon, dégage maintenant ! » Rouspéta le plus gros tout en tapotant le numéro de la police sur son téléphone.

Camille ne voulait pas parler de ce qu'il avait vécu lors de son investigation dans la maison, on risquait de ne pas le prendre au sérieux. Néanmoins, une fois la police avertie, elle enquêta aussitôt dans la maison. Camille fut abasourdi lorsqu'il entendit leur rapport quelques heures plus tard. En effet, un cadavre de chat aurait été découvert sous le lit et un meuble de la chambre était manquant, cependant rien à propos de la flaque n'a été mentionné. Aurait-elle disparu ? Était-ce simplement une mauvaise blague ? Le jeune agent immobilier, bien que retourné, ne posa aucune question et se satisfait de ce maigre rapport qui ne correspondait pas vraiment à ses atroces souvenirs.

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